Adaptation au changement climatique : une floraison de solutions pour conjurer les difficultés
Placée sous le sceau de l'audace, la séquence consacrée à l'adaptation au changement climatique de la sixième édition du Printemps des territoires ce 13 mai s'est également faite résolument optimiste. Sans dissimuler les difficultés – au premier rang desquelles l'acceptabilité des changements à opérer –, les différents intervenants se sont employés à mettre en avant "davantage les solutions que les problèmes", lançant ça et là différents messages. Agnès Pannier-Runacher y a annoncé l'ouverture fin mai d'une consultation sur la restauration de la nature et le prochain lancement d'un plan de lutte contre la pollution plastique, en déclarant au passage qu'elle n'était "pas favorable" à la consigne des bouteilles plastiques, toujours menaçante. La Banque des Territoires a pour sa part annoncé la mobilisation de plus d'1 milliard d'euros supplémentaires sur 5 ans pour aider les collectivités à s'adapter au changement climatique.

© Captures vidéo Banque des territoires/ Agnès Panier-Runacher, Xavier Bertrand, Christian estrosi et Antoine Saintoyant
"De l'audace à l'action". Tel était le thème retenu par la Banque des Territoires pour la sixième édition de son "printemps des territoires", "événement en train de devenir incontournable pour parler de solutions plutôt que de problèmes", a salué ce 13 mai la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Cette dernière a profité de l'occasion pour passer trois messages et y faire quelques annonces.
Des vertus de l'égoïsme
Premier message, "la planète nous survivra". À l'heure où la défense du climat semble reculer devant la défense des fins de mois, la ministre insiste sur le fait que le combat face au dérèglement climatique, "nous ne le faisons pas pour la planète, nous le faisons pour nous".
Deuxième message, "le coût de l'inaction est 10 à 100 fois supérieur au coût de l'action", la ministre indiquant au passage "ne pas être capable de citer un département français qui n'ait pas été touché par un événement climatique majeur ces 24 derniers mois qui a généré plus de 10 millions d'euros de dommages".
Troisième message, "les solutions existent et les financements aussi. Nous avons suffisamment de solutions et de financements aujourd'hui pour pouvoir remplir allégrement cinq ans de plans stratégiques d'entreprises ou de programmes municipaux à venir avec de nouveaux projets sans se poser de questions et en étant à peu près sûr de faire bien les choses". Les solutions vont effectivement croissant, la ministre privilégiant la sobriété et celles fondées sur la nature – "Vous investissez un peu et vous laissez la nature faire" –, et elles sont "toujours gagnantes". Les financements aussi, assure-t-elle, en observant que "le budget de la transition écologique a augmenté de manière massive ces cinq dernières années". Elle concède néanmoins que, dans le même temps, "les besoins ou, en tout cas, la conscience de nos besoins" ont également "augmenté de manière massive". Tout en prévenant : les moyens "du budget de l'État sont évidemment très contrôlés et plutôt en phase de révision". Entendre, à la baisse. Il faudra donc plutôt regarder ailleurs que vers Bercy. Par exemple, du côté de la Banque des Territoires (voir encadré).
Consultation sur la restauration de la nature, plan sur la pollution plastique
Dans l'immédiat, Agnès Pannier-Runacher a d'abord confirmé qu'elle lancera "fin mai une grande consultation sur la restauration de la nature", en espérant que ceux qui répondront à l'appel ne seront pas "ceux qui répondent habituellement et qui portent parfois des idées un peu trop parisiennes", alors qu'elle juge par ailleurs que l'une "des conditions du succès de la transition écologique est la territorialisation, des projets au plus près des hommes et des femmes de ce pays". Cette consultation devra alimenter une "feuille de route pour améliorer 30% des zones naturelles qui ont été dégradées". "De très beaux projets municipaux" en perspective, vante la ministre auprès des élus locaux : "Pensez à toutes les décharges sauvages qui abîment certains espaces naturels et sur lesquelles vous vous arrachez les cheveux, pensez à la dégradation des berges de certains de vos cours d'eau, à des zones qui ont été imperméabilisées...". Autant d'idées que les maires – "en train de faire de l'écologie de manière beaucoup plus profonde et beaucoup plus efficace que tous les discours qu'on peut avoir dans les grandes capitales européennes", dixit la ministre – ont sans doute déjà parfaitement en tête. "C'est clairement dans les territoires qu'on a cette capacité d'entraînement", appuie Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, tout en déplorant que "l'État central [fasse] trop de choses" et en réclamant "une nouvelle répartition des rôles", un "big bang institutionnel".
