Jean-Pierre Hunckler (président de la FF basket-ball) : "Si le sport recule dans les quartiers, il va y avoir d'autres problèmes"

Élu en décembre dernier à la tête de la Fédération française de basket-ball (FFBB), Jean-Pierre Hunckler a réalisé durant les six premiers mois de son mandat un tour de France des collectivités territoriales pour rencontrer les élus. Il revient pour Localtis sur les enseignements de cette tournée et sur les principaux sujets communs aux fédérations et aux collectivités.

Localtis - Comment se porte la FFBB un an après les Jeux de Paris ?

Jean-Pierre Hunckler - Elle se porte très bien et tout particulièrement en termes de licenciés. Je suis très satisfait de la progression car je pensais qu'il y aurait une régression. Nous progressons plus chez les femmes, avec +4% en licences compétition, que chez les hommes. La progression globale est de 2%, ce qui est un très bon résultat compte tenu des conditions d'accueil aujourd'hui en France. En effet, nous n'avons pas pu accueillir 150.000 licenciés cette année, qui viennent s'ajouter aux 80.000 d'il y a deux ans. Si nous avions pu accueillir tout le monde, nous serions au-delà du million de licenciés.

Pourquoi vos clubs n'ont-ils pu accueillir ces 150.000 nouveaux joueurs et joueuses ?

Il n'y a plus de créneaux dans les salles, il n'y a pas assez de salles. Lors de ma tournée en France, aucun maire ni aucun président de conseil régional ou départemental ne m'a dit de ne pas m'inquiéter, personne ne m'a dit qu'une vingtaine de salles allaient se construire dans les dix ans à venir. Je n'ai pas entendu ça. Les Jeux olympiques ont surtout bénéficié aux sports d'extérieur et aux sports individuels. Si on n'est pas novateurs, les sports traditionnels de salle sont appelés à stagner, voire à régresser, alors qu'on apprend que de nouvelles disciplines arrivent, auxquels il va falloir trouver une place dans les salles. Quand j'entends parler du futsal à quatre [qui s'ajouterait au futsal à cinq, ndlr], j'écarquille les yeux.

Comment avez-vous accueilli les nouvelles règles du pass Sport, dont les moins de quatorze ans sont désormais écartés ?

Nous avons fait une simulation à partir des chiffres de l'an dernier et constatons une perte sèche de quatre millions d'euros dans les caisses des clubs. Ce sont 126.000 personnes qui ne bénéficieront pas cette année de cette aide. Les clubs, qui avaient parfois des soucis financiers, avaient augmenté leurs cotisations pour pouvoir apporter une qualité de service à leurs licenciés. Cet argent a permis aux clubs de financer des salariés dont les aides à l'emploi avaient été supprimées ou réduites, pour accompagner les jeunes entrant dans le basket, de financer des éducateurs supplémentaires. Je vais vous répondre clairement, il n'y a pas un club qui a baissé ses cotisations de cinquante euros [montant de l'aide du pass Sport l'an passé, ndlr]. Automatiquement, ces cinquante euros sont venus en complément.

Avez-vous eu d'autres mauvaises nouvelles de ce type récemment ? 

Oui. Il y a quelques années, le président François Hollande avait fait mettre la pression sur les fédérations pour qu'on engage des jeunes en service civique. La FFBB s'était engagée sur mille services civiques, mais les clubs n'ayant pas les moyens, la fédération finançait 300.000 euros. Cette année, nous avons engagé 584 missions, mais il y a huit jours, nous avons reçu un courrier électronique lapidaire nous disant que nous n'aurions droit qu'à 370 missions. Que fait-on des deux cents personnes déjà engagées ?

Que vous disent les dirigeants de club ?

Un sondage récent de l'Andes [Association nationale des élus en charge du sport] annonce des baisses de 20% à 60% des subventions des collectivités. Les dirigeants s'inquiètent de ce qui va être fait pour eux demain. On leur dit de prendre des personnes pour les professionnaliser, mais il n'y a plus d'aides. Les services civiques ne marchaient pas mal, on réduit les missions. Que les bénéficiaires du RSA donnent du temps à des associations, comme cela est annoncé, c'est une très bonne initiative, mais quel type de personnes va-t-on pouvoir toucher pour que cela serve aux clubs ? 

Et que vous disent les élus locaux ?

Ceux que je rencontre ne sont pas très optimistes. J'ai prévu dans mon programme d'aller vers le développement d'activités à caractère social, comme le sport-santé, l'inclusion, l'insertion, les pratiques en dehors des gymnases. Ce n'est pas évident de convaincre les dirigeants de clubs, mais, si j'écoute les élus, c'est ça qui va être financé dans l'avenir, et non pas la compétition.

Qui avez-vous rencontré durant votre tournée des collectivités ?

J'ai rencontré des élus de tous les conseils régionaux, sauf un, des élus départementaux et des maires de grandes villes, mais aussi de villes moyennes et petites, la plus petite comptant seulement quatre cents habitants et un club de basket de soixante-dix licenciés. D'une région à une autre, on va du simple au double en matière de financement. Certaines régions ont même tout arrêté. Les Pays de la Loire, c'est zéro centime pour le sport, Auvergne-Rhône-Alpes, c'est zéro centime en crédits de fonctionnement depuis deux ans pour les centres de formation ou les pôles espoirs. Côté communes, je sors d'un rendez-vous avec une mairie à laquelle l'État vient de demander de faire douze millions d'euros d'économies, alors qu'elle a cent associations sportives à financer. Or nous souhaitons que tous nos licenciés, quel que soit leur territoire, puissent avoir les mêmes conditions de pratique.

