Congrès des maires – Accessibilité : des maires appellent à "faire avancer le bon sens pour retrouver une dynamique"
Accessibilité du bâti et de la voirie, accueil des enfants en situation de handicap, inclusion dans l'emploi… Présentés ce 18 novembre à l'occasion du Congrès de l'Association des maires de France, les résultats d'une enquête permettent de savoir plus précisément où en sont les communes et intercommunalités. Et si les progrès sont réels dans tous les domaines, la route est encore longue pour une majorité de territoires.
© Capture vidéo AMF/ Au premier plan à droite, Charlotte Parmentier-Lecocq
Vingt ans après la loi du 11 février 2005 sur le handicap, l'Association des maires de France (AMF) s'est livré à l'exercice du bilan à travers une enquête conduite auprès de ses adhérents. Fondés sur quelque 1.550 réponses complètes, les résultats ont été dévoilés ce 18 novembre 2025, à l'occasion d'un forum du Congrès des maires consacré à "la place des personnes en situation de handicap dans la commune".
Les conclusions sont conformes à celles qui ont été tirées par de nombreux autres acteurs, puisqu'une majorité de répondants (77% des communes et 89% des EPCI) "considèrent que des avancées ont eu lieu mais que des progrès restent encore à faire". Seuls "10% des communes et 3% des EPCI considèrent qu’au regard des grandes avancées ayant eu lieu, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin".
Il s'agit d'un bilan "assez négatif" du fait du "retard" en matière d'accessibilité universelle constaté 20 ans après la loi, a réagi lors du forum Arnaud de Broca, qui préside le Collectif handicaps fédérant 54 associations. "Il y a une grande diversité de communes et donc une grande diversité de motivations", a-t-il souligné, appelant les candidats aux prochaines élections municipales à "en faire un sujet de campagne". "Les maires ont un rôle majeur à jouer dans cet enjeu d'inclusion", a également insisté la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq. "Quand il y a une volonté politique, on arrive à se débarrasser de certaines barrières" et "à proposer un champ de solutions extrêmement larges", a-t-elle prêché devant des élus déjà convaincus.
Panorama des sujets abordés dans l'enquête et lors du forum dédié au handicap.
Accessibilité du bâti : les petites communes plus avancées
Si près de 93% des communes et 95% des EPCI déclarent que les établissements recevant du public (ERP) de leur territoire sont "plutôt accessibles ou totalement accessibles", la réalité derrière ce "résultat global très positif" est plus contrastée. En effet, 48% des communes de moins de 2.000 habitants indiquent que leurs ERP sont totalement accessibles, "ce résultat diminuant avec la hausse du nombre d’habitants pour atteindre seulement 4,76% pour les communes de plus de 30.000 habitants", rend compte l'AMF.
L'association explique que "les ERP encore non accessibles sont majoritairement des bâtiments anciens, notamment les églises, les mairies ou écoles installées dans des locaux classés". Il est possible de "[contourner] ces difficultés par des aménagements simples", tels que des rampes amovibles et un accueil en rez-de-chaussée.
Des élus témoignent pendant le forum de la nécessité de réfléchir à l'accessibilité – et d'impliquer pour cela les associations – pour chaque nouveau projet, dès la phase de conception. Une telle démarche s'inscrit d'ailleurs dans une approche plus large de réflexion sur la diversité des usagers des équipements publics (enfants, adultes, personnes âgées, différents types de handicap, etc.), signale Clémentine Le Marrec, maire de Bénouville (Calvados). Dans cette petite commune qui n'avait pas attendu la loi de 2005 pour commencer à travailler sur l'accessibilité, la construction d'un pôle culturel et social est l'occasion de s'interroger sur la façon de favoriser "l'accueil de l'usager le plus large possible".
Accessibilité de la voirie et des transports : encore beaucoup à faire
Du côté de la voirie, ce sont les plus grandes communes qui se déclarent les plus avancées dans la globalité : 86% des plus de 30.000 habitants et 89% des 10 à 30.000 habitants jugent leur voirie "plutôt accessible" – même si aucune ne déclare avoir fini le travail. La réalité est plus contrastée pour l'ensemble des communes répondantes : voirie estimée "plutôt" accessible pour 60% des répondantes, "totalement" accessible pour 16% (dont 19% des communes de moins de 2.000 habitants), "peu accessible" pour 21%. Quant aux EPCI, ils semblent au milieu du chemin : voirie "plutôt" accessible pour 53% des répondants, "totalement" accessible pour 8%, "peu accessible" pour 38%.
