La Commission européenne veut renforcer les compétences numériques des Européens

La Commission européenne a présenté le 18 avril deux propositions de recommandations du Conseil afin de renforcer les compétences numériques des Européens, jugeant insuffisants les investissements des États membres en matière d’éducation et de formation dans ce domaine.

"Seuls 54% des citoyens âgés de 16 à 74 ans de l’Union européenne possèdent les compétences numériques de base. Plus d’un tiers de la main d’œuvre n’a pas les compétences numériques requises par la plupart des emplois", déplore la Commission européenne. Un constat d’autant plus alarmant qu’elle estime qu'"environ 90% des emplois" nécessiteront à l’avenir de telles compétences (notre article du 12 décembre). Et ce, alors que les 9 millions d’employés aujourd’hui spécialistes des technologies de l’information et de la communication (TIC) sont déjà insuffisants pour répondre aux besoins du marché du travail. Aussi, jugeant que "les États membres peinent encore à atteindre des niveaux suffisants d’investissement dans les infrastructures d’éducation et de formation numériques, les équipements et les contenus éducatifs numériques, la formation des enseignants et du personnel", la Commission vient d’adopter ce 18 avril 2023 deux propositions de recommandations du Conseil pour accélérer le mouvement.

Quatre défis à relever 

La première proposition de recommandation définit "les facteurs clés d’une éducation et d’une formation numérique réussies". La Commission y dresse les quatre principaux défis que doivent relever les États membres et esquisse les solutions qu’ils devraient mettre en œuvre, dans le cadre d’une stratégie nationale à définir. Cette dernière devra être en adéquation avec les principes formulés dans la recommandation et avec les priorités stratégiques définies par le plan d’action 2021-2027 de l’UE en matière d’éducation numérique. Elles devront en outre être retranscrites dans les feuilles de route que les États membres doivent adopter dans le cadre du programme d’action Décennie numérique de l’Europe 2030

Première difficulté à résorber, l’absence de synergies au sein des gouvernements nationaux. La Commission insiste sur la nécessité d’une action coordonnée entre les différents ministères – notamment ceux chargés des infrastructures, des finances et de l’enseignement. Une coordination qui, dans les États membres décentralisés, doit également s’étendre aux autorités locales. Deuxième écueil, l’absence de stratégie d’investissement dans les infrastructures, équipements et contenus numériques. La Commission relève que 11% seulement des élèves européens du primaire bénéficient d’une vitesse de connexion supérieure à 100Mbps, loin de l’objectif d’1Gbps minimum pour toutes les écoles en 2025 fixé en 2016. Pis, seulement 61% des écoles primaires bénéficieraient d’un équipement informatique opérationnel, taux qui atteint 73% dans le secondaire (la France ne faisant pas exception – notre article du 28 juillet). Troisième obstacle à surmonter, une formation insuffisante des enseignants. Moins de la moitié de ceux interrogés rapportent que leur formation initiale incluait les compétences numériques, et 39% seulement s’estiment bien préparés à l’utilisation des technologies numériques pour enseigner. Enfin, dernière faiblesse à corriger, une absence de suivi et d’évaluation des politiques publiques conduites en la matière. Rappelons que le ministre de l’Éducation nationale français a récemment présenté une stratégie numérique pour l’éducation 2023-2027 dont les objectifs répondent en partie à cette feuille de route, et qui souligne notamment la nécessité d’un partenariat avec les collectivités (notre article du 27 janvier).

Améliorer l'offre de compétences

La seconde proposition vise à "améliorer l’offre de compétences numériques dans l’éducation et la formation". La Commission identifie ici deux principaux challenges à relever et ce, à tous les stades de la formation – qu’elle soit scolaire, universitaire, continue... D’une part, le manque de personnel enseignant spécialisé dans le domaine informatique ou les autres matières liées au numérique. Un manque qui tient pour la Commission au faible nombre de personnes initialement formées, à la difficulté de les conserver alors qu’elles sont "plus facilement attirées par les offres plus compétitives du secteur privé" ou encore à l’insuffisance des programmes de perfectionnement et de formation continue. D’autre part, l’absence d’une démarche globale garantissant une articulation et une progression des formations numériques dispensées tout au long de la vie. Là encore, la Commission recommande que les États membres se dotent d’une stratégie nationale, toujours en adéquation avec les programmes précédemment mentionnés. Dans le détail, la Commission recommande notamment que toutes les écoles participent à la Semaine européenne du code, moyen d’entrée pour favoriser l’intégration d’éléments informatiques comme le codage dans les pratiques pédagogiques quotidiennes (lire encadré). Elle invite également à la conclusion de partenariats entre secteurs privés et publics – collectivités en tête – pour concevoir et mettre en œuvre des programmes et initiatives répondant à des besoins spécifiques d’apprentissage des adultes, alignés sur les besoins locaux.

Les filles aussi peuvent coder !

"Le secteur souffre d’un grave déséquilibre entre les sexes, 81% des spécialistes des TIC sont des hommes. Encourager davantage de femmes à travailler dans ce domaine est d’une importance cruciale pour lutter contre la ségrégation entre les sexes et remédier aux pénuries de personnel", souligne la Commission européenne. En France, des acteurs s’y emploient, à l’image de l’association étudiante Prologin et son programme Girls can code ! – stages d’initiation à la programmation gratuits organisés pour les collégiennes et lycéennes –, notamment soutenue par la ville du Kremlin-Bicêtre. L’association – récemment lauréate de l’appel à projets "Numérique inclusif, numérique éducatif" de la Banque des Territoires, ouvert aux collectivités – organise des stages, d’un week-end ou d’une semaine, dans toutes les villes de France (récemment à Blois, et prochainement à Rennes, Strasbourg, Lille, Béziers…). Au-delà de l’initiation, l’initiative vise à faire prendre conscience aux jeunes filles qu’elles sont tout aussi aptes que les garçons en la matière, et que le secteur n’est pas réservé aux hommes. L’association leur permet également de rencontrer des "femmes inspirantes", ayant réussi dans le numérique, pour partager leurs expériences et témoigner des opportunités offertes. Lors du dernier congrès de Régions de France, Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire avait souligné que le phénomène de "désertion des femmes"  touchait également l’industrie (notre article du 16 septembre).

 

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