Quelle est la situation des équipements sportifs qu'utilisent vos clubs ?

Nous avons aujourd'hui un niveau d'arénas, comptant de cinq à douze mille places, que nous n'avions pas il y a vingt ans et cela nous permet de postuler plus facilement à l'organisation d'événements internationaux. Mais il y a énormément de gymnases, ceux qui servent à nos clubs amateurs, qui ont cinquante ans et n'ont pas été entretenus depuis vingt ou trente ans. Ce sont des gouffres énergétiques aussi bien l'hiver que l'été, il y a des fuites de partout. Les élus aux sports me disent qu'ils investissent énormément dans les gymnases, mais pas pour en construire de nouveaux, uniquement pour entretenir l'existant. Le président de l'Andes, Patrick Appéré, le dit : si on faisait la somme de tout ce que les villes ont mis pour entretenir les salles depuis quatre ou cinq ans, on aurait pu construire de nombreux gymnases neufs. En France, m'a dit un maire, nous avons la mauvaise habitude de construire des équipements neufs et de ne plus nous en occuper. Il n'y a pas d'entretien régulier, et quand on s'aperçoit qu'il faut entretenir, il faut pratiquement détruire et reconstruire. Ce maire veut voir des agents de la ville avec un pot et des pinceaux pour mettre un coup de peinture quand ça commence à s'abîmer. Si on entretient régulièrement, cela coûte moins cher. 

Le plan 5.000 équipements, lancé en 2021, visait à l'origine de petits équipements de proximité. Est-il adapté aux besoins de vos clubs ?

Ce plan a été une aubaine alors que le basket 3x3, qui est une discipline extérieure, est devenu olympique en 2017. Avec l'argent gagné grâce à l'organisation de l'Euro 2015, nous avons monté un plan "infrastructures" que nous avons présenté à l'Agence nationale du sport pour un cofinancement. Et alors que nous finissions ce plan "infras", le plan 5.000 est arrivé. Les collectivités avaient enclenché un travail de développement de terrains 3x3 et trouvaient intéressant que les jeunes adhèrent à ce qui allait être construit dans les quartiers. Nous avons amené un partenaire pour financer du design adapté au quartier. Les collectivités ont fait un travail énorme pour nous. Et quand une municipalité voulait faire un city stade, qui coûte un peu moins cher, je leur disais que le city stade ne permettrait pas de mixité, qu'il serait un ministade de football, alors que le 3x3 est mixte. Cette année, nous sommes à huit cents terrains de 3x3, et même si on n'a plus les mêmes sommes, il y a encore des collectivités qui veulent lancer des terrains de 3x3. C'est l'une des pistes pour que nos clubs trouvent des créneaux pour des activités hors compétition. Il reste à expliquer aux jeunes qui jouent toute la journée qu'on va bloquer le terrain pendant une heure pour du sport-santé ou de l'inclusion. Il y a une réflexion à engager.

Où en est-on de l'utilisation d'équipements sportifs scolaires par les clubs, que les ministères de l'Éducation nationale et des Sports veulent développer ?

Cela existe déjà dans beaucoup d'endroits, mais pas encore partout, car cela engendre beaucoup de contraintes. Quand on met à disposition un gymnase scolaire, cela pose des problèmes de sécurité. Il faut une personne pour ouvrir et fermer, cela entraîne des coûts de fluides. Dans certains cas, et cela ne nous aide pas, des clubs laissent la salle en mauvais état. En arrivant le lundi matin, les professeurs d'EPS vont voir le proviseur et leur disent que c'est fini. Il faut savoir cohabiter. Dans les écoles, il y a aussi des terrains extérieurs qui peuvent servir. Avec ces équipements, les régions font parfois de la subvention indirecte, sachant que le coût est d'environ quinze euros de l'heure, elles mettent la salle du lycée à disposition des clubs pour quelques euros et complètent de leur poche. Il y a des endroits où on pourrait faire plus, Île-de-France en tête. Il y a des tensions, des proviseurs ne veulent pas ouvrir leur lycée. Parallèlement, lors de la construction d'un établissement scolaire, des élus demandent que le gymnase soit édifié à côté du lycée, avec une connexion. Il y a une volonté des collectivités. Je sais qu'un travail est fait par la ministre des Sports, Marie Barsacq, avec l'Éducation nationale, comme par Amélie Oudéa-Castéra avant elle. Mais c'est un panier de crabes. Si le ministère dit oui et que le rectorat dit non, c'est non. Ce n'est pas si simple, mais il y a des endroits où cela marche très bien, notamment dans les villes moyennes.

Si vous deviez adresser un message aux collectivités, quel serait-il ?

Je préfère être président d'une fédération qu'adjoint aux sports dans une ville. Quand il faut aller voir les associations pour leur dire qu'il n'y a plus de subventions, cela demande du courage. Avec les élus et toutes les fédérations, nous devons nous serrer les coudes pour défendre notre sport. Les maires et les adjoints sont sur le terrain, ils sont inquiets. Ils savent très bien que si demain le sport recule dans les quartiers, il va y avoir d'autres problèmes. Quand un club s'occupe de deux cent cinquante jeunes toute l'année, sans régler tous les problèmes, cela permet tout de même de les éduquer au respect des règles. Sans faire la révolution, il faut qu'on se fasse entendre.

 

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