Zéro artificialisation nette : deux décrets "d’ajustement" en consultation
Deux projets de décrets en consultation apportent une série d’adaptations aux démarches d’ores et déjà engagées sur les territoires pour la déclinaison des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation. Les points durs en discussion sont cependant renvoyés aux évolutions législatives qui sont toujours en cours d’examen au Parlement.
Le ministère de la Transition écologique a mis simultanément en consultation publique - et ce jusqu’au 4 juillet - deux projets de textes présentés comme des "ajustements" et "compléments" aux décrets du 29 avril 2022 pris en application de la loi Climat et Résilience, l’un (n°2022-762) relatif aux objectifs de gestion économe de l'espace dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), l’autre (n°2022-763) à la nomenclature de l'artificialisation des sols.
Intervenant en clôture du 104e Congrès des maires, le 24 novembre dernier, la Première ministre, Elisabeth Borne, avait déjà confirmé que la mise en œuvre du ZAN (zéro artificialisation nette) ferait l'objet de plusieurs assouplissements (lire notre article). La série d’adaptations envisagée "s’inscrit dans le cadre des travaux engagés ces derniers mois" avec les associations d’élus, et se situe "en lien direct avec les évolutions législatives, qui sont examinées par ailleurs au Parlement", relève en préambule la notice de consultation.
Mieux assurer la territorialisation des objectifs
Le premier projet de décret vise à" mieux assurer la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et d’autre part du bloc communal via les documents d’urbanisme". Cela se traduit par un renforcement des critères à considérer dans le rapport d’objectifs du Sraddet, "en faisant, à l’instar de la loi, mention explicitement à la prise en compte des efforts passés, et en indiquant qu’il convient de tenir compte de certaines spécificités locales telles que les enjeux de communes littorales ou de montagne et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte".
S’agissant des efforts passés déjà réalisés, pendant la première tranche de dix ans, "ils sont pris en compte à partir des données observées sur les dix ans précédant la promulgation de la loi [Climat et résilience] ou le cas échéant sur une période de vingt ans lorsque les données sont disponibles", précise le texte. Exit la fixation obligatoire d’une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionale dans les règles générales du Sraddet. Le ministère entend privilégier "une approche plus proportionnée et qualitative du rôle de la région et ne pas conduire à contraindre de façon excessive les documents infrarégionaux".
La région pourra définir des règles différenciées afin d'assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire régional qu’elle a identifiées, en tenant compte du périmètre d'un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale (SCoT) existants, de façon à ne pas méconnaître les compétences des échelons infrarégionaux.
La déclinaison territoriale doit permettre de garantir aux communes rurales (peu denses à très peu denses au sens de l’Insee) une surface minimale de développement, tant au niveau du Sraddet que du SCoT (nouvel article R.141-7-1 du code de l’urbanisme). Et pour les territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, leur permettre de favoriser des projets de recomposition spatiale en tenant compte des relocalisations rendues nécessaires par son évolution.
Le projet de décret adapte également la faculté de mutualisation de la consommation ou l’artificialisation emportée par certains projets d’envergure régional qui font l’objet d’une liste dans le fascicule des règles du Sraddet. Cette liste sera au moins transmise pour avis aux établissements publics de SCoT, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents et aux maires ainsi qu’aux présidents du conseil départemental concernés par ces projets. Enfin, le texte précise que les mesures mises en place pour les Sraddet sont mobilisables pour la fixation et le suivi des objectifs dans le schéma directeur de la région Île-de- France (Sdrif), les schémas d’aménagement régional (Sar) et le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc).
Nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées
L’objet du second texte en consultation est d’améliorer la "lisibilité" et "l’opérationnalité" du décret définissant la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme. Pour ce faire, le ministère s’est appuyé sur les conclusions de l’étude réalisée par la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau) à la demande du gouvernement. Il s’agit en particulier "de mieux répondre aux enjeux de préservation et de restauration de la nature en ville, du renouvellement urbain et de développement des énergies renouvelables".
Le texte clarifie que les surfaces entrant dans les catégories 1 à 4 de la nomenclature, qui sont "en chantier ou à l’abandon", sont également considérées comme artificialisées (à savoir les surfaces dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d'un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ainsi que les surfaces végétalisées herbacées et qui sont à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures). Il confirme que les surfaces à usage de culture agricole, et qui sont en "friches", sont bien qualifiées comme étant "non artificialisées". Le texte dissocie en outre les surfaces à usage agricole de celles végétalisées à usage sylvicole "pour une mesure plus fine de ces types de surfaces".
Quant aux surfaces végétalisées à usage de parc ou jardin public, elles pourront être considérées comme étant non artificialisées. Une façon de "valoriser" ces espaces de nature en ville. De même pour les surfaces végétalisées sur lesquelles seront implantés des panneaux photovoltaïques (sous réserve du respect de conditions techniques garantissant que ces installations n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol ainsi que son potentiel agronomique).
Sont également intégrés en annexe les seuils de référence à partir desquels pourront être qualifiées les surfaces. Pour rappel, cette nomenclature ne s'applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans de la trajectoire.
Rapport local de suivi
Ce projet de décret a également pour objet d’intégrer le troisième décret ZAN relatif au rapport local de suivi de l’artificialisation des sols, soumis à consultation en mars 2022 mais jamais publié. Le nouvel article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales - introduit par l'article 206 de la loi Climat et Résilience - prévoit que les communes ou EPCI compétents, dès lors que leur territoire est couvert par un document d’urbanisme, établissent un rapport tous les trois ans sur le rythme de l’artificialisation des sols et le respect des objectifs déclinés au niveau local.
Le premier rapport doit donc être réalisé trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, cette mesure étant d’application immédiate une fois les dispositions réglementaires adoptées. Le texte en consultation précise les indicateurs et les données devant y figurer. Le ministère relève que le choix a été fait de ne mentionner qu’un socle minimal de quatre indicateurs simples, "afin de ne pas alourdir la charge de travail des communes ou intercommunalités". "Ces indicateurs reposent sur des données que possèdent l’ensemble des communes ou qui leur seront mises facilement à disposition, en particulier sur le site internet de l’observatoire de l'artificialisation des sols", ajoute-t-il. Le rapport pourra comprendre "toutes les informations que la commune ou l’intercommunalité souhaite apporter quant à l’évolution et au suivi de la consommation des espaces et l’artificialisation des sols. Dès lors qu’elle dispose d’un observatoire local, elle peut le mobiliser en ce sens". Une disposition transitoire est aussi prévue pour les indicateurs que les communes ou intercommunalités ne pourraient pas être en mesure de remplir, en l’absence de données durant les prochaines années, notamment compte tenu des échéances prévues à l’article 194 de la loi.
Au passage, le ministère rappelle l’existence de différents outils numériques développés notamment en partenariat avec le Cerema, pour faciliter l’analyse des données fournies (tableau de bord de suivi de la consommation d’espaces, service de portrait de l’artificialisation des territoires, application Urbansimul, Otelo etc.).