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Aménagement du territoire - La réforme de la carte judiciaire devrait se poursuivre avec les cours d'appel

C'est un des chantiers du quinquennat de Nicolas Sarkozy qui avait fait le plus de bruit : la réforme de la carte judiciaire menée tambour battant entre 2007 et 2011 est "porteuse d'effets positifs" et doit être poursuivie, estime la Cour des comptes, dans son rapport annuel publié mercredi 11 février.
Portée par l'ancien garde des Sceaux Rachida Dati, la réforme avait provoqué la colère des personnels des tribunaux mais aussi des élus locaux qui avaient dénoncé l'absence de concertation, de débat parlementaire et un "déménagement du territoire". Pourtant, malgré "les critiques qu'elle a pu susciter dans un premier temps, et ses inévitables imperfections", cette nouvelle carte témoigne que "la réforme d'un grand service public est possible".
Au total, cette nouvelle carte s'est traduite par la suppression de près d'une juridiction sur quatre, dont 23 tribunaux de grande instance (TGI) et de première instance sur 186, et 178 tribunaux d'instance sur 473. "C'est la plus importante réforme administrative depuis 1958", se félicite la Cour.

Maillage territorial

En termes de maillage territorial, l'apparition de "déserts judiciaires" n'est pas "démontrée" : "les zones les moins dotées correspondent également aux zones les moins peuplées", observe-t-elle. La Cour reconnaît cependant que les alternatives trouvées comme les maisons de la justice et du droit (MJD) de nouvelle génération ou les guichets uniques des greffes n'ont pas prouvé leur efficacité. Dans ces nouvelles maisons fonctionnant uniquement avec des agents mis à disposition par les collectivités (sans greffiers), l'activité est trois fois plus faible que dans les MJD plus anciennes. L'activité y est surtout tournée vers l'accès au droit et elles ne remplissent qu'à la marge "un rôle de présence judiciaire de proximité". Lorsqu'elles traitent du judiciaire, elles font essentiellement du pénal alors que les tribunaux d'instance qu'elles sont censées compenser traitent les affaires civiles. Peu utilisées, les "bornes visio-justice" n'ont par ailleurs pas prouvé leur utilité.
En termes financiers, le coût de la réforme s'est avéré moindre que ce qui était envisagé : 413 millions d'euros (dont 329 millions d'euros pour le volet immobilier) contre 457. La "rationalisation des surfaces" a également permis des économies de fonctionnement de 9 millions d'euros par an.

Nouvelle carte des cours d'appel

La Cour invite le gouvernement à aller plus loin et recommande de revoir à présent la carte des cours d'appel, non touchées jusqu'ici, et de la caler sur la nouvelle carte des régions, voire sur la carte interrégionale déjà retenue par les autres réseaux du ministère de la Justice. Elle propose aussi de continuer la refonte de la carte des tribunaux de commerce et d'améliorer le fonctionnement des maisons de la justice et du droit.
Dans sa réponse, la ministre de la Justice Christiane Taubira ne partage pas les conclusions de la Cour et estime que la réforme au contraire "entraîne une importante dégradation de l'accès au droit des justiciables, conduisant à réduire le nombre de saisine du juge dans certains territoires". Sur la base du rapport de Serge Daël, président de la Commission d'accès aux documents administratifs, qu'elle avait commandé fin 2012, la ministre avait ainsi décidé la réouverture des tribunaux de grande instance de Tulle (l'ancienne ville de François Hollande), Saumur et Saint-Gaudens, et la création de chambres détachées de Guingamp, Dôle, Marmande et Millau. Ces créations ou réouvertures sont effectives depuis septembre 2014.
Par ailleurs, des "services d'accueil uniques" sont expérimentés dans le ressort des TGI de Bobigny, Dunkerque, Brest Privas, Saint-Denis de La Réunion. Enfin, chaque MJD devrait voir le renfort d'un greffier. Cette expérimentation sera étendue en avril 2015 avant d'être généralisée.
Christiane Taubira a également informé qu'un projet de loi serait prochainement déposé pour créer des tribunaux de commerce spécialisés dans les affaires les plus sensibles et dépassant le strict cadre local. Favorable à une "diminution" du nombre de cours d'appel, elle ne précise pas si elle suit la Cour dans sa recommandation. Enfin, le Conseil national de l'aide juridique verra ses compétences élargies pour évaluer les besoins des territoires en matière de justice et de droit.