Handicap, santé mentale : soutenir les départements est "une nécessité absolue"
En matière de santé mentale comme de handicap, les besoins sont croissants et les moyens manquent, soutient le député rapporteur de la commission d’enquête sur les "défaillances" de ces politiques publiques. Auditionnés en septembre, des représentants de Départements de France ont insisté sur l’urgence de soutenir les départements, confrontés à des situations nombreuses, complexes et très onéreuses dans le cadre de la protection de l’enfance.

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Sylvie Clerc-Cuvelier et Philippe Gouet
2025, année de grande cause nationale autour de la santé mentale. Malgré cette mise en lumière, "les avancées n’ont pas été suffisantes pour pallier l’augmentation des besoins et la baisse du nombre de professionnels de santé", a déploré le 16 septembre 2025 la députée Nicole Dubré-Chirat (EPR, Maine-et-Loire). Cette dernière préside la commission d’enquête sur "les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société" qui a entamé ses travaux en juillet dernier, soit trois mois après la remise des travaux de la commission d’enquête sur les manquements de la protection de l’enfance (voir notre article).
Démontrer l’intérêt social et économique de la prévention
D’initiative socialiste, cette commission a pour but d’"établir les défaillances des politiques publiques dans la prise en charge de la santé mentale et du handicap et en déterminer les causes", d’"en mesurer les conséquences pour la santé des personnes concernées" et enfin de "mesurer les conséquences pour les finances publiques et pour l’économie de l’insuffisance de la prévention et des défaillances de prise en charge".
"Par nature distincts, la santé mentale et le handicap ont en commun d’avoir subi, ces dernières années, une dégradation particulièrement marquée de leur prise en charge, qu’elle soit sanitaire, sociale ou médico-sociale, alors que les besoins de la population n’ont eu de cesse de croître", avait mis en avant le député Sébastien Saint-Pasteur (socialiste, Gironde) dans son rapport visant à justifier la nécessité de cette commission d’enquête. Parmi les sujets appelés à être examinés : le "développement d’une offre privée à but lucratif de prise en charge et d’accompagnement", considérée comme une potentielle "source importante d’inégalités". L’enjeu de la commission d’enquête, selon celui qui est devenu son rapporteur, est notamment de "[démontrer] qu’investir dans la prévention et l’accompagnement n’est pas seulement socialement indispensable, mais [également] économiquement vertueux".
Une nécessité "absolue" de soutenir les départements
L’audition de représentants de Départements de France a été l’occasion, le 16 septembre dernier, de revenir sur le problème "aigu" qui s’impose aux départements dans le cadre de la protection de l’enfance. Alors que 540.000 enfants sont confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE), "contre 377.000 en 2021", un nombre croissant d’entre eux "présente des troubles psychologiques ou psychiatriques graves", de l’ordre de 22% du total, selon Philippe Gouet, président du Loir-et-Cher et du groupe de travail "santé" de Départements de France. La nécessité de soutenir les départements en la matière est "absolue", affirme l’élu, selon lequel "il faut parfois jusqu’à cinq personnes pour surveiller un enfant" pour un coût annuel individuel qui peut atteindre 175.000 euros par an. "J’alerte la commission sur l’asphyxie des départements, qui ne pourront plus investir dans ces dossiers", ajoute l’élu.
Or, "il n’y a pas assez de professionnels de santé pour prendre en charge" ces enfants, poursuit-il, citant les manques de pédopsychiatres ("20 départements en France n’en ont aucun et 32 en ont un seul") et de médecins scolaires. En attendant que des pédopsychiatres soient formés, le groupe de travail "santé" de Départements de France recommande de former des infirmiers en pratique avancée (IPA) et des psychologues cliniciens – en créant un diplôme d’État de psychologue pour harmoniser la théorie et la pratique -, de mieux former également les médecins généralistes. Alors que la création d’un bilan de santé mentale pour tous les enfants entrant au collège était ressortie en 2024 des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant (voir notre article), "on n’observe aucune avancée en la matière", déplore en outre Philippe Gouet.
Manque de moyens pour les MDPH
Sur le volet handicap, quatre grandes difficultés ont été énumérées par Sylvie Clerc-Cuvelier, vice-présidente du conseil départemental du Nord : le manque d’attractivité du secteur médico-social, alors que les besoins se développent notamment du fait de l’allongement de l’espérance de vie des personnes handicapées ; l’insuffisance et l’inégale répartition de l’offre, avec des attentes fortes vis-à-vis du plan 50.000 nouvelles solutions qui est destiné à "soulager des tensions territoriales et à répondre à des besoins non satisfaits" ; le manque de moyens alloués aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ; et "la non-compensation des dépenses engagées par les départements". "L’État prend des décisions qui s’imposent aux départements sans leur allouer les moyens nécessaires", insiste l’élue, qui évoque également les enjeux particuliers liés à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Conduites depuis début septembre auprès d’acteurs variés – État, sécurité sociale, psychiatres et autres professionnels, chercheurs en économie de la santé, Défenseure des droits… -, les auditions vont se poursuivre dans les prochaines semaines, la commission d’enquête ayant jusqu’au mois de janvier pour rendre ses conclusions.