Harcèlement scolaire : une enquête nationale révèle des résultats préoccupants

L'enquête Harcèlement 2023 du ministère de l'Éducation nationale met en lumière une situation préoccupante, particulièrement à l'école élémentaire. Les élèves victimes de harcèlement subissent une double peine du fait de la dégradation de leur environnement scolaire au sens large.

Alors que la nouvelle ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet, était lundi 12 février en déplacement à Reims sur le thème du harcèlement scolaire, la Depp (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance) publiait les premiers résultats statistiques de l'enquête Harcèlement 2023. Selon cette enquête menée en novembre 2023 auprès d'un échantillon de 21.700 élèves du CE2 à la terminale, plus d'un élève par classe est victime de harcèlement, tous niveaux confondus. Pour le ministère de l'Éducation nationale, il s'agit d'un "constat préoccupant".

L'école élémentaire touchée

L'enquête fait tout d'abord ressortir que le harcèlement scolaire touche 5% des écoliers du CE2 au CM2, 6% des collégiens et 4% des lycéens. Plus particulièrement, la peur d'aller à l'école (souvent ou très souvent) à cause d'un ou plusieurs élèves concerne 5% des écoliers, 2% des collégiens et 2% des lycéens. Quant à la peur d'aller en récréation à cause d'un ou plusieurs élèves (parfois ou souvent), elle se monte à 16% chez les écoliers, 7% chez les collégiens et 4% chez les lycéens. On relève encore que 3% des écoliers ont été victimes de huit atteintes pour harcèlement ou plus, tandis que 5% des collégiens et 3% des lycéens ont subi cinq atteintes ou plus.

En outre, la part des élèves ayant demandé de l'aide auprès d'un élève, d'un parent ou d'un adulte de l'équipe éducative, parmi ceux ayant l'impression d'être embêtés souvent, est de 63% chez les écoliers, 32% chez les collégiens et 22% chez les lycéens.

Autant de chiffres qui mettent en lumière un phénomène auquel on ne s'attendait pas forcément : les élèves des classes élémentaires figurent parmi les plus concernés par le harcèlement. Pour preuve, l'enquête estime que 19% des écoliers "doivent faire l'objet d'une vigilance accrue face au risque de harcèlement", contre 6% des collégiens et 5% des lycéens.

Cauchemars, démotivation et école buissonnière

Les atteintes subies de manière répétée les plus fréquemment déclarées sont le fait que les autres élèves racontent des choses fausses ou méchantes sur soi, ont fait du mal exprès ou ont impliqué un élève dans des bagarres. Les vols et menaces de vol sont également parmi les atteintes les plus citées.

Ces atteintes ont des conséquences sur la vie des élèves : 10% des écoliers déclarent avoir du mal à s'endormir ou faire des cauchemars à cause de ce qu'ils vivent à l'école. Ils sont même 40% quand ils ont subi cinq à sept atteintes et 62% s'ils ont été victimes de huit atteintes ou plus. Chez les collégiens et lycéens victimes de harcèlement, le symptôme le plus couramment rencontré est l'agressivité.

De même, le fait d'être victime d'un nombre important d'atteintes de manière répétée a aussi un impact sur l'assiduité et le travail scolaire. Parmi les collégiens déclarant cinq atteintes répétées ou plus, 45% se sentent démotivés, 34% voient leurs notes baisser et 27% ont du mal à faire leurs devoirs. Au lycée, le phénomène prend une autre forme : 33% des lycéens victimes de cinq atteintes ou plus ont déjà séché les cours à cause de leurs relations avec un ou plusieurs élèves.

Nouvelles mesures

À la suite de cette publication, le ministère de l'Éducation nationale a annoncé de nouvelles mesures pour mieux identifier les situations à risques. D'une part, l'enquête Harcèlement sera désormais menée chaque année en novembre et son analyse rendue publique sous la forme d'un "baromètre annuel". D'autre part, dès qu'un questionnaire conduira à identifier une situation à risques, la classe concernée fera l'objet d'investigations complémentaires et, en cas de signaux faibles ou de faits de harcèlement signalés concernant un élève, une réponse immédiate sera apportée. Enfin, une attention spécifique sera apportée sur le premier degré où les situations à risque sont significativement plus élevées.

Dans le prolongement du plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l'école, le ministère a en outre détaillé les mesures en faveur de la mobilisation des acteurs. Ainsi, ce sont 150 emplois entièrement dédiés à cette question qui ont été créés, à raison de 30 emplois affectés dans les académies et 120 dans les départements. De plus, les infirmières scolaires et les assistantes sociales qui assurent les fonctions de coordonnateurs pour la lutte contre le harcèlement dans les établissements bénéficieront désormais d'un complément indemnitaire de 1.250 euros, au même titre que les autres coordonnateurs.

Quelques jours à peine après la publication d'une circulaire sur le sujet (lire notre article du 9 février), Nicole Belloubet a par ailleurs rappelé que le harcèlement scolaire "sera la priorité absolue de mon action à la tête du ministère". Un rappel fortement appuyé par le Premier ministre Gabriel Attal qui, dans un tweet, appelle à poursuivre la mobilisation et à aller plus loin face un "fléau qui empoisonne la vie, brise la confiance en soi et peut parfois conduire au pire".