"Les communes soulignent la difficulté d’adapter des trottoirs souvent trop étroits ou inexistants, surtout pour celles de petite strate", indique l'AMF. Les communes ayant adopté un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (Pave, obligatoire pour toute commune d'au moins 1.000 habitants) "s’appuient sur cet outil pour améliorer l’accessibilité de leurs aménagements, notamment par la création de bateaux, l’installation de bandes podotactiles ou la mise aux normes des passages piétons", est-il précisé.
Les transports sont présentés comme "le point faible" en matière d'accessibilité : ils sont considérés comme "insuffisamment accessibles" par une majorité de communes répondantes ("pas accessibles" pour 23%, "peu accessibles" pour 21%) et d'EPCI.
Il est rappelé que les communes ne sont plus compétentes dans ce domaine, depuis le transfert par la loi LOM (décembre 2019) aux EPCI ou, à défaut, aux régions. "Certaines communes ou intercommunalités proposent un transport à la demande accessible PMR, organisé par le CCAS [centre communal d'action sociale] ou un prestataire", est-il toutefois spécifié. Une majorité de grandes communes (plus de 30.000 habitants) ont même "mis en place une offre de transports accessibles (74% contre 10% pour les moins de 2.000)", ce qui est également le cas d'un peu moins de la moitié des EPCI répondants… Un "enchevêtrement de compétences" qui, de l'avis d'Arnaud de Broca, ne favorise pas du tout la mise en accessibilité de la chaîne du déplacement.
"C'est la complexité administrative qui fait que, à un moment, ça n'avance pas", estime Xavier Odo, maire de Grigny-sur-Rhône et l'un des deux maires-référents handicap de l'AMF. Pour "retrouver une dynamique", il importe selon lui "faire avancer le bon sens".
Emploi et inclusion sous "différentes formes"
Dotées de plus de moyens, les plus grandes communes (plus de 30.000 habitants) sont logiquement plus nombreuses à déclarer des démarches visant à favoriser l'inclusion : le recrutement de personnes en situation de handicap et la sensibilisation et la formation des agents (87% contre 17% pour les moins de 2.000 habitants, pour ces deux items), ou encore l'organisation d'activités ou manifestations adaptées (70% contre 13% pour les moins de 2.000).
Les EPCI ayant répondu à l'enquête emploient majoritairement des personnes en situation de handicap (74%). Une grosse moitié d'entre eux portent des actions de sensibilisation et de formation des agents et une petite moitié organise des activités adaptées à tous.
Le taux d'emploi de personnes handicapées s'élève à 7% dans la fonction publique territoriale, mais cette moyenne (la meilleure des trois versants de fonction publique) cache des disparités importantes, certaines collectivités étant à 10 ou 12% et d'autres à 2% ou moins, a expliqué Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Comité national du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), lors du forum.
Maire de Quimper et l'une des deux maires-référents handicap de l'AMF, Isabelle Assih a insisté sur l'importance du travail à mener sur l'"environnement" de travail et la "qualité de l'accueil" des personnes en situation de handicap. Pour Francine Doquet-Roussas, élue communautaire déléguée au handicap à la communauté d'agglomération Cap excellence (regroupant les Abymes, Baie-Mahault et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe), il s'agit en particulier de créer un climat de "confiance" et de sensibiliser l'ensemble de la collectivité pour encourager des agents déjà en poste à déclarer leur handicap et pour "faire tomber les barrières". Françoise Descamps-Crosnier rappelle que la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées a lieu cette année du 17 au 23 novembre.
En termes de gouvernance, "la mise en place d’un conseil local du handicap est encore très exceptionnelle (2% pour les EPCI et 1% pour les communes)" mais les commissions communales d’accessibilité seraient plus fréquentes, selon les résultats de l'enquête.
