À la Réunion, la ville du Port allie retour à l’emploi et dynamique pour le recyclage (974)
La ville du Port est la seule commune réunionnaise actuellement engagée dans le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Aujourd’hui, elle parvient à générer des emplois socialement utiles, tout en impulsant une dynamique locale qui favorise le recyclage.
© Le Port
C’est l’histoire d’une rencontre d’intérêts partagés entre une collectivité qui se bat pour l’emploi et une association, Synergie Péï, spécialiste en écologie industrielle et territoriale. En guise de dénouement, sur les 114 volontaires, 53 personnes ont trouvé un emploi, dont 25 en CDI. Cette opportunité a notamment permis à des personnes de 60 ans de signer leur premier CDI.
Fin 2022, la commune du Port se lance dans l’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, dans le cadre du dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Ce territoire, le plus petit en superficie mais le plus dense de La Réunion, est confronté à un taux de chômage de 27 %, composé à 38 % de jeunes. Or, malgré la présence de nombreuses entreprises, un vrai paradoxe existe : la population locale reste « très éloignée de l'emploi », comme le souligne le maire, Olivier Hoarau. C'est pour inverser cette tendance que la municipalité s'est appuyée sur le tissu territorial des partenaires de l'économie sociale et solidaire (ESS) et a candidaté à l'expérimentation TZCLD. Fin 2023, Synergie Péï est conventionnée pour créer des emplois en CDI à temps choisis et pour ce faire, des activités utiles et non concurrentielles pour le territoire. La structure décline différentes activités, comme la récupération, le recyclage ou la réutilisation de matériaux de construction. Au sein de l’entreprise à but d’emploi (EBE), plusieurs pôles d’activités ont vu le jour pour valoriser et développer les compétences des salariés : la brocante aux matériaux, la friperie, l’atelier menuiserie et la petite logistique.
Les galeries circulaires
Chaque mois, en partenariat avec la ville, Synergie Péï organise les « Galeries circulaires », intégrant une « Brocante aux matériaux », sorte de bourse de matériaux, où des dons d'entreprises locales du BTP sont revendus à des prix accessibles à la population réunionnaise. Ces événements, qui attirent selon la municipalité près de 1 500 visiteurs mensuels, sont entièrement préparés et animés par les salariés de l'EBE. Certains vont jusqu'à concevoir et construire des meubles à partir de ces matériaux valorisés, meubles qui sont ensuite proposés à la vente. Le projet cible des habitants éloignés de l'emploi depuis de nombreuses années, vivant de minima sociaux mais qui, « du fait de leur expérience, ont acquis un vrai savoir-faire et même un savoir-être », insiste Olivier Hoarau.
Un montage partenarial et financier complexe
La mise en œuvre de TZCLD au Port a exigé la mobilisation d'un réseau de partenaires. La ville du Port a joué un rôle central en créant deux postes d'agents pour l'ingénierie et l'animation de l'expérimentation, financés au démarrage chacun à hauteur de 30 000 euros par la Banque des Territoires et la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS). Pour abriter les activités de l'EBE, la commune met également à disposition un site, dont la valeur locative est estimée à près de 32 000 euros annuels. D'autres acteurs clés ont aussi contribué au financement : l’Ademe a apporté 50 000 euros pour les investissements matériels de Synergie Péï, en cohérence avec son activité de recyclage de matériaux. La région soutient un projet d'accompagnement aux compétences de base pour les volontaires et les salariés. Enfin, l'État et le département contribuent au financement des emplois au sein de l'EBE via la Contribution au développement de l'emploi (CDE). La part de 15 % du Département s’est avérée difficile à obtenir en raison de la recentralisation du RSA à l'État à La Réunion, obligeant le département à financer la CDE sur ses fonds propres.
Une action de longue haleine
Malgré cette complexité, les premiers résultats de l’initiative sont concluants. Au-delà de l’estime de soi retrouvée pour les personnes salariées de l’EBE, le dispositif a aussi favorisé une dynamique locale, via les « Galeries circulaires », qui attirent des visiteurs venant de toute l'île. De plus, les CDI, couplés à une flexibilité via du « temps choisi », ont permis d’adapter l'emploi aux situations individuelles. De quoi démontrer qu'il est possible de créer des activités non concurrentielles, notamment dans le champ de la transition écologique, moyennant un faible coût au regard des gains pour les pouvoirs publics.
L'expérimentation n'est pas sans défi. La complexité administrative et l'ingénierie lourde rendent le modèle difficilement transposable à des communes de très petite taille. La mobilisation constante des partenaires, notamment le département, demeure un enjeu. La phase d'adaptation du projet, en raison de son caractère innovant, a pris un temps considérable. Il a fallu en effet plus de trente mois entre la mobilisation et les premières signatures de contrats. Il est également crucial de veiller à ce que l'EBE ne crée pas de sous-activité pour ses salariés et que la règle de non-concurrence des activités ne soit pas surinterprétée, au point de freiner son développement économique. Autre enjeu : le management inclusif qui nécessite une attention particulière pour les collectifs de travail composés de personnes sans sélection à l'embauche et souvent éloignées de l'emploi depuis longtemps.
Chiffres clés du dispositif
- 2 postes cofinancés par des subventions de 30 000 euros chacun (via la Banque des Territoires et la DEETS), mobilisés par la Ville pour suivre l'animation de l'expérimentation
- 6 000 euros par an financés par la Ville pour la prise en charge des volontaires qui ne peuvent pas intégrer directement l'Entreprise à But d'Emploi (EBE)
- 1 site mis à disposition par la Ville annuellement valorisé à près de 32 000 euros
- 7 partenaires financiers : la ville du Port (ressources internes, cofinancement de postes, enveloppe annuelle, mise à disposition de locaux), la Banque des Territoires (cofinancement de postes à hauteur de 30 000 €), la DEETS (cofinancement de postes à hauteur de 30 000 €), l'Ademe (50 000 € pour les investissements de l'EBE), la région (50 000 € pour un projet d'accompagnement aux compétences de base pour les volontaires et salariés), l'État et le Département (financement des emplois au sein de l'EBE via la Contribution au Développement de l'Emploi)
- 114 habitants volontaires pour l'expérimentation
- 53 personnes ont retrouvé un emploi, dont 25 en Contrat à Durée Indéterminée (CDI)
- 12/2026 : fin de l'expérimentation
Financement des emplois, via la Contribution au développement de l’emploi :
- 300 569 € en 2024 (dont 261 364 € par l’État et 39 205 € par le Département)
- 486 377 € en 2025 (dont 422 937 € par l’État et 63 440 € par le Département)
- 689 479 € en 2026 (dont 599 547 € par l’État et 89 932 € par le Département)
Commune du Port
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