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La garantie des collectivités, rouage essentiel du logement social

Lorsqu’un bailleur social sollicite un prêt auprès de la Banque des Territoires dans le cadre d’une opération de construction ou de réhabilitation de logements, la collectivité où est implanté le projet est appelée à fournir une garantie financière. Un prérequis parfois jugé contraignant, et pourtant indispensable pour assurer et pérenniser la robustesse du modèle français de financement du logement social. Chaque jour, la Banque des Territoires s’engage aux côtés des collectivités garantes pour les accompagner dans la compréhension et le suivi de leurs engagements.

Un dispositif sans incidence sur les ratios prudentiels des collectivités
 

Les collectivités craignent parfois que les garanties accordées n’oblitèrent leur capacité à garantir d’autres opérations, et ou du moins ne dégradent leurs ratios de santé financière. Il existe en effet trois principes inscrits au code général des collectivités concernant les garanties accordées : plafonnement des engagements, plafonnement par bénéficiaire, division du risque. Ces trois principes sont associés à trois ratios prudentiels, dits ratios Loi Galland. Cela dit, « les garanties accordées dans le cadre du logement social n’entrent pas en compte dans le calcul de ces plafonds et n’affectent donc pas la capacité de la commune à soutenir d’autres projets », explique Bérénice Bouculat, Responsable du service Logement social et réaménagement à la Banque des Territoires.

Un modèle qui a largement prouvé son utilité

A quoi sert alors cette garantie ? Elle est indispensable, car le financement du logement social repose sur… l’épargne des Français – le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le livret d’épargne populaire (LEP), en l’occurrence. C’est cette épargne de court terme des ménages que la Banque des Territoires « transforme » en financements de très long terme (jusqu’à 80 ans) qui alimentent les opérations de construction et de réhabilitation du logement social. De là vient l’obligation de n’accorder que des prêts s’ils sont garantis à hauteur de 100%, et la première garantie attendue est celle des collectivités locales, qui définissent les politiques de l’habitat au niveau local.

Ce modèle a largement prouvé son utilité. Premièrement, il optimise le coût des opérations, car la garantie est gratuite pour le bailleur. Par ailleurs, la garantie de la collectivité permet à la Banque des Territoires de mener une politique de non-discrimination : quel que soit le profil du bailleur ou du territoire concerné, à nature égale, les projets sont financés au même taux d’intérêt. Alors que l’échelon local joue un rôle croissant dans les politiques de l’habitat, des aides à la pierre aux permis de construire, la garantie est aussi un signal fort pour les bailleurs, qui y voient un engagement des élus dans les politiques sociales de leur territoire. « Enfin, et ce n’est pas un détail, la garantie offre à la commune un droit de réservation sur les logements produits » : elle peut définir pour ces logements les profils de locataires prioritaires, en fonction des spécificités du territoire.

 

Le modèle français extrêmement robuste face aux crises


« La France a été un des seuls pays au monde où, pendant la crise financière et économique de 2008, les bailleurs sociaux ont continué à construire et réhabiliter à un rythme soutenu », constate Bérénice Bouculat. Pendant cette crise, le logement social s’est en effet illustré comme un secteur contracyclique, et même protégé des crises de marché. Les collectivités qui s’étaient portées garantes n’ont pas eu à intervenir. Plus près de nous, la réforme des aides au logement entamée en 2018, la consolidation croissante du secteur liée notamment à la loi ELAN ou encore la crise sanitaire de 2020 et ses impacts économiques et sociaux ont encore montré toute l’efficience du dispositif de garantie publique. En 2018, la Banque des Territoires a pu mettre en place un plan d’allongement de la dette pour 13 milliards d’euros auprès de 300 organismes, déployé en trois mois. Une force de frappe liée au fait que la majorité des encours du secteur est placée dans les livres de la Banque des Territoires. En 2020, la Banque des Territoires a souscrit des titres participatifs (quasi-fonds propres) auprès de certains bailleurs afin de renforcer leur capacité d’investissement en réhabilitations ou constructions neuves...

Les mairies demandent : "s’il y a si peu de risques, pourquoi nous demander une garantie ?"