Accueil des enfants et scolarisation
En matière d'accueil des enfants en situation de handicap, "le principal frein mentionné par les communes a trait au manque d’accompagnants (AESH) tant sur le temps scolaire que sur le temps périscolaire (environ 40% des communes dans les deux cas, mais plus de 60% pour les communes de 2.000 habitants et plus)". La pause méridienne semble être le moment de la journée le plus problématique, avec "plus de la moitié des communes de 2.000 habitants et plus" (jusqu'à 73% des communes de 10 à 30.000 habitants) relevant des "difficultés de prise en charge par l’Éducation nationale des AESH" intervenant sur cette pause. "Ces mêmes communes soulignent aussi des difficultés de recrutement par elles-mêmes de personnes faisant office d’AESH (de 35% à 58%)", est-il ajouté.
Les autres difficultés mentionnées par les répondants sont le manque de places dans des structures d'accueil spécialisées, l'information des décisions d'accompagnement prises par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), "l’insuffisante formation du personnel encadrant" et les difficultés financières. Au global, un résultat est sans appel : "seules 12% des communes considèrent que l’offre d’accueil est adaptée aux besoins des enfants".
Concernant le périscolaire mais également l'accueil petite enfance, il est relevé que 14% des EPCI et 40% des communes, parmi les répondants, "ne connaissent pas l’existence du bonus inclusion handicap de la CAF" (caisse d'allocations familiales). Conséquence de cette méconnaissance, seuls 8% des EPCI et 2% des communes (dont 17% des communes de plus de 30.000 habitants) bénéficient de ce bonus compensant les frais engagés par l’établissement d’accueil du jeune enfant ou l’accueil de loisirs pour l'accueil d'enfants en situation de handicap.
Accessibilité numérique et citoyenneté
L'enjeu de l'accessibilité numérique serait "globalement mal identifié ou compris par une partie des répondants", observe l'AMF. L'enquête révèlerait "un besoin d’information des communes et des intercommunalités sur la mise en œuvre de l’obligation d’accessibilité des sites internet aux personnes ayant un handicap". Sur ce sujet où le retard est particulièrement important, "je ne comprends vraiment pas", réagit le président du Collectif handicaps, qui insiste sur le fait que "être citoyen" passe beaucoup par le fait de pouvoir accéder au site de la mairie pour avoir toutes les informations. Il invite les élus à se saisir de cet enjeu au moment de la refonte du site de la commune ou de l'EPCI.
L'accessibilité physique des bureaux de vote reste un défi à relever d'ici les prochaines échéances pour 66% des communes répondantes. Quant à l'exercice du mandat local, "le principal obstacle identifié par 51% des communes et 56% des EPCI réside dans les contraintes relatives aux déplacements et à la mobilité".
La ministre en charge des Personnes handicapées déclare avoir engagé un travail avec le ministre de l'Intérieur sur l'accessibilité des élections et la place des personnes en situation de handicap dans les listes.
Les freins et les perspectives
Interrogées dans l'enquête sur les freins à la mise en accessibilité, les communes et intercommunalités citent le plus souvent les freins financiers (66% des EPCI et 69% des communes) et techniques (69% des EPCI et 54% des communes). Elles souhaitent donc majoritairement des financements supplémentaires, même s'il a été rappelé que le fonds territorial d'accessibilité dédié aux ERP de catégorie 5 n'avait été que faiblement consommé – "à peine 10%", selon Xavier Odo, maire de Grigny-sur-Rhône et autre maire-référent handicap de l'AMF.
Sans surprise, une minorité (mais tout de même 15% des communes et 13% des EPCI) "se déclarent favorables à un renforcement des contrôles et des sanctions en cas de non-respect des normes d’accessibilité".
Pour accélérer, "faut-il une autre loi ? Non", pour Isabelle Assih. La volonté politique mais également le choix d'associer systématiquement les associations sont décisifs, selon Luc Bouard, maire de La Roche-sur-Yon. Ce dernier a nommé une adjointe à l'accessibilité et assure n'avoir "fait aucune réalisation sans travailler avec les associations". Parmi ces réalisations, une piscine, des arrêts de bus, un cinéma ou encore un musée. L'élu vendéen assure que les associations aident à trouver des solutions "beaucoup plus simples que l'application à la lettre de la loi".
Quant aux élus qui déclaraient que le handicap ne les intéressait pas, "la bonne nouvelle, c'est qu'ils vieillissent tous", ironise Xavier Odo, qui veut croire en une accélération du fait du vieillissement de la population.