Décrochage scolaire : un rapport positif sur l'expérimentation "tous droits ouverts"

Un rapport de l'IGESR et de l'Igas tire un bilan positif, bien qu'incomplet, de la démarche "tous droits ouverts" visant à lutter contre le décrochage scolaire en encourageant l'"hybridation" entre parcours scolaire et dispositifs d'insertion. Il insiste sur le rôle central que l'institution scolaire doit y occuper, tout en soulignant l'importance de la participation des collectivités.

Et si c'était à l'école qu'on luttait le mieux contre… le décrochage scolaire ? Dans leur rapport intitulé "Analyse d'un système de prévention et de lutte contre le décrochage scolaire : la démarche TDO (tous droits ouverts)", mis en ligne le 16 novembre 2023, les inspections générales de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR) et des Affaires sociales (Igas) ne craignent pas la tautologie en affirmant que face au décrochage scolaire, "le raccrochage à l'institution scolaire présente des garanties importantes".

Comment les rapporteurs en sont-ils arrivés là ? Tout simplement en suivant leur lettre de saisine qui leur demandait de traiter la lutte contre le décrochage scolaire sous l'angle de la démarche TDO mise en place depuis mars 2023 dans neuf académies volontaires. Celle-ci a pour objectif de permettre l'accès à un diplôme ou une qualification pour les élèves en risque de décrochage ou en décrochage avéré, notamment au moment de la transition entre l'obligation d'instruction jusqu'à 16 ans et l'obligation de formation pour les 16-18 ans. Pour ce faire, elle s'inscrit dans "l'écosystème" de chaque jeune et encourage des "hybridations" entre parcours scolaire et dispositifs d'insertion. Plus concrètement, la démarche TDO ouvre aux lycéens et apprentis en difficulté tous les droits possibles en dépassant les barrières de statut, comme, par exemple, celle qui empêche actuellement à un élève scolarisé de suivre un atelier E2C (école de la deuxième chance).

Un repérage à géométrie variable

Dans les académies expérimentatrices, le repérage des élèves s'est effectué dans des structures différentes (cellule de veille, groupement de prévention du décrochage scolaire-GPDS, réseau formation, qualification, emploi-Foquale…) dont la composition était variable : restreinte ou élargie aux enseignants, aux personnels sociaux et de santé ou à des partenaires extérieurs à l'école. Si tous les expérimentateurs recommandent de créer une commission ad hoc sous la forme d'un GPDS élargi aux partenaires extérieurs à l'Éducation nationale, la mission souligne la pertinence d'associer étroitement le corps enseignant au processus.

Une question s'est posée à la mission : savoir si le dispositif TDO devait être ouvert aux moins de 16 ans en risque de décrochage, pour lesquels les chefs d'établissement manquent d'"actions accessibles". Or, ajoutent les rapporteurs, "agir avant 16 ans constitue une démarche de prévention souvent plus efficace que d'attendre un décrochage avéré". De leur côte, les représentants de l'administration du travail et du service public de l'emploi appellent "à la vigilance concernant l'âge d'accès à TDO (en-dessous de 16 ans)", tandis que le comité de suivi TDO de l'une des académies estime que pour les 15-16 ans, TDO n'est pas une solution : "Ces élèves ne peuvent être considérés comme des décrocheurs, car jusqu'à 16 ans la scolarité est obligatoire." Raisonnement étrange si l'on considère qu'un élève en risque de décrochage scolaire est par définition scolarisé… En définitive, la mission propose d'autoriser l'accès à TDO aux moins de 16 ans sous réserve de l'accord du Dasen (directeur académique des services de l'Éducation nationale).

Sécurisation des parcours

Sur le fond de l'expérimentation, le rapport met en avant un point "très positif" : la sécurisation du parcours de l'élève grâce à l'accès aux partenaires hors Éducation nationale sans obligation de démission. Le maintien du lien avec l'établissement lors de la mise en place du dispositif TDO est ainsi jugé "protecteur" pour l'élève en situation de décrochage, notamment parce qu'il permet l'accès au fonds social, aux conventions de stage, à une assurance, etc.