Il faut dire que de manière structurelle, les bailleurs sociaux sont extrêmement réglementés, surveillés et protégés dans notre pays, afin justement de préserver leur activité, essentielle, des aléas de marché. Leurs fédérations ont un rôle important d’autocontrôle et utilisent des mécanismes d’alerte quant aux comptes financiers de leurs adhérents. Ensuite, l’ANCOLS (Agence nationale de contrôle du logement social) réalise chaque année des contrôles approfondis sur un échantillon de bailleurs. Enfin, la Banque des Territoires elle-même mène annuellement un travail de prospective à long terme sur chaque client– cela nous permet de détecter les éventuels emprunteurs en difficulté pour alerter et contribuer à les redresser en amont. Au-delà de nos propres outils, la CGLLS (Caisse de garantie du logement locatif social) est un organisme public spécifiquement habilité à accompagner les structures en difficulté à travers des protocoles spécifiques.

Pour toutes ces raisons, la sinistralité dans le secteur du logement est négligeable« Les collectivités nous demandent alors « justement, s’il y a si peu de risques, pourquoi nous demander une garantie ? », relate Bérénice Bouculat. « Mais il faut prendre les choses dans l’autre sens : c’est grâce à cet écosystème protecteur dont la garantie des collectivités est un élément essentiel, et parce que sont mis en place tous ces dispositifs d’alerte et d’accompagnement des bailleurs que le risque est si faible ! ».

 

Et demain ? Le monde change, la garantie évolue


Les fondamentaux sont donc solides. Néanmoins, les besoins des bailleurs et des garants évoluent.  Ainsi la Banque des Territoires a-t-elle pris un tournant depuis quelques années dans son accompagnement. « Tout en conservant notre principe de mutualisation des risques et de non discrimination entre nos emprunteurs, nous nous orientons de plus en plus vers des dispositifs au cas par cas et des solutions sur mesure », explique Bérénice Bouculat. Alors qu’historiquement les offres étaient proposées à l’ensemble des bailleurs de manière standard en fonction de grands types de projet, nous développons de manière croissante des dispositifs ad hoc à l’échelle d’un ou plusieurs bailleurs.

Du standard au sur mesure, parce que le monde change

Ainsi, une équipe d’experts au siège, en lien avec les directions régionales qui ont la relation de proximité avec les bailleurs, met en place des protocoles de réaménagement de la dette afin de répondre aux besoins des bailleurs - améliorer les marges de manœuvre d’un bailleur, fixer une partie de sa dette à taux fixe, lisser ses annuités, etc. Ce type de mesures a représenté 7,3 milliards d’euros de dette réaménagée en 2019.

En Pays de la Loire, certains bailleurs ont voulu se regrouper pour expérimenter une technique innovante de rénovation énergétique appelée EnergieSprong, qui nécessite un effet volume important pour être rentable et efficace. Afin de contribuer à la massification de telles solutions dans les régions, nous avons assemblé et adapté des offres existantes (éco-prêt au maximum de la grille, Prêt à l’amélioration à taux fixe ouvert aux étiquettes C, Prêt haut de bilan réallocation augmenté à 10 000 euros par logement), si bien qu’une offre de prêt sur mesure a été émise à l’été 2020. Le projet a été lancé en octobre 2020 pour 1 700 logements sociaux.

Ces innovations financières apportent probablement une certaine complexité dans les dossiers de financement soumis aux collectivités publiques et pour lesquels leur garantie est sollicitée. « Typiquement », remarque Bérénice Bouculat, « des caractéristiques telles que des différés d’amortissement sur 20 ans sont parfois assimilées à du prêt in fine et peuvent faire craindre un « mur de la dette » dans quelques années. A tort, car ces prêts sont ensuite amortis sur 10 ou 20 ans. De plus, nous examinons chaque demande afin de nous assurer de la capacité de remboursement de l’emprunteur sur un horizon de très long terme ». Les directions régionales de la Banque des Territoires sont présentes aux côtés des élus et de leurs équipes pour les guider à travers ces subtilités et répondre à leurs interrogations. Sur leur espace en ligne, les encours garantis sont déjà actualisés quotidiennement, consultables selon de multiples axes (bénéficiaires, index du taux, etc.) pour davantage de clarté et exportables vers les tableaux de bord et outils de gestion des collectivités. Un projet de dématérialisation du processus de garanties est également en cours, afin de réduire le recours au papier, et fluidifier les échanges entre les parties prenantes. Autant de manières d’affirmer notre engagement en faveur du logement et de ceux qui le portent.

Bérénice Bouculat

Responsable du service logement social et réaménagement, Direction des prêts, Banque des Territoires