Agnès Pannier-Runacher a ensuite annoncé "un plan sur la pollution plastique", sans plus de précision. L'occasion toutefois pour elle d'indiquer qu'elle n'était "pas favorable à la consigne sur les bouteilles en plastique" – de quoi combler l'association Amorce (lire notre article du 24 janvier). Quand bien même la menace se fait plus que jamais présente : "La directive européenne [le règlement Emballages], parce que nous n'allons pas assez vite, peut nous l'imposer à compter du 1er janvier 2026. Donc il va falloir mettre un sacré coup d'accélérateur [sur leur collecte pour recyclage] si on veut être au rendez-vous", prévient-elle. Et de souligner qu'"au moment où je cherche de l'argent, vous imaginez combien je suis fâchée de devoir payer 1,5 milliard d'euros chaque année à l'Union européenne parce que je ne tiens pas mes objectifs de performance et que la France est 26e sur 27 pays en matière de recyclage plastique."
Enfin, Agnès Pannier-Runacher a rappelé qu'elle lancera, "sous l'égide du Premier ministre, de grandes conférences sur l'eau [lire notre article du 12 mai]. Pas un énième Varenne de l'eau, mais des conférences qui ont vocation à être territorialisées à partir des comités de bassin, voire des sous-comités de bassin".
Prioriser, s'endetter, tenir bon
Agnès Pannier-Runacher n'a pas été la seule à faire passer des messages au cours d'un événement particulièrement riche, évoquant tout à tour le logement, les transports – "les deux enjeux du quotidien qui concernent les gens 365 jours par an" mais qui "ne figurent pas dans les priorités politiques de l'État", déplore Xavier Bertrand –, ou encore la gestion de la ressource en eau.
Le maire de Nice Christian Estrosi a ainsi invité ses collègues "à prioriser leurs actions. Plutôt que de faire le choix de réaliser de beaux parterres de fleurs ici, de décoration là-bas, choisissez prioritairement d'investir sur la plus grande menace des décennies à venir, le réchauffement climatique". Et ce en n'hésitant à recourir à l'endettement, "puisque ce sont les générations futures qui vont bénéficier de tout cela". "Un grand pays est un pays qui décide de financer les infrastructures", conforte Xavier Bertrand, en distinguant en matière d'endettement le "bon du mauvais cholestérol". Pour le président des Hauts-de-France, cela suppose "du volontarisme politique", de savoir "résister à la pression", notamment face à des "groupes de pression plutôt bien organisés", et de "ne rien attendre d'autres que les critiques", ces projets "dépassant le temps politique". Tout en se plaçant "du côté de l'usager", l'élu mettant en avant "la question de l'acceptation". "On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux, mais on peut faire leur malheur très vite et très fort", insiste-t-il. "La question principale, c'est celle de l'acceptabilité, surenchérit Diane Strauss, membre du Haut Conseil pour le climat et directrice du bureau français de l’ONG Transport & Environnement.
Expliquer et ne pas aller plus vite que la musique
Cette acceptation passe notamment par la pédagogie, souligne Jehan-Éric Wincler, préfet délégué chargé de la reconstruction auprès de la préfète de région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle suppose de "prendre conscience des enjeux", complète Josiane Fischer, présidente de Sénéo, évoquant particulièrement la ressource en eau. Une ressource "jamais tarifée au bon niveau", estime par ailleurs Esther Crauser-Delbourg, économiste de l'eau, alors qu'elle devrait être valorisée au même titre "qu'un matériau critique", plaide Thierry Déau, président du conseil d'administration de Suez, qui appelle à "changer de modèle économique".