Parallèlement, la mission alerte sur le risque d'externaliser "le traitement des situations problématiques d'élèves". "L'entrée en TDO, écrit-elle, ne doit pas correspondre à une démarche de relégation, l'élève pouvant choisir à tout moment de revenir dans l'établissement scolaire auquel il demeure rattaché."

Néanmoins, à ce stade, les conclusions ne vont pas plus loin. En effet, tous les interlocuteurs de la mission se sont accordés "sur l'impossibilité d'évaluer les effets de la mise en œuvre de TDO, compte-tenu du temps très court de l'expérimentation, du faible volume d'élèves concernés et des biais induits par le choix des territoires expérimentateurs". Ils ont en revanche identifié les conditions favorables au déploiement de TDO, la valeur ajoutée de la démarche, ses perspectives et ses limites.

Partenaires privilégiés

Ainsi, une majorité des académies expérimentatrices s'est appuyée sur le cadre contractuel du Pafi (parcours aménagé de la formation initiale, proposé par le plan Décrochage de 2014), considéré comme "un couteau-suisse". Par ailleurs, compte tenu des délais contraints, les recteurs se sont tournés vers des sites déjà engagés dans une démarche partenariale pour la prise en charge du décrochage, volontaires pour expérimenter TDO et dont la capacité d'innovation des équipes sur le champ de la persévérance scolaire était déjà repérée.

Dans plusieurs territoires, l'Éducation nationale a ainsi contractualisé avec un ou plusieurs partenaires privilégiés, souvent la mission locale, soit dans une logique de "passerelle", où le parcours de l'élève est organisé en "temps successifs avec une fluidité renforcée et une réversibilité garantie", soit dans une logique de coconstruction, avec prise en charge conjointe (et non successive) du jeune et de son emploi du temps par l'Éducation nationale et la mission locale.

Cette vision n'a pas été la seule : l'expérimentation TDO a été l'occasion pour certains territoires de remettre à plat leur stratégie partenariale dans le domaine de la prévention du décrochage "qui s'était parfois essoufflée ou qui n'avait jamais été vraiment organisée". Elle s'est alors transformée en "un véritable laboratoire permettant d'identifier les différents chantiers à structurer" : signaux faibles du décrochage, critères de repérage des jeunes, modalités de partenariat, questions réglementaires et administratives.

Associer régions et communes

Enfin, la mission souligne l'investissement des recteurs dans le pilotage et le suivi de l'expérimentation, tandis que les Dreets (direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) et les préfets se sont positionnés "en appui". Quant aux collectivités, elles ont été associées de façon "très variable" à la démarche. On note par exemple l'implication du conseil régional du Grand Est qui a "envisagé l'évolution d'un de ses dispositifs réservés jusque-là aux majeurs afin de pouvoir apporter sa contribution à la mise en œuvre de TDO".

La mission encourage d'ailleurs à associer les régions à la démarche TDO, "soit pour garantir la continuité des droits qui relèvent de leur compétence (hébergement, restauration, transport…), soit pour élargir les bénéficiaires de leurs politiques d'orientation ou d'insertion", mais aussi les communes "qui conduisent des politiques d'insertion au plus près des populations fragiles au travers de leurs réseaux d'animateurs de rue".

Une convention "adaptable"

Pour concrétiser cette participation, et plus largement tous les partenariats souhaitables, la mission recommande de recourir à une convention, nationale mais "adaptable", qui préciserait les objectifs pédagogiques et éducatifs poursuivis, les modalités d'organisation et les personnes en charge du suivi de l'élève au sein de l'Éducation nationale et dans les institutions partenaires, tout en veillant à ce que l'élève conserve tous les droits et toutes les aides dont il bénéficie en sa qualité d'élève.

Et la mission conclut en revenant sur son credo : "Maintenir le lien avec l'établissement scolaire sous des formes adaptées au parcours de formation du jeune." Une condition à ses yeux indispensable à l'heure de la généralisation de TDO.