Cabinets de conseil et collectivités : le Sénat persiste et signe
Les sénateurs ont confirrmé le 28 mai en séance, contre l'avis du gouvernement, la réduction de périmètre qu'ils avaient opérée en commission sur la proposition de loi encadrant le recours aux cabinets de conseil : les collectivités ne doivent pas être concernées. Le texte doit maintenant retourner à l'Assemblée nationale.
Le Sénat a adopté mardi 28 mai en deuxième lecture, à l'unanimité, la proposition de loi destinée à encadrer les prestations de conseil commandées par les administrations aux cabinets privés, et exhorté le gouvernement à rapidement la faire examiner par l'Assemblée nationale.
Plus d'un an et demi après l'examen du texte en première lecture, le scénario s'est répété : la plupart des amendements défendus par le gouvernement ont été rejetés, notamment celui qui visait à soumettre les collectivités locales aux nouvelles obligations. Ils l'avaient déjà été la semaine précédente en commission (voir notre article du 22 mai). "Il existe d'ores et déjà des mécanismes de contrôle au sein des collectivités qui n'existent pas" pour l'État, a une nouvelle fois argumenté la rapporteure du texte, Cécile Cukierman (groupe CRCE-K à majorité communiste). A contrario, le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a rappelé qu'une mission transpartisane menée par deux députés de l'Assemblée en 2023 avait "conclu que l'enjeu financier de l'utilisation des cabinets de conseil est non négligeable pour les finances publiques locales" (voir notre article de juillet 2023). Selon la même mission, "certaines dispositions de la proposition de loi votée par le Sénat (en première lecture, NDLR) paraissent aisément transposables aux collectivités", a-t-il insisté.
Le gouvernement a aussi échoué mardi à imposer les nouvelles obligations aux seules prestations de conseil commandées par les administrations après l'entrée en vigueur de la loi. En l'état actuel du texte, les prestations en cours de réalisation au moment de l'adoption définitive du texte seront également concernées par ces obligations. Pas question non plus pour les sénateurs de laisser le gouvernement préciser par décret la nature des prestations de conseil visées par le texte, le sénateur Arnaud Bazin (Les Républicains) s'inquiétant du "risque de dénaturation" de la proposition de loi, largement inspirée des conclusions d'une commission d'enquête qu'il avait présidée en 2021. Ladite commission avait publié en mars 2022, en pleine campagne présidentielle, un rapport explosif qualifiant le recours de l'État aux cabinets de conseil privés de phénomène "tentaculaire", dont le coût avait été chiffré à plus d'un milliard d'euros en 2021 pour l'État et ses opérateurs.
"La deuxième lecture du Sénat constitue un net recul", a regretté auprès de l'AFP David Mahé, le président de Syntec Conseil qui représente les cabinets, dénonçant des "sanctions disproportionnées" et "l'application de la loi aux contrats en cours".
L'exécutif a tout de même enregistré de petites victoires mardi, en parvenant à exclure les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic), selon lui davantage exécutants que décisionnaires, du champ d'application du texte. L'allègement des obligations déclaratives pesant sur les consultants pour prévenir les conflits d'intérêt, soutenu par le gouvernement, a également été maintenu.
Le texte doit désormais être examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, où les députés pourraient réintégrer les collectivités dans le champ du texte, comme ils l'avaient fait en première lecture en février sous l'impulsion du camp présidentiel. "Voilà deux ans que nous examinons ce texte, il est temps d'atterrir", a intimé mardi Michel Masset (groupe RDSE).