Emmanuel Macron sur tous les fronts

La longue séquence télévisuelle du chef de l'Etat le 13 mai au soir n'a finalement pas donné lieu à d'annonces précises concernant le contenu du ou des référendums qu'il envisage d'initier. Sur les multiples autres sujets abordés, il aura entre autres été question de conférence sociale, de polices municipales... ou de fonctions publiques à "moderniser".

Pendant plus de trois heures, répondant au journaliste Gilles Bouleau et à plusieurs intervenants, Emmanuel Macron a longuement abordé, mardi 13 mai au soir sur TF1, de nombreux aspects de la politique hexagonale. Et, privé de majorité à l'Assemblée  depuis la dissolution qui le cantonnait ces derniers mois à son rôle diplomatique, le chef de l'Etat a énoncé quelques demandes au gouvernement de François Bayrou, censé avoir la main.

Il a ainsi prôné la tenue d'une "conférence sociale" sur le "financement de notre modèle social" qui, a-t-il jugé, repose "beaucoup trop sur le travail" alors qu'il pourrait par exemple puiser dans la "consommation". Ce "chantier" serait à ouvrir "dans les prochaines semaines" avec l'ensemble des forces syndicales et patronales.

Référendums au pluriel

Attendu sur le sujet, Emmanuel Macron a expliqué "ne rien s'interdire" en matière de référendum. "Je souhaite qu'on puisse organiser une consultation multiple, c'est-à-dire (...) plusieurs référendums en même temps dans les mois qui viennent", a-t-il dit. "On a des réformes institutionnelles qui sont à prévoir, on a des grandes réformes économiques qui peuvent être portées et on a la fin de vie (...). A chaque fois qu'on sera trop lent ou bloqué par la situation politique, on peut aller au référendum et je prendrai mes responsabilités", a-t-il ajouté, tout en appelant les forces politiques au Parlement à "travailler ensemble".

Emmanuel Macron s'est refusé toutefois à fixer par avance les sujets sur lesquels les Français pourraient être consultés. "Je ne veux pas ici donner trop précisément les thèmes parce que c'est au gouvernement de finir ce travail et après à moi de prendre la décision", a-t-il relevé, évoquant le mois de "juin" pour des propositions gouvernementales et ensuite "plusieurs mois" pour organiser des référendums.

Il s'est dit notamment ouvert à ce que des "réformes" du Premier ministre sur le "plan économique et social" fassent l'objet d'une consultation. "La fiscalité, le budget, c'est une compétence du Parlement, ce n'est pas un objet de référendum", a-t-il toutefois souligné. En sachant que François Bayrou a récemment évoqué un référendum sur "un plan d'ensemble" de réduction des déficits, alors que son gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économie à réaliser pour l'année prochaine.

Emmanuel Macron ne "voit pas" en revanche de référendum possible sur l'immigration, au vu des limites posées par la Constitution. En vertu de l'article 11 de la Constitution, les électeurs peuvent se prononcer pour ou contre un projet de loi portant sur "l'organisation des pouvoirs publics", des "réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale" ou "tendant à autoriser la ratification d'un traité (..) qui aurait des "incidences sur le fonctionnement des institutions".

Pour le reste, Emmanuel Macron a longuement défendu son bilan économique et social, et justifié l'état dégradé des finances publiques par les nombreuses crises traversées. Pas question d'augmenter les impôts, même sur les plus aisés. Ni de nationaliser ArcelorMittal comme le demandent des syndicats, des salariés et la gauche, alors que le sidérurgiste a annoncé la suppression de plus de 600 postes en France. Il a en revanche assuré que les sites de Dunkerque et Fos seront "sauvés".

Sécurité et immigration

Confronté au maire de Béziers Robert Ménard, le président a plaidé pour que le gouvernement légifère afin d'étendre les pouvoirs de la police municipale à certains actes. "Je souhaite que le gouvernement puisse prendre une loi qui donnera la possibilité, à tous les maires qui le souhaitent", que leur "police municipale puisse, avec son accord, travailler sous l'autorité du procureur pour pouvoir faire les saisines, les flagrances, les amendes forfaitaires délictuelles". Il a également évoqué "les actes du quotidien qui sont parfois nécessaires, que ne peut pas faire une police municipale contre les trafiquants de drogue ou les gens du voyage qui utilisent illégalement tel ou tel terrain". "Il ne faut pas changer la Constitution, il faut que la loi le fasse et que le maire le veuille", a-t-il répondu à Robert Ménard.

Pour lutter contre la surpopulation carcérale, il s'est également dit favorable à la location, "si besoin était", de places de prison à l'étranger, à l'accélération de la construction de 5.000 places de prison supplémentaires, ou encore à l'idée de faire participer les détenus à leur frais de détention.

S'agissant du chapitre immigration, toujours interrogé par le maire de Béziers, qui va être jugé en correctionnelle pour avoir refusé d'unir un Algérien visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et sa compagne française, le président de la République a jugé que ce cas était "ubuesque parce que le droit est mal fait". "Le droit permet à un maire de s'opposer à un mariage s'il y a une suspicion de mariage blanc", a-t-il rappelé. "Après, on ne reconnaît que la liberté de se marier, qui est une liberté constitutionnelle, mais on ne protège pas le maire". Il a souhaité que "soit inscrite rapidement à l'Assemblée" la proposition de loi interdisant le mariage pour les étrangers en situation irrégulière, évoquant un "débat de bon sens". Approuvé en février par le Sénat, ce texte doit désormais passer devant l'Assemblée pour être adopté. Il a reçu le soutien des ministres de la Justice et de l'Intérieur.

Emmanuel Macron s'est par ailleurs prononcé contre le port de signes religieux, comme le voile islamique, dans les compétitions sportives, mais a jugé que pour la pratique sportive hors compétitions, il revenait aux fédérations sportives "de décider".

"Continuer à moderniser ces fonctions publiques"

Invité cette fois à répondre - par oui ou par non - à Agnès Verdier-Molinié, la directrice de l'Ifrap, concernant une éventuelle suppression du "statut à vie" des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, Emmanuel Macron est resté pour le moins flou. "Je pense qu'il faut continuer à moderniser ces fonctions publiques", a d'abord répondu le chef de l'Etat. "Donc c'est un oui, avec réserve", l'a-t-on relancé, sans susciter de nouvelle réaction de sa part.

Sollicité le lendemain par l'AFP, le ministère de la Fonction publique a indiqué qu'il "n'est pas envisagé à ce stade de réforme statutaire", et que "des actions pour continuer à moderniser la fonction publique, simplifier son fonctionnement, la rendre attractive et améliorer son efficience sont engagées".

La réponse d'Emmanuel Macron a déjà entrainé quelques réactions syndicales. Pour Solidaires Fonction publique, "cette nouvelle attaque n'est pas admissible". Le statut "n'est pas un avantage indu" mais "une mesure protégeant la population de toute mesure arbitraire, l'assurant d'un égal accès sans discrimination aux services publics et mettant à l'abri (...), les agentes et agents publics des pressions économiques et politiques", écrit l'organisation dans un communiqué. "Supprimer le statut des fonctionnaires ne diminuera pas le déficit public. C'est un mensonge", a de même écrit Johan Theuret, porte-parole du collectif d'agents Sens du service public.

Le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent, a vu dans cette intervention l'illustration d'une "réflexion ancienne" de "découpler" les branches hospitalières et territoriales de la fonction publique de l'Etat.

 

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