Chambres d'agriculture : la Cour des comptes dénonce une régionalisation inachevée

Régionalisation disparate, tutelle locale et nationale de l'Etat peu effective et inefficace, missions à recentrer, lisibilité financière et efficience du réseau à améliorer… Dans un rapport publié le 1er octobre 2025, la Cour des comptes pointe une réforme inaboutie.

Le rapport de la Cour des comptes sur la régionalisation des chambres d'agriculture a marqué les esprits, France Info ayant titré, quelques heures avant sa publication le 1er octobre 2025, sur "la corruption, le favoritisme, et autres décisions illégales" rapportées par la rue de Cambon… Un article cinglant, et grossissant un peu le trait, auquel a tout de suite répondu Chambres d'agriculture France, à travers un "droit de réponse" paru le même jour. "France Info laisse entendre que notre institution serait impliquée dans des pratiques de corruption et de favoritisme ; ces propos particulièrement graves sont diffamatoires, non étayés", s'indigne la tête de réseau, précisant que, dans le rapport, aucun élément ne justifie les termes employés par le média. "Les termes de corruption, de favoritisme et plus généralement d'atteintes à la probité ne sont cités dans le rapport que comme des risques issus de la cartographie des risques en matière de corruption établie par le Comité d'audit de Chambres d'agriculture France", insiste le communiqué.

Une gestion défaillante de prises de participation

La Cour des comptes pointe en revanche des cas de subventions à des syndicats, en Vendée, Ile-de-France et Occitanie notamment, alors que les modalités de financement des organisations syndicales relèvent d'un dispositif législatif et réglementaire propre. Autres pratiques critiquées par la Cour : la gestion défaillante de prises de participation. "Les contrôles de la Cour ont mis à jour de nombreux cas de gestion défaillante de participation dans les chambres, dont l'inventaire est trop souvent inexistant : absence ou présentation erronée des états de session, non conservation des pièces justificatives des écritures comptables, écart débiteur ou créditeur de justification en plus ou en moins", détaille entre autres le rapport qui constate également une mise en œuvre déficiente par certaines chambres des règles d'assujettissement à la TVA.

Un niveau de régionalisation "disparate et globalement faible"

Au-delà de ces points, la Cour des comptes souligne le niveau de régionalisation "disparate et globalement faible" du réseau, constitué de 100 établissements et 8.200 salariés. Pourtant, dès 2016, l'Etat a fixé comme objectif au réseau de renforcer sa dimension régionale en mutualisant à cet échelon les moyens consacrés aux services supports par les chambres départementales et en encourageant leur fusion. Au total, cinq chambres de région fusionnées ont été constituées et les chambres de niveau régional se sont partout renforcées. "Mais le nombre des chambres s'est peu réduit et les moyens se sont superposés, estime la rue Cambon, le niveau départemental reste prépondérant et entrave souvent la régionalisation". La Cour demande à ce que l'organisation au niveau régional soit généralisée, avec des chambres territoriales pour préserver la proximité et une élection des élus des différents échelons par le régional, et à travers une réforme de la répartition de la taxe de frais de chambres.

Les magistrats estiment aussi qu'il faut recentrer les missions des chambres sur l'accompagnement des transformations de l'agriculture dans les transitions économiques, sanitaires et environnementales. Pour ce faire, ils préconisent le déploiement d'un conseil global et stratégique dans le cadre d'une offre nationale de services rationalisée.

Pas de vision globale de la situation financière du réseau

Enfin, en matière financière, la Cour mentionne les difficultés d'avoir une vision globale de la situation du réseau, alors qu'il reste financé pour les trois quarts par des ressources publiques, sur un budget annuel de près de 800 millions d'euros. Les chambres ont du mal à compléter ce financement public par des prestations facturées aux agriculteurs et aux collectivités locales, un point qui mérite "un examen et un accompagnement", d'après le rapport. Face à ces difficultés, auxquelles s'ajoute une soutenabilité financière fragile - particulièrement pour certaines chambres en Corse et en outre-mer "en raison de la conjonction de choix de gestion discutables et de difficultés structurelles des agricultures locales" -, la Cour propose la mise en place d'un suivi exigeant de l'utilisation de la ressource publique à travers le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP). Alors que celui-ci est en cours de préparation, le rapport préconise "des objectifs plus ambitieux" et "une comptabilité analytique pour s'assurer que les ressources publiques ne subventionnent pas des prestations concurrentielles". "Une redéfinition concomitante, cohérente et ambitieuse du COP et du projet stratégique du réseau des chambres d'agriculture doit intervenir en 2025", conclut la Cour.

 

 

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