En dix ans, les plateformes de meublés de tourisme ont recomposé l'offre touristique

Une étude de l'Institut Terram dresse le portrait d'une France remodelée depuis dix ans par les plateformes de réservation de meublés de tourisme. Si les zones touristiques classiques sont largement concernées par ce phénomène, de "nouvelles géographies touristiques" se dessinent en parallèle.

Avec 73.000 nuitées réservées en 2024, Saint-Aignan (Cher) fait figure d'emblème de la réussite sur la plateforme Airbnb. Le secret de ce village de seulement 2.826 habitants ? Il abrite le zooparc de Beauval, qui attire plus de deux millions de visiteurs par an. Comme Saint-Aignan, d'autres communes françaises ont profité ces dernières années du boom des plateformes de réservation de meublés de tourisme. Selon l'étude de l'Institut Terram "Tourisme 2.0 : anatomie de la France Airbnb" publiée le 28 octobre, ce type de location de courte durée, encore marginal il y a dix ans, s'est largement répandu en France. En 2024, 81% des communes françaises accueillaient au moins une offre Airbnb, alors que seules 15,6% comptaient un hôtel, et le volume de nuitées réservées a plus que doublé depuis 2018 pour atteindre 192 millions l'an dernier.

L'étude de Terram dresse au fil des pages le portrait de cette nouvelle France touristique. On y trouve d'abord des territoires traditionnellement prisés des vacanciers. Les communes de la côte aquitaine dépassent fréquemment les 5.000 nuitées annuelles pour 1.000 habitants, et certaines crèvent les plafonds : 70.000 nuitées à Moliets-et-Maa (Landes) ou 43.000 à Lacanau (Gironde). Dans la vallée de la Loire, 45 communes sont au-delà de la barre des 10.000 nuitées annuelles. Le phénomène est tout aussi conséquent en Dordogne, où les réservations dépassent 5.000 nuitées pour 1.000 habitants dans une soixantaine de communes du triangle Lascaux-Sarlat-Bergerac, et atteignent 15.000 nuitées dans la vallée de la Vézère. Les performances des grandes métropoles sont comparables : à Paris, les arrondissements du centre, Montmartre et les abords de l'arc de Triomphe dépassent les 15.000 nuitées annuelles pour 1.000 habitants, tandis que Marseille devance désormais Nice en termes de nombre de visiteurs passés par la plateforme Airbnb.

"Amortisseur territorial"

Mais surtout, l'Institut Terram révèle de "nouvelles géographies touristiques". Une géographie liée au "tourisme vert" d'un côté, à l'événementiel de l'autre. Pour le premier, le développement de l'œnotourisme fait figure de moteur. La route des vins d'Alsace aligne ainsi les taux de réservation les plus élevés de l'est de la France. Les montagnes intermédiaires (Cantal, Cévennes) et les "campagnes patrimoniales" connaissent une "progression soutenue". Quant aux stations des Vosges, elles font figure d'"enclaves touristiques" dans un département qui l'est peu. 

Les festivals et manifestations sportives produisent pour leur part des "chocs ponctuels de demande", selon l'étude, qui met en exergue trois exemples. La semaine du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême fait bondir les réservations de 200%, pour atteindre les 4.000 nuitées et toucher le territoire dans un rayon de 15 kilomètres autour de la ville. Au Mans, les 24 Heures Autos génèrent 16.000 nuitées en ville et 10.000 dans un rayon de quinze kilomètres. À Clisson (Loire-Atlantique), le rassemblement de heavy metal Hellfest provoque un pic de 2.764 nuitées. Le phénomène est comparable, dans une moindre mesure, à Carhaix pour le festival des Vieilles Charrues. À propos de ce tourisme événementiel, l'étude souligne le rôle des plateformes comme "amortisseur territorial capable d'offrir des solutions d'hébergement temporaires là où manque l'hôtellerie". Car si seulement 5% des communes de moins de 500 habitants disposent d'un hôtel, plus des deux tiers proposent une offre Airbnb.

"Acteur structurant du tourisme "

Au-delà de ce portrait d'une France touristique en mutation, l'étude de Terram nous apprend encore que le revenu médian des hôtes atteint 3.800 euros annuels, "équivalant souvent à un treizième, voire à un quatorzième mois de salaire". Mais aussi que dans les communes de 1.000 à 3.000 habitants, la présence d'Airbnb s'accompagne d'une densité accrue de commerces et services. Ou encore qu'en 2024, la plateforme a reversé 218 millions d'euros de taxe de séjour à 25.700 communes. L'étude loue également les avantages économiques et pratiques pour les touristes en indiquant que près de 70% des familles ayant eu recours à Airbnb estiment que sans la plateforme, leurs séjours leur coûteraient plus cher et seraient plus difficiles à organiser. Pour l'institut Terram, Airbnb est "devenu un acteur structurant du tourisme français" qui offre "une réponse à la demande de flexibilité, favorise l'économie d'appoint des ménages et soutient les commerces de proximité".

"Raréfaction du logement permanent"

Les plateformes de réservations sont-elles pour autant parées de toutes les vertus ? Des professionnels de l'hôtellerie jusqu'aux élus de communes situées en zones tendues, en passant par des collectifs d'habitants permanents, nombreux sont ceux qui, loin d'encenser cette nouvelle économie, mettent en avant ce que l'on nomme avec pudeur des "externalités" négatives, à savoir des nuisances en termes économiques, sociaux ou environnementaux dans les territoires les plus affectés. Au point que le Parlement a voté il y a un an une loi visant à réguler les meublés de tourisme (lire notre article du 7 novembre 2024). L'étude de Terram reconnaît d'ailleurs à propos des métropoles que "la montée des meublés peut s'accompagner d'une raréfaction du logement permanent". Ailleurs, elle concède que le succès des plateformes "accentue certaines fractures", et notamment la "raréfaction du logement dans les zones tendues". Mais elle ne partage pas pour autant tous les constats posés sur certains territoires. Ainsi, alors que plus de 16.000 meublés touristiques étaient recensés en 2023 dans 24 communes du Pays basque, et que ce nombre avait augmenté de 130% entre 2016 et 2020, Terram juge que "dans les Pyrénées-Atlantiques, la proportion de résidences secondaires a progressé jusqu'en 2010, mais elle stagne depuis", et que par conséquent, "la nouvelle économie de l'hébergement touristique portée par Airbnb et d'autres plateformes ne semble donc pas avoir bouleversé les équilibres du marché immobilier local". 

En fait de fractures, Terram pointe aussi les "inégalités d'accès aux vacances" et avance que l'"avenir du tourisme numérique dépendra de la capacité des territoires à articuler trois impératifs : le droit au départ, l'équilibre résidentiel et la vitalité économique locale". Autrement dit, l'institut fait pencher la balance en faveur des meublés de tourisme et de leurs plateformes. Sans lui faire de procès d'intention, il convient de préciser que l'Institut Terram, un groupe de réflexion dédié à l'étude des territoires créé en 2024, compte parmi ses partenaires Airbnb et parmi les membres de son conseil d'administration la responsable de l'engagement sociétal et territorial d'Airbnb France.

 

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