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Environnement - Un vent froid souffle sur l'éolien

Dans un rapport sur l'énergie éolienne, rendu public le mardi 30 mars 2010, la mission d'information commune à la commission des affaires économiques et à celle du développement durable de l'Assemblée nationale pointe les "effets d'aubaine" qui caractérisent le secteur et insiste sur la nécessité d'établir une meilleure régulation des activités éoliennes.

"Nous ne sommes pas contre l'éolien mais pour un développement réglementé et organisé [...]. Aujourd'hui, on est dans une telle équivoque que rien n'avance." C'est en ces termes que le député UMP Patrick Ollier a présenté le rapport sur l'énergie éolienne rendu public le 30 mars. Il a présidé la mission d'information commune à la commission des affaires économiques et à celle du développement durable de l’Assemblée nationale, composée de seize députés, qui a élaboré ce rapport. Ses principales conclusions feront l’objet d’amendements débattus à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi Grenelle 2 portant engagement national pour l’environnement qui débutera le 4 mai prochain et promet de vives discussions.

Au 31 décembre 2009, la puissance raccordée du parc éolien terrestre était de 4.574 MW (1.036 MW raccordés au cours de l’année 2009). Le parc éolien français a ainsi fortement progressé au cours des quatre dernières années : la puissance installée a été multipliée par 10 environ, et par 20 en six ans, ce qui en fait un des marchés européens les plus dynamiques, relève le rapport. Pour atteindre l’objectif de 10% de notre production d’électricité en 2020, le développement de l’éolien doit se poursuivre. Toutefois, convient-il "sans doute de clarifier le cadre juridique d’une activité qui donne trop souvent le sentiment de s’imposer en force et de garantir à tous l’accès à l’information", ajoute le rapport. Or, ce durcissement du cadre réglementaire est perçu par certains comme un véritable coup de frein au développement de la filière de l’énergie éolienne. Le député PS Philippe Plisson a ainsi démissionné de sa fonction de corapporteur (avec Franck Reynier, UMP) en dénonçant la "connotation anti éolien" des conclusions de la mission d’information.

La lutte contre le mitage affichée comme une priorité

Pour la mission, les zones de développement de l’éolien (ZDE) ont été détournées de leur objectif de sauvegarde des paysages et des sites existants et n’ont en particulier "pas enclenché une véritable dynamique territoriale reposant sur l’échange et la publicité de données vérifiables, prenant en compte l’ensemble des enjeux économiques et environnementaux". Outre les dégradations durables dans des espaces naturels ou à proximité de sites remarquables, le rapport déplore le mitage du territoire résultant d’un éparpillement des parcs sans véritable planification. Afin d’y remédier, le rapport propose la création de schémas régionaux éoliens arrêtés par les préfets et fixant les délimitations territoriales qui s’imposeront aux procédures de définition des ZDE. Destinés à favoriser une programmation mieux adaptée pour l’installation de parcs éoliens sur le territoire, ces schémas régionaux pourraient également améliorer l’information du public.

Le rapport propose en outre, afin de lutter contre l’essaimage de petits parcs ou l’installation d’une éolienne isolée au sein d’une ZDE, de fixer des seuils minima pour la puissance installée (15 MW) et l’implantation des mâts (5). Or, pour le Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler), "en choisissant de proscrire les parcs éoliens de moins de 15 MW, c’est-à-dire plus de sept éoliennes actuelles, nos députés tournent le dos aux collectivités locales en leur refusant d’adapter leur politique énergétique aux particularités de leur territoire". La priorité donnée aux gros parcs éoliens, tout comme la création des schémas régionaux, risque d’engendrer des oppositions locales majeures, souligne l’association.

La soumission des éoliennes au régime des ICPE

L’une des mesures les plus contestées du rapport consisterait à soumettre les installations éoliennes au régime juridique des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cette mesure fait par ailleurs partie des dispositions du projet de loi Grenelle 2 (art. 34). La mission envisage toutefois l’adaptation des modes de contrôle des installations à la spécificité du secteur éolien. L’idée est en particulier d’exiger de chaque exploitation un bilan d’activité et de sauvegarde de l’environnement, sous la responsabilité du préfet du département du lieu d’implantation à qui il appartiendra, le cas échéant, de suspendre l’activité. La mission d’information propose par ailleurs l’interdiction de la revente de projets par un développeur ayant obtenu les autorisations nécessaires avant la mise en exploitation du parc. Pour Arnaud Gossement, avocat en droit de l'environnement et de l'énergie, le classement ICPE n'apportera rien. Bien au contraire, il s’agit d’une "mauvaise réponse à une bonne question : celle de l'aménagement du territoire". En outre, "il devrait accroître la complexité de la procédure d'autorisation et par voie de conséquence le risque juridique et contentieux lié à la création d'un parc éolien", ajoute-t-il dans un article publié sur le site GreenUnivers.

Si l’acceptation sociale passe par une amélioration des procédures de concertation, insiste le rapport, deux problèmes indissociables, celui du bruit et celui de la distance des lieux de vie, doivent également être abordés. La mission d’information considère en particulier qu’une distance minimale de 500 mètres à respecter entre toute installation éolienne et les lieux de vie et d’activité doit constituer un principe absolu. Le rapport s’intéresse également à la délicate question du démantèlement des installations qui demeure insuffisamment précisée par les textes, remarque-t-il. Afin d’éviter que les coûts d’un démantèlement pèsent sur la collectivité du lieu d’implantation, la mission insiste sur la nécessité d’exiger des exploitants qu’ils présentent des garanties financières dès qu’ils ont obtenu l’autorisation de construire un parc et que leur soient clairement indiqués les niveaux de provisions à constituer en cours d’exploitation.

Enfin, tout en considérant comme peu réaliste l’objectif 2020 des quelque 6.000 MW d’électricité d’origine éolienne off shore, le rapport insiste sur le potentiel de développement de l’éolien en mer "dont les perspectives sont constitutives d’un enjeu énergétique et industriel majeur".


Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions
 

 

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