Inspection des installations classées : léger mieux en 2024 sur les émissions polluantes et l'accidentologie
Une accidentologie stable, "sans aucun accident majeur à déclarer", et une baisse des émissions de polluants, le bilan de l'Inspection des installations classées pour l’année 2024 fournit quelques motifs de satisfaction. Campagnes de mesure des PFAS dans les rejets industriels, sobriété hydrique, mobilisation contre les filières illégales de déchets, mise en conformité des incinérateurs figurent parmi les points saillants.

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Après avoir dévoilé sa feuille de route pour 2025 en début d’année (voir notre article du 15 janvier 2025), l'Inspection des installations classées a présenté, ce 16 mai, le bilan de son activité 2024. "Les chiffres de l'année sont en légère amélioration pour le risque accidentel et les émissions polluantes", s’est d’emblée félicité, Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques (DGPR) au sein du ministère de la Transition écologique. Avec un fait nouveau : "aucun accident majeur à déclarer en 2024". "Il faut toutefois rester humble par rapport à cette performance qui n’a pas forcement de conséquence à long terme", a-t-il nuancé. En matière de pollution de l'air, l'inspection relève "une amélioration constante" sur la baisse des émissions de polluants. Sur les dix dernières années (2013-2023), les émissions dans l’air d’oxydes de soufre (SOx) et d’oxydes d’azote (Nox) ont par exemple respectivement diminué de 71% et 61%.
Un total de 24.514 inspections
Au 31 décembre dernier, le rapport de l'inspection recense 18.963 sites soumis à autorisation (installations présentant les risques et les impacts les plus importants), 22.920 sites soumis à enregistrement (niveau intermédiaire pour les secteurs où les mesures techniques pour prévenir les risques sont bien connues comme les stations-service, les entrepôts, la filière avicole, etc.) et environ 450.000 sites soumis à déclaration (activités les moins polluantes et les moins dangereuses).
L’activité de la police environnementale est demeurée "stable" avec 646 arrêtés préfectoraux d’autorisation environnementale, de rejet ou de refus (dont 101 autorisations et 99 refus concernant des parcs éoliens terrestres) 632 arrêtés préfectoraux d’enregistrement et 2.466 arrêtés préfectoraux complémentaires actualisant l’encadrement des sites existants pris l'an passé, auxquels s'ajoutent 24.514 inspections pour vérifier sur le terrain la bonne application des prescriptions réglementaires s’appliquant aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) - contre 24.232 en 2023. Dans le détail, l’augmentation est "assez notable" sur les sites industriels. Ce n’est en revanche "pas la même dynamique pour les sites agricoles", l’Etat ayant souhaité "une modération" des inspections sur la période, souligne Cédric Bourillet. Le bilan relève une très légère augmentation d’instructions qui se terminent par une mise en demeure ou par une sanction "de l’ordre de 0,5%". Côté effectifs, 100 inspecteurs sont venus gonfler les rangs de façon progressive sur l’année. Pas de renforts attendus pour 2025, mais un gain d’efficacité espéré avec la télédéclaration des incidents et accidents disponible au second semestre. 2024 a également été marquée par la mise en application de la refonte de la procédure d’autorisation environnementale - issue de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 - entrée en vigueur le 22 octobre dernier (lire notre article), avec l’objectif de réduire les délais d’instruction, notamment à travers la parallélisation de la phase d'examen et de consultation du public. "Un très gros chantier", reconnaît Cédric Bourillet, qui a nécessité "de refaire toute l’ingénierie de nos processus, changer tous nos systèmes d’information, faire de la formation, etc.". Et bien sûr - sur un autre registre - l’évènement marquant a été l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques. L’inspection des installations classées y a apporté sa contribution avec plus de 200 inspections dédiées autour des sites d’épreuves sur des thématiques variées : défense incendie, risque lié à la légionellose, amélioration de la qualité de la Seine, etc.
PFAS : une priorité d’action pour les inspections
C’est un des axes forts de 2024. Ce sont ainsi 3.500 sites industriels qui ont mené une campagne pour rechercher l’éventuelle présence de per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans leurs rejets vers les cours d’eau, appuyée par près de 500 inspections. Près d’un établissement sur deux a retrouvé la présence d’au moins un PFAS dans ses rejets d’eaux usées. C’est cependant avec un nombre assez restreint de sites industriels que l’on identifie 99% des rejets de PFAS. Les substances PFAS mesurées ne sont d’ailleurs pas nécessairement liées au processus industriel, mais peuvent être présentes dans l’eau d’alimentation du site. L’inspection des installations classées s’est donc fortement mobilisée pour s’assurer que les exploitants engagent les actions nécessaires pour identifier la source éventuelle, supprimer ou, à défaut, réduire à un niveau aussi bas que possible leurs émissions de PFAS. "C’est évidemment un travail qui va se poursuivre en 2025-2026 puisqu'une 'loi PFAS' a été adoptée qui va nous amener à définir la trajectoire nationale pour les rejets industriels", précise Cédric Bourillet.
