Un "Roquelaure de la qualité de l'air" pour sauver les zones à faibles émissions
Alors que les députés doivent décider, fin mai, du rétablissement ou non du dispositif des zones à faibles émissions- mobilité (ZFE-m), supprimé en commission, la ministre de la Transition écologique a organisé, ce 12 mai, un "Roquelaure de la qualité de l'air" afin de mettre en lumière l'impact de la pollution de l'air sur la santé publique. Elle y a fait plusieurs annonces : nouveau plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques pour les années 2026-2029, mission confiée au président de la communauté de communes de la Vallée de Chamonix Mont-Blanc pour identifier les bonnes pratiques pour faciliter la vie des élus locaux… Elle y a également vanté une enveloppe de 150 millions d'euros pour les EPCI dotés d'un plan climat air énergie territorial (PCAET), donc rabotée d'un quart par rapport à ce qu'elle avait annoncé en mars.

© @AgnesRunacher/ Agnès Pannier-Runacher, François Rebsamen et Yannick Neuder
"Nous sonnons la mobilisation générale". C'est sur un ton martial que la ministre de la Transition écologique a conduit, ce 12 mai, son "Roquelaure de la qualité de l'air", ce contre-feu organisé pour arrêter la charge qui menace les zones à faibles émissions-mobilité ou ZFE-m (lire notre article du 31 mars). Dans son viseur, "les populistes qui essayent de faire taire la science" et autres "caricatures populistes", accusés d'"instrumentaliser" et de propager de "fausses vérités" pour "créer des clivages nouveaux dans la société et nourrir les colères". Les députés, qui s’apprêtent, "aux environs du 30 mai", à confirmer, ou infirmer, en séance publique la suppression de ce dispositif actée en commission (lire notre article du 27 mars), sont prévenus.
Ce 12 mai, la tactique était bien rodée. En amont, une succession d'interventions d'experts – du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air, d'Atmo France, de Santé publique France, de la Société française de pneumologie… – et une table-ronde avec trois élus locaux, destinées à préparer le terrain. D'une part, en mettant en lumière "le fardeau immense" que représente la pollution de l'air pour la santé publique, créneau désormais jugé plus porteur que celui de la protection du climat. D'autre part, en soulignant que "nous avons des politiques publiques qui fonctionnent" contre ce mal, résultats à l'appui. Et en conclusion, la présentation par Agnès Pannier-Runacher de son nouveau plan de bataille.
Approfondir les connaissances
Constatant que "nous ne possédons pas toutes les informations" sur les impacts de la pollution de l'air – notamment celle "liée aux PFAS" ou polluants éternels–, la ministre a d'abord annoncé :
- avoir "demandé à Santé publique France une réactualisation de son étude [laquelle vient d'être publiée – lire notre article du 4 février] sur le lien entre qualité de l'air, morbidité et mortalité, en se fondant sur les données 2022-2025" et en présentant un éclairage spécifique sur les enfants ;
- lancer ce 12 mai "une mission parlementaire flash sur la santé pédiatrique, les inégalités sociales et la pollution de l'air" ;
- avoir demandé, "d'ici à l'année prochaine", à l'Ademe d'évaluer le coût économique de la pollution de l'air, en soulignant qu'une "commission d'enquête du Sénat de 2015 l'avait évaluée à près de [plus de] 100 milliards d'euros" (lire notre article du 16 juillet 2015). "Les liens sont très établis, cette pollution contribue à l'acidification des sols, perturbe les écosystèmes, appauvrit notre écosystème, est responsable de la baisse des rendements agricoles", argue Agnès Pannier-Runacher.
Poursuivre et renforcer l'action
La ministre entend par ailleurs poursuivre et renforcer les actions déjà engagées, alors que les conséquences néfastes sur la santé vont grossissant. Une nécessité légale également, le directeur exécutif du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air soulignant que la nouvelle directive européenne impose de nouveaux seuils plus stricts (lire notre article du 28 novembre 2024). "Un vrai défi […]. Si l'on applique dès aujourd'hui ces nouvelles normes aux concentrations 2023, on passe de 3 à 38 agglomérations en dépassement pour les NO2, de 2 à 19 pour les PM 10 et de 0 à 18 pour les PM 2,5. On passerait de cinq agglomérations en dépassement aujourd'hui [Paris, Lyon, Montpellier, Marseille et Mayotte] à 56, ce qui nous projetterait vingt ans en arrière, où nous avions 52 agglomérations en dépassement", explique-t-il.
