Ingérences étrangères : naissance d'un répertoire pour mieux informer élus et citoyens
Principale mesure de la loi de juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères, le répertoire des acteurs influant sur la vie publique française pour le compte de puissances étrangères, voit le jour. Ces acteurs devront notamment déclarer les actions qui les mettent en relation avec des élus locaux, ou les cabinets des autorités territoriales.

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Après les États-Unis et plus récemment l'Australie, la France se dote à son tour d'un répertoire des acteurs influant sur la vie publique à la demande d'une puissance étrangère, un outil de nature à informer les décideurs publics et les citoyens sur les risques d'éventuelles tentatives d'influence, voire d'ingérence. L'initiative est issue de la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères.
Nommé "Argos", le téléservice permettant de s'inscrire au répertoire est en effet accessible depuis le 1er octobre, indique la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui est chargée de la gestion du dispositif. Ont l'obligation de procéder à cette démarche les personnes morales ou physiques agissant en France pour le compte d'une puissance étrangère située hors de l'Union européenne, et ce dans le but d'influer sur la décision publique. Sont aussi concernés les acteurs intervenant à la demande d'une personne morale étroitement liée à cette puissance étrangère, ou encore d'un parti politique qui en est issu. Les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France et les représentants et agents d’un État étranger, lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions officielles, ne sont toutefois pas tenus de déclarer leurs actions auprès des décideurs publics français.
Activités d'influence : les déclarations débuteront le 1er janvier
"L’inscription au répertoire est obligatoire dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la réalisation de la première action d’influence étrangère, et ce à partir du 1er octobre 2025", précise la HATVP. En cas de non-respect de l'obligation, la personne concernée encourt jusqu'à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Une astreinte financière pouvant aller jusqu’à 1.000 euros par jour peut également être prononcée à son encontre, dans le cas d'une mise en demeure non suivie d'effets.
La procédure d'inscription conduit l'acteur déclarant à préciser l’identité de ses dirigeants et des personnes qui sont chargées des activités d'influence, ou encore la nature des liens qui l'unissent à une puissance étrangère.
Il s'agit d'une première étape, puisque les personnes devront ensuite transmettre chaque trimestre les informations sur les activités d’influence qu'elles mènent. La première campagne de déclaration de ces activités sera ouverte sur le site de la HATVP le 1er janvier prochain. Certaines actions de communication à destination du public (campagnes d’information, publications, interventions dans les médias ou sur les réseaux sociaux), le versement ou la collecte de fonds sans contrepartie et ce que la loi désigne comme les "entrées en communication" avec des responsables publics (réunions, échanges écrits ou oraux, organisation d’événements, interpellation sur les réseaux sociaux…) devront obligatoirement être déclarés. Le montant global annuel des dépenses destinées à ces actions de communication avec des responsables publics, devra en outre être précisé. A contrario, les personnes agissant pour le compte de puissances étrangères n'auront pas à déclarer leur participation à une procédure de la commande publique.
Sous surveillance, les contacts avec les élus locaux
Les personnes influant sur la décision publique pour le compte d'une puissance étrangère sont tenues de déclarer leurs activités d'influence à la HATVP notamment lorsqu'elles "entrent en communication" avec les élus mentionnés par l'article 1 de la loi du 25 juillet 2024, de leur propre initiative ou du fait de celle des élus. Dans la longue liste des élus locaux visés par le dispositif figurent notamment l'ensemble des conseillers régionaux et départementaux, les exécutifs des intercommunalités à fiscalité propre déterminées par des critères de population (plus de 20.000 habitants) ou budgétaires (plus de 5 millions d'euros de recettes totales de fonctionnement), ainsi que les maires et adjoints au maire des communes de plus de 20.000 habitants. Les mêmes obligations s'imposent lorsqu'un contact a été établi avec "les directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet des autorités territoriales" mentionnées par le même article de loi, ou avec les directeurs généraux des services des régions et départements ou leurs homologues des communes et intercommunalités à fiscalité propre de plus de 150.000 habitants.
On notera qu'une même personne physique ou morale remplissant les conditions pour être un acteur d’influence étrangère et un représentant d’intérêts devra s’inscrire au répertoire des représentants d'intérêts et à celui qui vient d'être créé pour améliorer la transparence sur les influences étrangères. Mais une action qui relève des deux registres devra uniquement être déclarée au répertoire de l'influence étrangère.
Candidats aux municipales
La création du nouvel outil a notamment pour objectif de "garantir une meilleure transparence des tentatives d'ingérences étrangères conduites sur notre sol, qui doit permettre aux décideurs publics, lorsqu'ils sont la cible d'opérations d'ingérence, d'en être dûment informés", estimait la rapporteure au Sénat, Agnès Canayer, lors de l'examen de la future loi visant à prévenir les ingérences étrangères.
Les décideurs publics locaux ne sont pas à l'abri d'actions visant à influer les politiques publiques conduites en France. Les candidats aux élections locales, notamment les municipales, peuvent eux aussi être visés par des tentatives d'ingérences étrangères. Dans un récent guide sur le financement de la campagne des prochaines municipales, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) les appelle à la vigilance (voir notre article).