Financement des infrastructures de transport : le secteur privé à la rescousse ?
Eviter la décrépitude du réseau ferroviaire et routier, trouver les ressources nécessaires au développement des transports publics : les professionnels du secteur réfléchissent depuis un peu plus d'un mois, dans le cadre de la conférence Ambition France Transports, au financement des infrastructures de transport, en lorgnant avec insistance sur le secteur privé. Une journée lui était dédiée ce 12 juin au ministère de l'Economie et des Finances.

© @PhilippeTabarot/Amélie de Montchalin, Eric Lombard et Philippe Tarabot à Bercy le 12 juin
"Nous sommes à un point de bascule où la rénovation est un élément important, qui doit s'ajouter aux nombreux chantiers qui sont devant nous", a entamé en préambule le ministre de l'Economie et des Finances Eric Lombard, qui ce 12 juin recevait à Bercy environ 400 élus, professionnels et économistes dans le cadre de la conférence Ambition France Transports.
Cet évènement, inauguré par François Bayrou le 5 mai à Marseille, doit s'étaler jusque mi-juillet pour réfléchir aux modes de financement nécessaires à la modernisation des réseaux de transports, l'augmentation de l'offre et l'accélération de la transition écologique d'ici 2040. Le tout, en préservant les deniers de l'Etat.
Il y aura "des choix à faire qui vont être difficiles puisque ces décisions, évidemment, vont conduire à certains abandons, sinon on ne serait pas sérieux", a prévenu Eric Lombard, qui doit déjà trouver 40 milliards d'euros d'économies sur le budget 2026. Les transports, tous modes confondus, génèrent 57 milliards d'euros de recettes annuelles, d'après la ministre chargée des Comptes publics Amélie de Montchalin, pour 79 milliards de dépenses publiques. "Un tiers seulement de ces 79 milliards sont aujourd'hui dédiés à l'investissement", a exposé la ministre, le reste servant au fonctionnement.
Modèle du "partenariat public-privé"
"Il est indispensable d'améliorer les montages permettant de mobiliser efficacement les financements privés", a de son côté plaidé le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot. Il a défendu le modèle du "partenariat public-privé", citant en exemple la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux, gérée non pas par SNCF Réseau mais par Lisea (détenue par Vinci et la Caisse des Dépôts), qui en est le concessionnaire jusqu'en 2061.
Le PDG de SNCF Réseau, Mathieu Chabanel, "partage le bilan positif" de cette expérience, une première en France avec un acteur privé chargé de la construction, de la maintenance et de la sécurité d'une ligne ferroviaire. Pour "des lignes nouvelles, on peut transférer le risque de construction et le risque d'exécution" au privé, a-t-il détaillé. En résumé, les partenariats public-privé sont pertinents pour les objets nouveaux, comme les accès au futur tunnel Lyon-Turin ou le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise, mais pas pour ce qui existe déjà.
Fabien Villedieu, secrétaire fédéral Sud-Rail, est, lui, intervenu pour dénoncer le prix des péages ferroviaires pratiqué sur le tronçon géré par Lisea, responsable de tarifs selon lui exhorbitants sur le TGV Paris-Bordeaux. "Le voyageur il ne connaît pas Lisea, alors il crie sur la SNCF, il dit ‘vous êtes trop chers’, mais la SNCF est trop chère sur le ‘Paris-Bordeaux’ car le prix des péages de Lisea est excessivement cher", a-t-il dénoncé.
Autoroutes à péage : financer la route ou le rail ?
Autre modèle beaucoup plus connu des Français, celui des autoroutes à péage, gérées par des sociétés dont les concessions vont arriver à échéance entre 2031 et 2036.
"Les besoins routiers m'ont beaucoup frappée. Parce que les besoins ferroviaires sont en quelque sorte mieux connus", a indiqué la présidente de la société d'autoroute Sanef, Anne-Marie Idrac. Elle estime ces besoins à 90 milliards d'euros sur 30 ans pour moderniser et régénérer les réseaux routiers, surtout ceux non concédés et relevant des collectivités territoriales. D'après elle, les péages génèrent 15 milliards d'euros de recettes par an pour les sociétés d'autoroute, qui s'acquittent de six milliards d'euros en impôts et taxes. "Les péages sont protégés des aléas politiques. (...) Et ils sont sanctuarisés, ils servent à faire des travaux, pas autre chose", a-t-elle souligné, alors que de nombreux acteurs appellent à récupérer "la manne des autoroutes" pour financer le développement du ferroviaire.
Le modèle "a fait ses preuves, mais il doit sans doute évoluer", a avancé Philippe Tabarot, qui en mars dernier a appelé à flécher les ressources dégagées par les autoroutes "vers le secteur des transports".