Agnès Pannier-Runacher a ainsi annoncé :
- le lancement d'un nouveau plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques pour les années 2026-2029, qui visera "tous les champs" de pollution, et "pas seulement la question de la pollution routière". Tout particulièrement dans le viseur, la pollution liée au chauffage au bois, qui fait déjà l'objet d'un plan d'action (lire notre article du 23 juillet 2021). En ce domaine, la ministre a ajouté qu'elle allait demander aux préfets de poursuivre leur action pour limiter les émissions de cette forme de chauffage en leur rappelant "l'obligation d'adopter des plans locaux de chauffage au bois suffisamment ambitieux" ;
- confier une mission à Éric Fournier, maire de Chamonix Mont-Blanc et président de la communauté de communes de la Vallée de Chamonix Mont-Blanc visant à identifier "les meilleures solutions à déployer contre la pollution de l'air" afin de "faciliter la vie des élus locaux qui s'emparent de ce sujet". L'élu connaît bien la matière, puisque son territoire – la vallée de l'Arve – est directement confrontée au phénomène (lire notre article du 25 juillet 2017), au point que le préfet y a interdit, depuis le 1er janvier 2022, l'usage des cheminées à foyers ouverts.
La ministre a par ailleurs insisté sur le fait que, "pour la première fois, une enveloppe de 150 millions d'euros est exclusivement fléchée" vers les EPCI dotées d'un plan climat air énergie territorial (PCAET) afin qu'ils accélèrent le déploiement des actions inscrites dans ce dernier (mesure présentée dans la circulaire "Dotations de soutien et fonds vert" – lire notre article du 5 mars). Une annonce qui sonne toutefois comme un recul, puisque Agnès Pannier-Runacher avait indiqué en mars dernier que cette enveloppe serait portée de 100 à 200 millions d'euros (lire notre article du 20 mars).
Affirmer, en l'assouplissant, le dispositif ZFE-m
Enfin, la ministre a rappelé (lire notre article du 4 avril) que le gouvernement défendra le dispositif ZFE-m à l'Assemblée, tout en le "clarifiant" – objectif ancien (lire notre article du 10 juillet 2023) – et le "simplifiant" (ce qui avait déjà été acté l'an passé – lire notre article du 20 mars 2024). Un amendement en ce sens a d'ores et déjà été déposé. "Nous avons entendu les inquiétudes, qui sont légitimes, d'une partie des Français concernant leur capacité à circuler librement dans les grandes agglomérations", déclare Agnès Pannier-Runacher. Elle souligne qu'aux termes de ce texte, seules les agglomérations qui dépassent régulièrement les seuils réglementaires de la qualité de l'air – actuellement, Paris et Lyon – seraient "soumises à l'obligation d'instaurer des restrictions légales de circulation des voitures les plus polluantes. Pour toutes les autres, ces règles seront totalement à leurs mains".
Par ailleurs, afin de laisser le temps "aux territoires d'expérimenter, de sensibiliser, d'accompagner, d'informer" leurs habitants, la ministre prévoit "d'introduire une période d'adaptation – jusqu'au 31 décembre 2026 – avant de rentrer dans une phase de verbalisation". Non sans reconnaître que "cela correspond au temps pour installer des systèmes automatiques de contrôle" que l'État peine à mettre en œuvre (lire notre article du 28 mars). La ministre se prononce également pour l'introduction "de droits de circuler qui doivent être facilement accessibles" (des "Pass ZFE autorisant un nombre limité de jours de circulation pour raisons sociales, économiques ou techniques") et pour un "accompagnement renforcé des ménages modestes et des très petites entreprises". En la matière, elle entend "relancer le travail autour de la prime à la conversion" dans le cadre des discussions du projet de loi de finances pour 2026.
Elle souhaite en outre que "le dispositif de leasing social qui sera déployé à partir de septembre [lire notre article du 1er avril] puisse dédier une partie des véhicules aux ZFE-m. Il paraît légitime que les collectivités qui s'engagent dans ce dispositif [des ZFE-m] puisse avoir accès de manière privilégiée à ce dispositif [de leasing social]". Elle a de plus indiqué qu'elle allait relancer "dans les prochaines semaines le comité de la qualité de l'air en ville", afin de voir "comment accompagner les collectivités".