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Sécurité - La Loppsi 2: un sentiment d'inachevé

Deux élus, un sénateur et un député, reviennent pour Localtis sur le compromis trouvé par la Commission mixte paritaire le 26 janvier. Des déceptions parfois contradictoires.

L'accord sur le projet de loi sur la sécurité intérieure Loppsi 2, trouvé par la Commission mixte paritaire (CMP) le 26 janvier, reprend plutôt la position de l'Assemblée nationale. Elle reste donc teintée par le discours de Grenoble de cet été, malgré la tentative du Sénat de l'adoucir. Sénateurs et députés s'en sont surtout tenus aux questions d'ordre pénal, avec notamment la question des peines planchers. Jusqu'ici réservées aux récidivistes, ces peines seront désormais appliquées aux primo-délinquants, comme le souhaitaient les députés, mais pour les violences aggravées punies de plus de 7 ans. Un compromis puisque les députés voulaient retenir les peines de 3 ans et les sénateurs seulement les crimes les plus graves passibles de 10 ans de prison. La CMP est également revenue sur le couvre-feu applicable aux mineurs : le couvre-feu général est décidé par le préfet comme le souhaitait l'Assemblée. En revanche pour le couvre-feu individuel, c'est le juge des enfants qui décidera.
En matière de vidéoprotection, gros volet du projet de loi qui vise notamment à accélérer la mise en oeuvre du plan national d'équipement, la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) pourra bien exercer son contrôle a posteriori comme le souhaitait le Sénat mais elle n'aura pas le pouvoir d'avertissement public qu'elle aurait exercé en cas de manquement de l'opérateur. Voilà pour les dernières grandes modifications avant le vote définitif du texte par les deux assemblées prévu le 8 février.

"Cela s'est très mal terminé"

Reste que la Loppsi 2 souvent présentée comme un "fourre-tout" laisse un goût amer chez de nombreux élus. "Elle apparaît superfétatoire à l'ensemble des élus locaux, estime même le sénateur-maire socialiste de Saint Herblain (Loire-Atlantique), Charles Gautier, par ailleurs président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Il n'y a aucune orientation, aucune programmation, aucune performance." Sur la question de la Cnil, le sénateur juge que "cela s'est très mal terminé". "La Cnil rentre dans une zone de turbulence, son avenir est assez incertain", va-t-il jusqu'à dire, allusion à un rapport provisoire de la Cour des comptes qui critique "une présentation objective et rigoureuse de ses missions" et "révèle diverses insuffisances, voire certaines dérives". Mais surtout, en donnant de nouvelles prérogatives à la police municipale - le texte prévoit notamment d’accorder la qualité d’agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale de plus de 40 agents -, la Loppsi 2 risque d'entretenir un climat de tension sur le terrain. "Ce que tout cela cache, c'est une façon insidieuse de transférer des compétences sur les collectivités. Il serait grand temps d'avoir un vrai débat sur le partage des compétences entre l'Etat et les collectivités sur le sujet de la sécurité", estime le sénateur, relayant une demande récurrente des associations d'élus rejointes depuis par le Conseil national des villes (CNV).

Malentendu

Le député-maire UMP de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) Bernard Reynès est lui aussi déçu... pour des raisons parfois opposées. Sa proposition de conditionner les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance à la mise en oeuvre de loi du 5 mars 2007 a été écartée par les sénateurs en seconde lecture et ne sera donc pas retenue. De même que la création des cellules de citoyenneté et de tranquillité publique (CCTP). "J'aurais aimé que figure dans la loi cette notion de stratégie différenciée selon la typologie des communes, qu'elles aient plus de 20.000 habitants, moins de 20.000 habitants et moins de 10.000 habitants", regrette le député. Son idée était de compléter la gamme des outils existants - conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et conseil des droits et devoirs des familles - en permettant aux communes de petite taille de se doter d'une cellule, plus souple à mettre en oeuvre. "Les CCTP ne sont pas remises en question, je reste persuadé qu'elles ont un bel avenir, estime-t-il alors qu'une centaine de ces cellules sont en train de voir le jour dans les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse. Après avoir remis au Premier ministre un rapport sur le sujet en décembre, il aura l'occasion de s'en entretenir prochainement avec lui.
Concernant le FIPD, il y a eu un malentendu, estime Bernard Reynès. Et de mettre dos à dos le Sénat en tant que représentant des collectivités et l'Association des maires de France qui ne s'est pas saisie du sujet comme il l'aurait souhaité. "Ceux qui disent que le fonds est siphonné par la vidéoprotection, je voudrais que ce ne soient pas les mêmes qui ont voté contre ma disposition qui allait dans le sens de leur préoccupation : éviter les saupoudrages et déplacer progressivement le curseur vers les autres actions de prévention." Mais selon le député le combat n'est pas terminé. L'un des enjeux à venir est celui de la dotation du FIPD (35 millions d'euros en 2011), jugée "bien trop faible". Sur la mission confiée à Jean-Marie Bockel pour redynamiser la loi du 5 mars 2007 et le plan d'octobre 2009 relatifs à la prévention de la délinquance, "tout dépend de l'esprit dans lequel cette nouvelle mission va travailler, il faut éviter la confusion et le bavardage", prévient le député. "Quand vous regardez généralement les propositions qui sont faites, elles ne visent que les grandes villes et demandent une capacité d'expertise. Pour une fois, il faudrait s'intéresser à l'écrasante majorité des villes qui rencontrent tout autant de problèmes, notamment en matière de troubles à la tranquillité publique." Une façon de réintroduire son idée de CTTP.