Congrès des maires – Agrivoltaïsme : le gouvernement lance un observatoire pour faciliter le suivi local des projets

À l’occasion d’un forum organisé ce 18 novembre dans le cadre du Congrès de l’Association des maires de France (AMF), les représentantes de la direction générale de l’énergie et du Climat et de l’Ademe ont présenté le nouvel Observatoire de l’agrivoltaïsme lancé par le gouvernement. Un outil destiné à assurer un suivi territorial précis des projets portés par une filière en plein développement. Mais cet essor inquiète les élus qui ont partagé leurs craintes lors du forum. Souvent mis devant le fait accompli car ne participant pas au processus d’instruction et d’autorisation des projets, ils sont pourtant en première ligne lorsque des conflits d’usage surgissent et attendent un meilleur partage de la valeur à l'échelle territoriale.

Portée par le nouveau cadre juridique introduit par la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (dite loi "Aper") du 10 mars 2023 et son décret du 8 avril 2024, la filière agrivoltaïque connaît un développement soutenu sur l’ensemble du territoire. Porteur d’espoir de revenus complémentaires pour les agriculteurs, cet essor suscite aussi de nombreuses craintes sur le terrain, tant de la part des habitants que des élus locaux. Un forum organisé dans le cadre du Congrès de l’association des maires de France (AMF) ce 18 novembre a donné l’occasion aux représentants de l’État, aux élus et aux opérateurs de confronter leurs points de vue et de relater leurs expériences en la matière.

200 installations recensées dans la première version de l'observatoire de l'agrivoltaïsme

Hermine Durand, sous-directrice en charge du système électrique et des énergies renouvelables à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), et Rachel Baudry, de l’Ademe, ont présenté en ouverture de ce forum le nouvel observatoire de l’agrivoltaïsme, lancé le jour même par le gouvernement. Le site a vocation à fournir une vision territoriale du développement de la filière, en recensant les projets existants (en exploitation) ou autorisés par les services de l'État (en construction), ainsi que leurs principales caractéristiques, avec notamment une carte des installations photovoltaïques sur terrains agricoles. Il entend aussi centraliser des documents et des outils pour l'information des acteurs de la filière, de l'administration, de l'enseignement, de la recherche et du grand public.

À ce jour, cette première version de l'Observatoire piloté par l’Ademe présente les données de plus de 200 installations existantes ou autorisées par les services de l'État en France métropolitaine et dans les DOM. Il s’agit pour l’essentiel de projets autorisés avant la loi Aper mais l’Observatoire sera enrichi régulièrement avec la mise en service de nouvelles installations agrivoltaïques, dont notamment celles autorisées en application de la loi Aper, ainsi qu'avec les premiers résultats de performance agricole et énergétique des projets, a affirmé le gouvernement dans un communiqué. 

Dans le cadre de la mission de suivi statistique des installations agrivoltaïques qui lui a été confiée par la loi Aper, l'Ademe conduit également une étude approfondie sur le développement de l'agrivoltaïsme et vient de publier ses premiers résultats. Issus de l'analyse de cinq régions - Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Bourgogne-Franche-Comté et La Réunion – cette étude recense plus de 1.600 projets photovoltaïques sur terrains agricoles, tous stades de développement confondus, y compris des projets n'avant pas encore d'autorisation. "Tirant parti des enseignements de ces études régionales, la deuxième phase de l'étude dressera un panorama complet au niveau national afin de mettre à disposition des outils d'accompagnement des parties prenantes dans le montage de projets vertueux d'ici le début de l'année 2026", souligne le communiqué gouvernemental.

Quel partage de la valeur dans les territoires ?

Il n’est pas sûr à ce stade que ces annonces suffisent à calmer les inquiétudes des élus, exprimées lors du forum. Faut-il voir dans ces projets un changement de modèle agricole et d’utilisation de la terre ? Si dans certaines régions, l’agrivoltaïsme peut en effet sauver ou aider des structures agricoles, dans d’autres il peut contribuer à accélérer la capitalisation des exploitations, relève Joël Balandraud, maire d’Evron (Mayenne) et vice-président de l’AMF. L’élu s’interroge aussi sur le partage de la valeur liée à ces projets. En termes d’aménagement, en tout cas, l’instruction et l’autorisation des dossiers échappent aux maires, qui n’en sont informés qu’après-coup par la préfecture, ou lorsque des voisins des futures installations les interpellent. Comment dès lors transformer ces initiatives pour qu’elles soient "territorialement positives" ? interroge Joël Balandraud, d’autant qu’aux difficultés d’acceptabilité environnementale, patrimoniale, etc. s’ajoutent les rivalités locales entre porteurs de projets par rapport aux capacités d’accès au réseau électrique. "Il s’agit d’un fusil à un coup, le premier qui tire prend toute la place", prévient-il.

Élaborer des stratégies territoriales

Frédéric Léveillé, maire d’Argentan (Orne), préconise, lui, de se doter d’un outil stratégique fixant la trajectoire en termes d’énergies renouvelables (EnR) car "l’agrivoltaïsme doit s’intégrer dans un mix énergétique" pour se prémunir du "trop plein", appuie-t-il. "Nous sommes la première intercommunalité de Normandie en transition énergétique puisqu'on produit 30% d'énergies renouvelables", indique-t-il, soulignant l’utilité pour la collectivité de s’être dotée d’une charte des énergies renouvelables permettant "d’avoir de la visibilité sur les mégawatts à produire en EnR mais aussi de se donner des règles que l’on peut partager sur le territoire, dans le cadre de la loi". "La charte a été votée à l’unanimité, ajoute-t-il. Ce n’était pas simple mais finalement, c'est le meilleur moyen pour faire passer des messages à nos habitants sur les territoires. Pour faciliter l’acceptabilité des projets, nous encourageons aussi ceux qui s’inscrivent dans une logique d’auto-consommation collective. Il faut que les citoyens bénéficient de l’énergie produite localement, en payant leur électricité moins cher." 

Mais construire de telles stratégies suppose des capacités techniques et d’ingénierie qui manquent souvent aux petites collectivités. D’où l’importance de se regrouper pour le faire au niveau intercommunal ou via les autorités organisatrices de la distribution d’énergie, soutient l'élu de l'Orne.

 

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