La Commission veut dégager le chemin des énergies renouvelables, désormais prioritaires
Dans une nouvelle recommandation visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, jugé d’intérêt public supérieur, la Commission européenne demande aux États membres de simplifier les procédures administratives, y compris environnementales, de coordonner les différentes autorités, de renforcer les moyens de ces dernières et de dresser la liste – la plus large possible – des sites "propices" aux EnR. Pour favoriser le consentement du public, réticent, il est également préconisé de l’associer davantage aux bénéfices de ces projets.
Annoncée dans le cadre du plan REPowerEU présenté le 18 mai dernier (voir notre article), la recommandation de la Commission visant l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables (EnR) et la facilitation des accords d’achat d’électricité a été publiée au Journal officiel le 25 mai. La Commission y dénonce une nouvelle fois "la complexité, la diversité et la durée excessive" de ces procédures (voir pour la France le dernier baromètre Observ’ER), considérées comme un "obstacle majeur au déploiement rapide, indispensable" d’EnR jugées essentielles dans la lutte contre les gaz à effet de serre et "pour mettre un terme aux prix élevés de l’énergie". Une nouvelle fois car la Commission, par des directives de 2009 puis de 2018, avaient déjà imposé des exigences de simplification de ces obstacles identifiés dès la directive de 2001 visant la promotion de l’électricité à partir de sources EnR. La Commission souligne d’ailleurs que la transposition "complète et rapide" de la directive de 2018 "constitue une priorité et une urgence absolues". Et ce d’autant que ces "obstacles administratifs" ont "gagné en importance du fait de l’aplanissement d’autres obstacles, tels que les coûts technologiques (...) ou les problèmes de financement".
Rationnaliser, coordonner et renforcer les différentes autorités
Aussi, avant une nouvelle révision de la directive de 2018, lancée concomitamment, la Commission demande aux États membres de veiller à ce que ces projets – de la planification aux installations de stockage – "soient présumés relever d’un intérêt public supérieur et d’un intérêt de sécurité publique et puissent bénéficier de la procédure la plus favorable".
Elle les convie également à "rationnaliser et coordonner de manière efficace les rôles et responsabilités des autorités compétentes aux niveaux national, régional et municipal" et rappelle la nécessité de désigner un point de contact unique pour l’octroi des permis (un point de contact chargé de suivre régulièrement les principaux goulets d’étranglement de ces procédures et de résoudre les problèmes rencontrés par les promoteurs étant également souhaité).
Elle prône encore des délais "clairement définis, accélérés et aussi court que possibles pour toutes les étapes", de préciser les cas justifiant d’éventuelles prolongations, et de fixer dans tous les cas des délais "maximaux contraignants pour toutes les étapes pertinentes". Les procédures, "entièrement numériques", devraient en outre être "claires, complètes et transparentes" pour les demandeurs dès le début de la procédure, et ce en couvrant toutes les étapes jusqu’aux "procédures de réclamation" – un manuel de procédure doit être proposé en ligne. Des règles contentieuses spécifiques sont également souhaitées, ainsi que la possibilité pour les demandeurs de mettre à jour leurs spécifications technologiques en cours d’examen du dossier afin de favoriser l’innovation.
Les États membres sont également invités à veiller à ces que les différentes autorités chargées de l’octroi de permis et de l’évaluation des incidences sur l’environnement "disposent d’effectifs suffisants et adéquats, dotés des compétences et des qualifications requises" (une difficulté mise en avant lors du dernier sommet Climate Chance – voir notre article du 10 mars) et à introduire la règle selon laquelle le silence de ces dernières vaut acceptation.
Recensement des sites "propices" aux EnR
La Commission appelle par ailleurs à l’extension du domaine des EnR. Par le bas, en préconisant "de limiter au minimum nécessaire les ‘zones d’exclusion’", une "justification motivée" devant être apportée pour les restrictions liées à la distance par rapport aux zones résidentielles et aux zones d’aviation civile ou militaire. Mais surtout par le haut, en demandant aux États membres de "rapidement recenser" les zones terrestres et maritimes "particulièrement adaptées au développement des EnR", à la mesure des objectifs qu’ils doivent atteindre d’ici 2030, "tout en évitant autant que possible (nous soulignons) les zones présentant une valeur environnementale et en donnant la priorité, entre autres, aux terres dégradées non utilisables pour l’agriculture". Les États sont de surcroit appelés à "rationnaliser les exigences" en matière d’évaluation des incidences sur l’environnement. La Commission les invite même explicitement à "veiller à ce que la mise à mort ou la perturbation d’espèces données d’oiseaux sauvages et d’espèces protégées (…) ne fasse pas obstacle au développement de projets" EnR. Non sans donner ainsi corps à la notion "d’intérêt supérieur" précédemment évoquée… et confortant la thèse du "climat qui cache la forêt" de Guillaume Sainteny.
Répartition "juste"
Consciente que "le manque d’adhésion" – fine litote – du public à ces projets constitue un "autre obstacle important", la Commission appelle par ailleurs à "assurer une répartition juste des différentes incidences des installations au sein de la population locale". Un diagnostic dressé naguère par le Cese (voir notre article du 24 mars). Les États membres devraient "encourager les citoyens, y compris les ménages à faible et moyen revenu, et les communautés d’énergie à participer aux projets" et "prendre des mesures pour encourager le transfert des avantages de la transition énergétique aux communautés locales", estime la Commission. Notamment via des procédures simplifiées d’octroi de permis au bénéfice des communautés d’énergie renouvelable, y compris pour le raccordement de leurs installations, et via la réduction au minimum des procédures et exigences d’octroi de licences de production, y compris pour les autoconsommateurs d’énergies renouvelables.
Le rôle que pourrait jouer en la matière les collectivités (voir notre article du 25 janvier), récemment promu en France (voir notre article du 8 novembre), même si les obstacles restent nombreux (voir notre article du 16 novembre), n’est en revanche pas évoqué.
Les États membres sont de manière générale invités à faciliter le raccordement au réseau, notamment en prévoyant des investissements compatibles avec l’expansion prévue des capacités de production d’EnR. Ils sont également appelés à supprimer tout obstacle administratif ou commercial injustifié aux accords d’achat d’énergie renouvelable par les entreprises, et même à mettre en œuvre des régimes d’aides compatibles avec ces accords.
Les États membres devront adresser à la Commission, tous les deux ans à compter de mars 2023, un point sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces différentes préconisations.