Fiscalité des locaux professionnels : vers un nouveau report de la révision des valeurs locatives
Une actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels devait aboutir en 2026. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2026 devant en principe être présenté in extremis ce 13 octobre proposerait un report de cette évolution fiscale à 2027. Le gouvernement proposerait simultanément un nouveau dispositif pour permettre la poursuite pendant six ans du lissage des cotisations de fiscalité locales sur les locaux professionnels qui, sans cela, connaîtraient parfois des hausses significatives.

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Une "mini-révision" des valeurs locatives des 3,5 millions de locaux professionnels et commerciaux devait être mise en œuvre en 2026. La mise à jour des paramètres servant à l'évaluation de ces données, qui sont au cœur du calcul de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) dues par le monde économique, devait en effet être prise en compte dans les rôles d'imposition de l'année prochaine. Mais ce ne sera a priori pas le cas. En effet, selon plusieurs sources concordantes, une disposition du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 acterait le report d'une année de ce calendrier. En fin de journée, ce 10 octobre, le sort du texte paraissait certes toujours très incertain, puisque étroitement lié à la nomination d'un nouveau Premier ministre. Mais même dans l'hypothèse où le projet de budget ne pourrait être présenté dans les délais requis (soit ce 13 octobre au plus tard), cette disposition devrait être reprise au moyen des options restantes.
Pour bien appréhender le sujet, hautement technique, il faut remonter à 2017 : la révision des valeurs locatives des locaux professionnels était alors appliquée aux bases d’imposition des contribuables. C'était le début d'une mise à jour annoncée comme permanente, pour éviter, ensuite, que ne se forment de nouveau des écarts entre les valeurs locatives et la réalité des loyers du marché. A cette fin, les grilles tarifaires appliquées aux bases imposables sont mises à jour annuellement, et, tous les six ans, doit être mise en œuvre une révision portant sur les différents paramètres de calcul des valeurs locatives des locaux professionnels et commerciaux (catégories de référence, secteurs, coefficients de localisation…).
Serpent de mer
Préparée en 2022, cette révision "sexennale" devait s’appliquer aux bases de l'année 2023. Toutefois, les commissions départementales des valeurs locatives (CDVL), chargées de se prononcer sur les projets de révision, ont été à la peine, compte tenu dans certains cas de la faiblesse du volume de données sur les loyers réunies par l'administration fiscale. En outre, de fortes évolutions des cotisations dues par les contribuables se sont fait jour : elles seraient effectives en cas d'application de la révision. Selon les élus locaux, l'augmentation des cotisations seraient particulièrement visible pour les commerces de centre-ville, alors qu'à l'inverse, les commerces situés en périphérie bénéficieraient d'une diminution de leurs cotisations. Ces effets iraient, donc, potentiellement à rebours des politiques visant à redynamiser les centres-villes.
Il fallait du temps pour remettre les choses à plat. La loi de finances pour 2023 a donc prévu un report de deux ans (de 2023 à 2025) de la prise en compte de l'actualisation des paramètres servant à évaluer les valeurs locatives des locaux professionnels. La loi de finances pour 2024 a ensuite décidé d'un nouveau report – d'un an cette fois – de l'intégration des nouvelles valeurs dans les impositions locales. Cette dernière est donc désormais prévue pour l'année 2026. Et c'est un nouveau décalage d'un an que l'Etat s'apprêterait désormais à proposer au Parlement, via le PLF pour 2026.
"Le contexte législatif instable" depuis 2024 n'a pas facilité la poursuite du chantier, justifiaient des représentants de la direction générale des finances publiques (DGFIP) lors d'une réunion au mois de mai dernier avec les associations d'élus locaux. De fait, "les adaptations informatiques indispensables préalables à [l']intégration dans les rôles d'imposition (…) n'ont pas été arbitrées dans la loi de finances pour 2025, avec l’anticipation nécessaire", expliquaient-ils.
Des évolutions de cotisations encadrées
Mais ce nouveau report de l'intégration des effets de la révision dite sexennale (dans les faits elle sera décennale) des valeurs locatives des locaux professionnels est loin de régler toutes les questions. En effet, le dispositif de lissage des variations des cotisations acquittées par les contribuables, qui a commencé à s'appliquer en 2017, prendra fin au début de 2026. De même, le planchonnement, mécanisme qui vise à "limiter, pour chaque local professionnel, les variations de valeur locative (tant à la hausse qu’à la baisse)" ne doit s'appliquer encore que jusqu'à la fin de cette année. Si rien n'est fait, les conséquences seront parfois lourdes sur les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, selon des simulations de la DGFIP que Localtis a pu consulter. Les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties des propriétaires de locaux professionnels croîtraient en moyenne de 6,6%. Et celles que doivent acquitter les petits commerces sur rue augmenteraient en moyenne de 14,6%, représentant un montant moyen de 218 euros.
Bercy veut éviter qu'un tel scénario se produise. Des dispositions visant à prolonger d'un an le planchonnement et, par ailleurs, à mettre en place un nouveau dispositif de lissage pour six ans, devraient donc prendre place dans le PLF 2026 si celui-ci voit le jour. Le ministère en a déjà évalué les effets pour 2027, première année de mise en œuvre : 89% des locaux verraient leur cotisation de foncier bâti varier entre -10% et +10%. Les cotisations de la catégorie des petits magasins sur rue augmenteraient, elles, en moyenne de 1,1%, pour un montant moyen de 17 euros.
Abattement à la main des collectivités
Le gouvernement pourrait aussi avoir introduit dans le PLF 2026 une mesure visant à "renforcer" la faculté pour les collectivités et groupements à fiscalité propre de réduire la cotisation de foncier bâti des petits commerces qui ne sont pas situés dans un ensemble commercial. Il s'agirait d'autoriser un abattement supérieur à la limite actuelle de 15% sur la base d'imposition.
Une telle évolution "pourrait être envisagée", indiquait au printemps la DGFIP aux représentants des associations d'élus locaux. Par ailleurs, elle posait sur la table une proposition pour "simplifier et alléger" les travaux des commissions locales œuvrant à la révision des valeurs locatives. Le scénario reposait sur la suppression pure et simple des commissions communales et intercommunales des impôts directs locaux et le transfert de leur compétence aux conseils municipaux et communautaires. Mais cette proposition a suscité une levée de boucliers des élus locaux, ceux-ci redoutant que les assemblées locales, à l'ordre du jour copieux, n'aient d'autre option que d'expédier l'examen des mises à jour des évaluations des locaux. Il serait donc sans doute assez surprenant de la retrouver dans les textes budgétaires pour 2026.
Du côté des collectivités locales, les experts consultés par Localtis, qu'il s'agisse de ceux de France urbaine ou du groupe de travail de l'Association Finances Gestion Evaluation des collectivités (Afigese) dédié à la fiscalité locale, insistent sur l'importance de travailler à établir la photographie la plus nette possible des loyers du marché. À ce titre, ils regrettent que les services fiscaux n'aient réuni en 2021 qu'entre un quart et un tiers des loyers dus par les locaux commerciaux. Un niveau bien inférieur à celui qui était constaté pour la mise en œuvre en 2017 de la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux (aux alentours de 50%).