Conflits d'intérêts : l'intérêt du conseiller municipal doit toujours être distinct de celui de la commune

A l’heure où la question des conflits d’intérêt défraye la chronique, il est bon de se souvenir que le droit des collectivités territoriales prohibe de longue date la confusion entre les intérêts privés des élus locaux et ceux de la collectivité au sein de laquelle ils sont appelés à siéger. C’est ainsi que l’article L.2131-11 du CGCT prévoit que sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet. Ces dispositions sont aussi applicables aux délibérations des EPCI (CGCT, art. L.5211-3).


Par un arrêt du 26 octobre 2012, le Conseil d’Etat a précisé les conditions d’application de cette disposition à propos de l’implantation d’un complexe hôtelier contenant des espaces de commercialisation de vins sur le territoire de deux communes. Ces dernières ont conclu un protocole d’accord avec le gérant de ce complexe afin de prévoir qu’il commercialisera au moins 50% de vins provenant du territoire de ces communes, moyennant une sélection par un comité constitué par les représentants des communes, en échange d’une réduction du périmètre de l’espace naturel sensible qui empêchait son implantation. A cet effet, une des communes concernées délibère pour solliciter une réduction du périmètre de cet espace auprès du département, qui l’accorde. C’est cette décision qui était contestée au motif que la délibération de la commune a été adoptée en présence de conseillers intéressés.
 

En effet, le Maire, rapporteur de ladite délibération, était lui-même viticulteur, tout comme le mari d’une des conseillères municipales.Le Conseil d’Etat constate que le secteur viticole constituait directement ou indirectement l’activité économique prépondérante de la commune, qui comptait 47 producteurs et une part dominante des emplois des habitants. Il considère à ce titre que le Maire ainsi que la conseillère municipale ne poursuivaient pas des intérêts distincts de la généralité des habitants, et qu’ils n’étaient donc pas intéressés à l’affaire au sens de l’article L.2131-11 du CGCT.


En effet, la qualification de conseiller intéressé implique deux conditions : l’existence d’un intérêt et l’influence déterminante que l’élu en cause a exercé sur la décision.


Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle que l’intérêt doit être distinct de celui de la généralité des habitants et doit être apprécié au regard des circonstances de chaque affaire. Alors que l’intérêt financier ou professionnel est habituellement qualifié d’intérêt distinct (CE, 6 mai 1994, Gindreau, n°115612), l’existence d’un lien familial ne suffit pas à le caractériser (CE, 22 juillet 1992, Consorts Canton, n°88549), ce que démontre à nouveau la décision récente du Conseil d’Etat.


S’agissant de la condition relative à l’influence, le juge exige l’existence d’une influence réelle sur le sens de la décision qui peut résulter d’une participation aux travaux préparatoires et débats préalables (CE, 21 novembre 2012, Chartier, n°334726), de la rédaction du rapport par le conseiller concerné (CE, 16 décembre 1994, Commune d’Oullins, n°145370) ou d’une participation au vote final si elle est déterminante (CE, 9 juillet 2003, Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel, n°248344). En tout état de cause, eu égard à son ascendant sur les autres conseillers, la participation du Maire au vote final caractérise l’influence déterminante, même en cas d’unanimité (CE, 27 mai 1998, Havard, n°121417).


Si elle a permis d’éviter la qualification de conseiller intéressé, cette décision ne remet pas en cause la nécessaire vigilance quant au respect des dispositions de l’article L.2131-11 du CGCT, sa solution restant fortement liée aux circonstances de l’espèce (CE, 26 octobre 2012, Département du Haut-Rhin, n°351801).
 

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