Adaptation des sites industriels au changement climatique
Dans les priorités d’action de 2024 qui "se poursuivent et s’accélèrent en 2025" figure sans surprise l’adaptation au changement climatique en lien avec la publication du 3eme plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) il y a quelques semaines. L'inspection des installations classées y contribue autour de deux axes : la partie accidentelle pour améliorer la gestion des risques et la sobriété hydrique. Cette année pluvieuse n’a d’ailleurs pas été sans impact sur les ICPE, avec 55 événements recensés en 2024, notamment des inondations de sites industriels, des débordements de bassins tampon ou des ruissellements pouvant conduire à des rejets polluants. Le bilan relève en outre un pic d’accidents sur les séchoirs à grains pour les organismes stockeurs de céréales non sans lien avec les intempéries.
L’autre volet, celui de la sobriété hydrique, a fait l'objet d’actions des inspections tout au long de l’année pour la mise en oeuvre du Plan eau. S’agissant des 50 établissements industriels identifiés comme prioritaires pour réaliser des économies d’eau, plus de 100 projets de sobriété hydrique ont ainsi été lancés en 2024, souligne le bilan. Autre illustration en région Hauts-de-France, où l’action menée par la Dreal cible les 250 sites industriels les plus préleveurs en eau. Parmi eux, 199 ont déjà été soumis à des arrêtés préfectoraux complémentaires permettant une réduction du volume annuel maximal autorisé de 31 millions de m3, soit 13% du volume total de ces sites.
Lutte contre les filières illégales de gestion de déchets
C’est une autre priorité des pouvoirs publics. Les actions sur les trafics illégaux de DEEE (déchets d’équipements électriques ou électroniques) et le plan national d’inspection sur les transferts transfrontaliers des déchets - pour lequel une mise à jour est prévue en 2025 - sont des actions pérennes de la feuille de route de l’inspection. "Cette mobilisation forte se mesure à la fois par le nombre de sanctions prononcées mais aussi par des démarches de retour à la conformité ou en tout cas de 're-visibilité" légale notable", remarque Cédric Bourillet. A titre d’exemple, grâce aux actions récurrentes de contrôle de transferts illégaux réalisées à la frontière espagnole, les transferts légaux de déchets entre la France et l’Espagne ont augmenté de 51% entre 2022 et 2024 "soit 3 fois plus que sur le reste du territoire". L’inspection cible pour 2025 plus particulièrement les centres de traitement des véhicules hors d’usage (VHU), en lien avec le déploiement de la filière à responsabilité élargie du producteur afférente. A la suite de l’incendie sur le site d'une décharge illégale à Saint-Chamas dans les Bouches-du-Rhône, des actions de contrôle de terrain ont également été conduites par la DGPR dans les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur avec des réponses pénales fortes. Les tribunaux ont durci les sanctions, prononçant, par exemple, jusqu’à 7 ans de prison ferme pour des importations illégales de déchets en provenance de France, et des amendes allant jusqu'à 310.000 euros pour des exportations illicites de déchets du BTP vers l’Espagne.
Economie circulaire
Dans les axes creusés en 2024 par l'inspection, la vérification de la bonne gestion des granulés plastiques industriels (GPI) - 222 sites ont été inspectés, notamment lors d’une opération coup de poing en juin 2024 - et la valorisation des déchets produits dans la restauration - avec plus de 90 inspections menées pour vérifier le tri à la source des déchets et le respect des obligations de servir les repas et boissons dans de la vaisselle réemployable, 80% des sites contrôlés ayant fait l’objet de suites.
Des actions ont également été menées au niveau des incinérateurs de déchets en particulier pour vérifier le respect des nouvelles exigences (devenues opposables fin 2023). S’agissant des PFAS, le calendrier de mise en œuvre des campagnes de mesures doit permettre d’étaler les analyses afin de tenir compte de la faible disponibilité des laboratoires accrédités.
Le secteur des déchets fait partie des plus accidentogènes identifiés en 2024 (plus de 13% des événements recensés), avec notamment le sujet de la gestion des batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote sur laquelle des évolutions réglementaires sont attendues.
Concernant la méthanisation, après un pic en 2021 et 2022, l’implantation d’installations de méthanisation sur le territoire se stabilise depuis 2023. En 2024, 72 nouvelles installations ont été enregistrées ou autorisées. Le secteur va progressivement bénéficier d’un nouveau gisement d’intrants en raison de l’obligation, pour les collectivités et l’ensemble des professionnels, de mettre en place le tri à la source des biodéchets.
Vigilance renforcée sur certains sites industriels
L'inspection tire enfin le bilan du dispositif vigilance renforcée, mis en place en juillet 2021, pour les installations faisant l’objet d’incidents réguliers ou de non-conformités récurrentes, et pour lesquelles un plan d’actions spécifique doit être élaboré. Depuis le 1er octobre 2023, près d’une dizaine de sites étaient concernés. Au 1er mai 2025, les sites de GXO et le site de Saint-Jean d’Illac du groupe Pena, qui ont achevé la mise en œuvre de leur plan d’actions, sont sortis du dispositif, tandis que les sites Synthron situé à Auzouer-en-Touraine (37) et Protelor situé à Saint-Avold (57) du groupe Protex y entrent au 1er juin. Certains sortiront en cours d’année car leurs échéances sont "à cheval" sur 2025. C’est le cas du groupe Lactalis, pour son site localisé dans le Jura, à Lons-le-Saulnier, ou encore pour le syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), pour son site localisé dans les Yvelines, à Achères.