Justice : un avant-projet de loi pour une "sanction utile, rapide et effective"

Le garde des Sceaux a dévoilé à la presse, ce 28 juillet, les grandes lignes de son avant-projet de loi "Sure", visant "à assurer une sanction utile, rapide et effective". Le texte ne devrait être examiné qu’à l’automne, au mieux.

"Alors que les juges correctionnels prononcent toujours plus de peines d’emprisonnement toujours plus longues, une peine de prison ferme sur deux n’est jamais exécutée en prison. 41% des 93.000 peines de prison prononcées en 2024 sont aménagées ou converties avant toute incarcération." Tel est le constat dressé, ce 28 juillet, par le ministre de la Justice, en présentant les grandes lignes de son futur projet de loi "visant à assurer une sanction utile, rapide et effective", qui devrait être déposé au Parlement à l’automne. Une "véritable révolution pénale", assure Gérald Darmanin, qui entend par là même répondre aux "deux graves crises majeures qui touchent la justice française : une grave crise de confiance dans l’effectivité des peines et leur délai d’exécution ; une très dangereuse incapacité progressive à juger les crimes les plus graves dans des délais raisonnables".

S’assurer qu’une peine soit prononcée et pleinement exécutée

Premier objectif poursuivi, s’assurer d’abord qu’une peine soit prononcée par le tribunal, ensuite qu’elle ne soit pas modifiée ultérieurement (on notera néanmoins que seule la moitié des peines de prison prononcées en 2024 ont été aménagées ou converties par un juge d’application des peines) et, enfin, qu’elle soit exécutée, "et dans les meilleurs délais".

Pour y parvenir, le texte qui, à ce stade, comporte dix articles, reprend nombre d'annonces égrainées au cour de ces derniers mois. Il prévoit notamment : de supprimer la dispense et l’ajournement de peine ; de rétablir la possibilité de prononcer des peines de prison inférieures à 1 mois ; de réserver le sursis simple aux seuls primodélinquants (casier judiciaire vierge) ; de révoquer automatiquement (sauf décision expresse et motivée du juge) ce dernier en cas de commission de nouvelle infraction ; de revenir sur le principe de l’aménagement obligatoire de la peine et de supprimer ce dernier pour les étrangers interdits de territoire ou encore de supprimer les possibilités de conversion de la peine.

L'avant-projet entend encore généraliser la possibilité de prononcer des mandats de dépôt et d’arrêt indépendamment du seuil de peine prononcé, rendre obligatoire l’incarcération en cas de non-paiement de la peine de jour-amende et intégrer le trouble à l’ordre public dans les critères de la détention provisoire délictuelle.

Il prévoit en outre une habilitation à légiférer par ordonnance pour refondre l’échelle des peines (de 235 peines existantes à ce jour à 4 sanctions : l’emprisonnement, la sanction financière, la probation, les interdictions/obligations) et instaurer des "peines minimales" (pour ne pas dire "plancher"). Un recours à l’ordonnance justifiée par les plus de 1.700 infractions concernées.

Accélérer les procédures

Second objectif recherché, "fluidifier l’audiencement et rationaliser les audiences", notamment afin d’éviter que des délais trop longs "emportent, à terme, un risque de remise en liberté d’accusés particulièrement dangereux ou des prévenus placés en détention provisoire en trop grand nombre".

Pour ce faire, l'avant-projet prévoit notamment de simplifier le jugement des crimes reconnus (le "plaider-coupable criminel"), via une procédure permettant au procureur, si non opposition de la victime, de proposer à l’accusé une peine qui ne pourra être supérieure aux deux tiers de la peine encourue. Il entend également assouplir les contraintes pesant aujourd’hui sur la composition des formations de jugement ou la location des procès criminels (notamment en facilitant leur organisation dans des tribunaux judiciaires qui ne sont pas siège de cour d’assises). Les cours criminelles départementales (CCD) seraient également renforcées, comme le recommande le rapport d’information des députés Pascale Bordes (RN, Gard) et Stéphane Mazars (EPR, Aveyron) sur l'évaluation de ces cours instituées à titre expérimental en 2019 pour désengorger les cours d'assises, avant d'être généralisées en 2023. Seulement elles ont été rattrapées par les conséquences du "phénomène Me Too" qui a engendré une explosion des plaintes pour viols, constatent les deux députés. Si bien qu'il est "impossible de déterminer le nombre exact de dossiers qui auraient été jugés par les cours d’assises en 2024 si les CCD n’avaient pas été instituées".

Examen à l’automne, si tout va bien

Le texte n'est pas figé puisque de nouvelles consultations reprendront fin août. Restera ensuite à trouver une place dans le calendrier parlementaire pour ce texte qui ne manquera pas d’être vivement discuté. Il pourrait être examiné à l’automne par le Sénat, et début 2026 à l’Assemblée. Sauf censure d’ici là.

 

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