Commerce dans les quartiers prioritaires : "Ce qu’il nous faut d’abord, ce sont des outils de maîtrise foncière"

Au lendemain de la remise du rapport sur l'avenir du commerce, une journée nationale réunissant l’Anru, l’ANCT, la Banque des Territoires et la DGE était consacrée ce 6 novembre à l'enjeu du commerce dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, des territoires fortement touchés par la vacance commerciale. Le ministre Vincent Jeanbrun envisage entre autres une extension des zones franches urbaines à l'ensemble de ces quartiers.

Comment faire revivre le tissu commercial dans les quartiers populaires ? À Paris, ce jeudi 6 novembre 2025, était organisée la journée nationale consacrée aux commerces de proximité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). À l’initiative de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de la Banque des Territoires et de la Direction générale des entreprises, cette séquence d’échanges et de débats s’est tenue dans un contexte particulier. La veille ouvrait dans la capitale la première boutique pérenne de Shein, géant chinois du e-commerce perçu comme le symbole de la concurrence déloyale entre petits commerces physiques et grandes plateformes en ligne. Une situation largement évoquée dans le rapport sur "l'avenir du commerce de proximité dans les centres-villes et les quartiers prioritaires de la politique de la ville" remis la veille au gouvernement (sur ce rapport, voir notre article du 5 novembre).

Ce jeudi 6 novembre, le ministre de la Ville et du Logement, Vincent Jeanbrun, l'un des ministres destinataires, est revenu sur ce rapport qu’il juge "ambitieux". "Beaucoup de mesures n’ont pas besoin de passer par la loi et beaucoup ne demandent pas d’effort budgétaire extraordinaire. C’est extrêmement précieux." Plusieurs recommandations ont retenu l’attention du ministre : redonner plus de pouvoir aux élus locaux pour veiller à la diversité commerciale ; rendre plus juste la concurrence avec les grandes plateformes par une taxe sur les articles achetés en ligne ; ou encore appliquer les abattements fiscaux propres aux ZFU (zones franches urbaines) à tous les quartiers prioritaires.

"Que va devenir le centre-ville ?"

Antoine Saintoyant — l’un des trois rapporteurs et directeur de la Banque des Territoires — a rappelé les données clés. La vacance commerciale a "légèrement augmenté, de 9 à 10%, mais beaucoup plus fortement en centre-ville et surtout dans les QPV". La consommation reste stable en apparence, mais "totalement reconfigurée", avec une poussée des services, un recul des biens et "une polarisation entre le discount et les achats plaisir". Le tableau de l’emploi, lui, s’est assombri, avec plus de 5.000 destructions d’emplois dans les commerces de biens en trois ans, et 15.000 sur dix ans, sous l’effet de la concurrence du e-commerce.

Pour les élus rencontrés lors de l’élaboration du rapport, la crise ne se résume pas à ces chiffres. Elle touche aussi à un imaginaire collectif, selon Frédérique Macarez, maire LR de Saint-Quentin (Aisne) et corapporteure : "Les enseignes qui ont fermé étaient emblématiques d’une époque de la vie de nos concitoyens. La question centrale qui revient partout, c’est 'que va devenir le centre-ville ?' Les centralités vont nécessairement changer : plus de loisirs, plus de déambulation, plus de services, et un commerce plus hybride. Les centres-villes de demain seront différents." 

Maîtriser le foncier pour enrayer l’économie souterraine

Dans les quartiers prioritaires, l’avenir du tissu commercial est un enjeu majeur. "Pour beaucoup de jeunes, l’entrepreneuriat commercial est une première modalité d’accès à l’emploi", a rappelé Antoine Saintoyant. Plus encore, le commerce de proximité y est perçu comme un "service public", ont souligné plusieurs intervenants. Problème : l’urbanisme hérité de ces quartiers complique tout - galeries enclavées, accès difficiles… La restructuration nécessaire est plus lourde que dans les centres-villes. Et ce terreau nourrit l’économie souterraine, identifiée comme un chantier prioritaire et encore "très peu contrôlé".

"Ce qu’il nous faut d’abord, ce sont des outils de maîtrise foncière. De la programmation jusqu’à la location de chaque cellule commerciale dans les quartiers. Si l’on veut lutter contre l’économie souterraine et mieux contenir le narcotrafic, il faut maîtriser", a insisté Anne-Claire Mialot, directrice générale de l’Anru. L’impulsion de ces chantiers nécessite évidemment des financements adaptés. "Nous pouvons intervenir en capital, en fonds propres, pour soutenir les foncières de redynamisation", a rappelé Kosta Kastrinidis, directeur adjoint de la Banque des Territoires. "Il en existe aujourd’hui près de cent en France. Elles naissent d’une impulsion et d’un investissement local porté par les exécutifs. Nous apportons l’ingénierie et le co-investissement pour les rendre possibles." Au total, la Banque des Territoires a engagé près de 300 millions d’euros dans leur développement et se dit prête à "réinvestir" dans les prochaines années.

 

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