Habitat : une "banque de la rénovation" pour "lever les freins au financement"
Un nouvel outil pour lever les freins au financement de la rénovation des logements pourrait voir le jour. Un rapport remis le 11 juillet aux ministres de l'Économie et du Logement préconise la création d'une banque de la rénovation, un instrument mutualisé entre banques privées pour faciliter les prêts aux copropriétés et ménages modestes, tout en assurant le préfinancement des aides publiques.

© @valerieletard/ Remise du rapport « Banque de la rénovation » à Eric Lombard et Valérie Létard le 11 juillet
C’est un document très attendu qui a été remis vendredi 11 juillet aux ministres de l’Économie et du Logement : le rapport fondateur d’une ambitieuse "banque de la rénovation", pensée pour transformer en profondeur le financement des travaux dans le logement privé.
Lancée fin 2024 à l’initiative conjointe des ministères du Logement, de l’Économie et des Finances, de la Transition écologique et de l’Énergie, cette mission stratégique a été confiée à Yannick Borde, président de Procivis, aux sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté, Danielle Dubrac (présidente de l’Unis), et Kosta Kastrinidis (directeur des prêts de la Banque des Territoires). Leur objectif : explorer les contours d’un dispositif bancaire mutualisé, fondé sur des partenariats solides, pour accompagner massivement la rénovation énergétique.
Le rapport (à consulter ici) dresse un constat sans équivoque : les besoins sont gigantesques. D’ici 2030, il faudra mobiliser près de 96 milliards d’euros par an pour rénover le parc de logements français — un saut important par rapport aux 84,6 milliards investis en 2023. Ce montant englobe non seulement la rénovation énergétique (31 milliards d’euros), mais aussi l’adaptation au vieillissement, la lutte contre l’habitat indigne, l’entretien du bâti, et la préparation au changement climatique, y compris le confort en période de chaleur.
Des freins persistants malgré l'urgence
Malgré l'urgence écologique et sociale, et en dépit d'aides publiques "d'un niveau inédit", selon la mission, le marché de la rénovation peine à décoller pleinement. Le financement, qui repose encore à près de 70% sur l'épargne des ménages, bute sur plusieurs obstacles. Le coût des travaux est souvent perçu comme le principal frein par les propriétaires.
Le rapport pointe surtout des "angles morts" dans l'offre de financement bancaire. Deux publics sont particulièrement mal desservis. Jugées complexes par la plupart des banques, les copropriétés manquent de produits de financement adaptés : les conditions d'octroi actuelles excluent de fait de nombreuses copropriétés, notamment celles en difficulté ou les plus petites. Les propriétaires modestes ou âgés sont également considérés comme "trop risqués" ou n'ayant plus de capacité d'endettement, et se retrouvent donc sans solution de marché ou face à des coûts très élevés. Le prêt avance rénovation (PAR), pourtant conçu pour eux, reste très peu utilisé.
Un autre point crucial est le préfinancement des aides publiques. L'incapacité pour les ménages ou les syndicats de copropriétaires d'avancer les fonds nécessaires en attendant le versement des subventions bloque de nombreux projets.
Un instrument mutualisé pour lever les blocages
Face à ce constat, la mission propose une solution pragmatique : plutôt que de créer une nouvelle banque publique, il s'agirait d'un "instrument mutualisé" entre banques privées volontaires, popularisée sous le nom de banque de la rénovation.
L'idée est de permettre aux banques de s'emparer pleinement du marché de la copropriété, tout en offrant un préfinancement systématique des aides publiques et un meilleur accompagnement des populations modestes. Cet outil, qui n'aurait pas de guichets physiques en propre, pourrait prendre la forme d'une organisation interbancaire.
Ses services fondamentaux incluraient du conseil et de l’accompagnement personnalisé, de l’analyse de dossier, le préfinancement des aides, la gestion des encours des prêts, le financement des créances, ainsi que la capacité à garantir la performance des travaux.
La mutualisation permettrait de réduire les coûts de développement informatique, de formation spécialisée et de gestion des risques spécifiques aux copropriétés. Elle aiderait également à développer une meilleure compréhension du fonctionnement des copropriétés par les acteurs bancaires.
Un engagement des acteurs bancaires et le soutien du gouvernement
Le rapport propose plusieurs modalités de mise en œuvre, allant d'un service de gestion pour compte de tiers à la création d'un établissement financier spécialisé, potentiellement en s'appuyant sur une structure existante.
L'accueil de cette proposition a été positif. Les acteurs du monde bancaire se sont déjà engagés à travailler à la préfiguration de cet outil et à déployer le prêt collectif pour les copropriétés, saluant une "évolution très positive". Ils ont même proposé une évolution du prêt collectif créé par la loi "Habitat Dégradé" du 9 avril 2024, une idée soutenue par le gouvernement.
Éric Lombard, ministre de l’Économie, a souligné l'importance de cette mobilisation : "La réussite de la rénovation énergétique passe par une mobilisation renforcée du secteur bancaire. L’État continuera à jouer son rôle d’impulsion, mais c’est bien aux acteurs privés de s’emparer des outils, d’innover et de mutualiser leurs ressources pour lever les freins au financement. C’est une responsabilité partagée, au cœur de notre transition écologique."
De son côté, Valérie Létard, ministre chargée du logement, s'est également félicitée de cette avancée : "Je me réjouis du lancement de ce nouvel instrument de financement de la rénovation et de l’engagement des acteurs bancaires à le mettre en œuvre. C’est un nouvel outil de financement de la rénovation des logements et en particulier des copropriétés qui se dessine."