Pour Xavier Bertrand, cette question de l'acceptation, c'est singulièrement "une question de calendrier". "Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation", opine Thierry Mallet, directeur général de Transdev. Évoquant la décarbonation des transports, "sujet qui crispe et divise alors que c'est un projet largement fédérateur", Diane Strauss avoue comprendre "la colère des automobilistes à qui on demande d'abandonner leurs voitures alors que les alternatives n'existent pas" et ce, d'autant plus "que les automobilistes contribuent très largement au budget général". "Près de 14.000 personnes rentrent tous les jours entre 5h et 10h du matin dans la métropole de Bordeaux. L'offre de transport en face aujourd'hui, c'est 14.000 places", prend exemple Thierry Mallet, en présentant les résultats d'une étude conduite par ses services avec l'institut Gustave-Eiffel, réalisée à partir des données des téléphones portables, dont il souligne qu'elle ignore par construction "les assignés à résidence, parce que leur mobile n'a pas bougé".
Fédérer
Autre conseil formulé par le maire de Nice, "se donner les moyens de fédérer" les élus. Une nécessité d'autant plus grande "parce qu'on est en France, dans un système institutionnel qui est assez rarement simple", avec "des bouts de compétences" ici ou là, souligne Jean-François Monteils, président de la Société des grands projets. Lui voit dans ce besoin de trouver "une combinaison de légitimités différentes" un challenge positif, en se déclarant par ailleurs "frappé par la capacité des collectivités à se mettre d'accord sur ces sujets concrets". En conclusion, le ministre de l'économie, Eric Lombard, ancien directeur général de la Caisse des dépôts semble sur la même ligne : "On avait l'habitude, quand je travaillais à la Caisse des dépôts, de prendre les difficultés comme des opportunités, comme des chances. Je je saisis de la même façon la situation politique [nationale actuelle]. C'est une opportunité d'un dialogue beaucoup plus large et beaucoup plus ouvert que celui que nous avions auparavant […] Si on réussit à fonctionner de cette façon, je pense que ce sera pour notre démocratie un grand progrès", a-t-il conclu.
› La Banque des Territoires débloque plus d'1 milliard d'euros supplémentaires sur 5 ans pour accélérer l'adaptation des territoires au changement climatiqueSi Agnès Pannier-Runacher juge que les financements ne manquent pas, nul doute que les élus locaux ne manqueront pas d'apprécier l'annonce faite ce 13 mai par le directeur de la Banque des Territoires, Antoine Saintoyant : l'établissement va mobiliser plus d'1 milliard d'euros supplémentaires sur cinq ans pour accélérer l'adaptation de leurs territoires au changement climatique : 100 millions d'euros d'ingénierie, dont 30 millions dédiés à l'adaptation des villes, et 1 milliard d'euros de prêts pour financer les travaux, dont 400 millions dédiés aux villes. S'y ajoute un recours renforcé à la consignation environnementale pour sécuriser les projets sensibles (littoral, expropriation, obligation de démolition...). "Ce plan d’actions reflète notre détermination et notre ambition : soutenir les collectivités locales pour transformer leur vulnérabilité en moteur de résilience. Notre rôle est d’être à leurs côtés pour mieux armer les villes face aux évènements climatiques et les préparer dès maintenant aux réalités de demain", explique Antoine Saintoyant. Le directeur de la Banque des Territoires a par ailleurs officiellement lancé le même jour un nouvel outil à destination des acteurs locaux, baptisé AquaRepère. "Cet outil partenarial réalisé avec l'OFB, les ministères de l'écologie et de la santé, les agences de l'eau et le BRGM, permet en quelques clics à tout à chacun d'avoir une vision de l'état de la ressource en eau", explique Kosta Kastrinidis, directeur des prêts à la Banque des Territoires. |