Grand Est : la fin des guichets SNCF inquiète les usagers
Des habitants "dépassés" par le numérique, qui craignent de voir un service public disparaître : à Faulquemont (Moselle), la fermeture prochaine du guichet SNCF risque de "pénaliser" des voyageurs. Par un jeudi ensoleillé de mai, le bâtiment de la gare de cette ville de 5.000 habitants, à une quarantaine de kilomètres de Metz, est complètement fermé, avec des grilles devant la porte d'entrée. Par le passé, des pétitions avaient circulé et des habitants avaient manifesté contre la réduction des horaires d'ouverture du guichet, où l'agent, auparavant présent cinq jours par semaine, ne l'est désormais plus que trois. Mais le 1er janvier prochain, le guichet sera désert, dans cette gare comme dans douze autres de la région Grand Est. Seize autres réduiront leurs horaires ou le nombre de guichets ouverts.
La décision était déjà prise dans le cadre d'un contrat liant la région et la SNCF jusqu'en 2033. Il y était déjà prévu de "baisser le nombre d'heures de guichet", explique à l'AFP Thibaud Philipps, vice-président de région chargé des transports. Mais ces derniers jours, alors que la mise en oeuvre de la décision approche, une pétition lancée par la CGT cheminots du Grand Est a recueilli plus de 750 signatures.
Pour se justifier, la région explique avoir observé "une baisse d'année en année du nombre de tickets vendus" en gare : 31% de ventes de billets TER au guichet en 2019 contre seulement 11% en 2024. Dans ces treize guichets, une moyenne "de 6 à 10 ventes par jour" est réalisée, soit "un très faible flux au quotidien", pour un service qui "représente 200.000 euros de frais de fonctionnement pour la région à chaque guichet". Seuls 28% des titres TER dans le Grand Est sont achetés en gare (11% au guichet, 17% sur les bornes), et le reste en ligne ou sur l'application SNCF Connect.
Mais "on est dépassés avec le numérique", regrette Jean, 83 ans, qui ne donnera pas son patronyme. Béa, 68 ans, qui l'accompagne, l'assure : "Ça va nous pénaliser, ça nous pénalise déjà. En ligne, on n'arrive jamais à aller au bout du processus" d'achat des tickets. Plusieurs jeunes vantent au contraire la facilité d'achat d'un titre de transport en ligne. Mais le billet papier est parfois encore plébiscité. Elsa, 20 ans, employée dans une usine et qui prend le TER deux fois par semaine depuis Faulquemont, pose sa carte bancaire sur l'automate. Habituée à cette borne bleu marine en bordure de quai, elle regrette pourtant qu'elle soit "très souvent en panne". "L'appareil est cassé la plupart du temps, contrairement à l'humain" à qui "on peut demander plein de choses auxquelles la machine ne répond pas", abonde Mireille Douvier, 55 ans, qui prend régulièrement le train pour Metz. La fermeture des guichets, "ce n'est pas une bonne idée du tout".
"La casse du service public ferroviaire s'accélère", a alerté la CGT cheminots Grand Est dans un communiqué, anticipant "des conséquences dramatiques sur l'accès au service public pour les usagers et sur l'emploi pour les cheminots". Fustigeant une "attaque directe contre l'égalité d'accès au service public, la sécurité des voyageurs, et la présence humaine indispensable dans les gares", les syndicats SUD-Rail du Grand Est estiment que le choix d'un "modèle tout-digital ne fait qu'accroître les inégalités et déresponsabilise la SNCF de ses missions de service public."
La région assure que les gares concernées ne seront pas abandonnées pour autant : les voyageurs pourront acheter leur billet chez des partenaires présents en gare comme l'office de tourisme, situé dans la gare de Vittel (Vosges), ou de la maison de la mobilité à Wissembourg (Bas-Rhin). Pour toutes les autres gares concernées à l'exception de Champagne-Ardenne TGV, une expérimentation sera menée avec La Poste, qui pourra vendre les titres TER dans ses bureaux, y compris le samedi.