Encore un mauvais semestre pour l'industrie tricolore

La France a fermé presque deux fois plus d'usines qu'elle n'en a ouvert au premier semestre 2025, selon le baromètre industriel de l'État publié le 30 octobre. Même si les projets d'agrandissements de sites permettent à Bercy de relativiser la situation. L'industrie verte et la défense sont plutôt dans un bonne dynamique, à l'inverse de l'agroalimentaire, de la chimie et de l'automobile où les fermetures affectent particulièrement les régions Pays de la Loire, Hauts-de-France et Grand Est.

Un défi pour le nouveau ministre chargé de l’industrie, Sébastien Martin : la France continue de fermer des usines. Au premiers semestre 2025, ce sont 82 usines qui ont fermé pour 44 ouvertures, soit près du double, selon le baromètre industriel de la direction générale des entreprises (DGE), publié jeudi (à télécharger ci-dessous). Si Bercy se targue d’un solde positif de 9 usines, c’est que le baromètre comptabilise également les agrandissements ou réductions de sites. À cet égard, 86 usines se sont agrandies quand 39 ont réduit la voilure. Ce qui donne l’illusion d’une poursuite de la "réindustrialisation". "La France continue d’ouvrir et d’agrandir plus d’usines qu’elle n’en ferme", se félicite ainsi Bercy, sachant que ce baromètre a un autre défaut : il ne comptabilise pas les créations et destructions d’emplois liées à ces projets (à l’inverse du cabinet Trendeo qui comptabilise 10.000 emplois industriels en moins au premier semestre 2025 par rapport au premier semestre 2024). La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a ainsi rappelé, jeudi, que son syndicat recensait 444 plans sociaux depuis juin 2024, dont 325 fermetures de sites industriels, menaçant quelque 300.000 emplois.

"Montée en cadence" de la défense

La tendance est d’autant moins bonne que, par rapport au second semestre 2024, le nombre d’ouvertures a baissé (passant de 61 à 44) quand celui des fermetures a augmenté (passant de 60 à 82). Toutefois le baromètre fournit les grandes tendances. L’industrie verte et l’économie circulaire "poursuivent la dynamique" observée auparavant, avec un solde de 11 ouvertures nettes (y compris les agrandissements et réductions de sites), avec notamment de nouveaux "sites dédiés au recyclage de diverses matières et au reconditionnement d’appareils". Le baromètre observe aussi une "montée en cadence" dans l’industrie de défense, dont 40% d’ouvertures dans l’aéronautique militaire. Un constat qui tranche avec la réalité vécue par les salariés de la Fonderie de Bretagne reprise il y a six mois par le groupe Europlasma qui s’était engagée à y produire des obus. Pour 2025, "on devait faire 250.000 obus, on en a fait zéro (…). Il y a déjà des salariés qui ont commencé à bosser ailleurs en intérim dans d’autres entreprises", a alerté la semaine dernière Maël Le Goff, secrétaire CGT de la Fonderie de Bretagne. Secteurs énergivores et soumis à une forte concurrence, la chimie et l’automobile sont toujours à la peine et enregistrent chacun un solde négatif ( -4 usines). "Ces dynamiques touchent principalement les équipementiers automobiles", constate le baromètre. Et l’agroalimentaire se retourne avec 25 fermetures pour 16 ouvertures.

Ces tendances se répercutent au niveau territorial, avec une France coupée en deux. À l’exception des Pays de la Loire (-6), la partie ouest est plutôt dans une bonne dynamique avec des soldes positifs en Bretagne, en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine (respectivement +6, +8 et +8). Ailleurs, la situation est plutôt stable excepté dans le Grand Est et les Hauts-de-France - régions marquées par le poids de la chimie et de l'automobile -qui continuent de perdre des usines (-5 chacune). Safilin à Béthune, RESRG Automotive, à Poix-de-Picardie, Cereal Partners France (groupe Nestlé) à Itancourt… le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, n’a pas ménagé ses efforts ces dernières semaines pour alerter l’État sur les difficultés du tissu industriel local.

"Il faut se battre deux fois plus"

"La tendance risque de se prolonger au second semestre, voire en 2026", estime la DGE qui pointe notamment la baisse des investissements étrangers (-7% entre 2023 et 2024), une concurrence internationale accrue (écoulement de la surproduction chinoise, qui affecte particulièrement les secteurs de la métallurgie, de l’automobile et de la chimie), et la hausse des droits de douane aux États-Unis. "Je ne vais pas me cacher, la situation n’est pas satisfaisante. (…) Il faut se battre deux fois plus. (…) L’instabilité politique n’aide pas", a commenté Sébastien Martin, jeudi, sur BFM TV. Le président du Grand Chalon a toutefois insisté sur l’importance des agrandissements, prenant l'exemple du projet de Framatome de s’agrandir de 40.000 m2 sur son territoire, soit "l’équivalent de 4 ou 5 usines". En plein débat budgétaire, le ministre a aussi appelé les parlementaires à la prudence : "On ne doit pas toucher à notre outil productif."

 

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