L'assurance habitation doit s'adapter à l'évolution des risques climatiques, selon un nouveau rapport
Il faut ouvrir le débat sur le système d'assurance des logements des Français face à l'évolution des risques climatiques, conclut un rapport publié ce 12 juin par le haut-commissariat à la Stratégie et au Plan (HCSP).

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Inondations, cyclones, sécheresses... Les récents "événements d'ampleur exceptionnelle" amènent à s'interroger sur "la capacité du système assurantiel à prendre en charge les dommages", observent les autrices du rapport sur la mutualisation des risques climatiques du haut-commissariat à la Stratégie et au Plan (HCSP) publié ce 12 juin. "C'est une question qu'on se posera à chaque catastrophe naturelle, donc c'est un débat qu'on doit avoir dès maintenant. C'est pour cela qu'on propose une conférence nationale sur le changement et les risques climatiques", a déclaré Mathilde Viennot, l'une des autrices du rapport, lors d'un point presse.
Pour le régime "catastrophes naturelles", le coût cumulé des sinistres a oscillé entre 1,8 et 2,3 milliards d'euros par an en moyenne entre 2019 et 2023, et pourrait atteindre jusqu'à 4 milliards d'euros par an en 2050. Dans ce dispositif, qui couvre les inondations, sécheresses et ouragans, l'État prend en charge la moitié des dommages, alors que ceux liés aux tempêtes, à la grêle et à la neige sont couverts par les assureurs. Ce système d'indemnisation, même s'il est globalement protecteur et solidaire, recouvre cependant des disparités territoriales (avec une faible couverture dans les territoires ultramarins) et des inégalités de prise en charge.
Trois scénarios en débat
Ce rapport propose donc trois scénarios pour faire évoluer l'assurance habitation, "des pistes que nous mettons dans le débat public", a déclaré Alice Robinet, seconde autrice du rapport, lors du point presse. "Dans le premier scénario, l'État va jouer un rôle de régulateur du marché de l'assurance. Dans le second, il est garant de l'ensemble des risques climatiques et dans le troisième, qui prévoit la socialisation des risques climatiques, il est assureur", a-t-elle poursuivi.
Cette dernière proposition correspond à une "Sécurité sociale climatique", avec une branche "zone inhabitable" rassemblant les "aléas à cinétique lente et probabilité forte", couvrant principalement les conséquences du recul du trait de côte, celles de l’érosion en montagne, ou encore les zones à risque certain (inondations par exemple), une "branche sécheresse" ("aléas à cinétique lente et probabilité faible", soit principalement les conséquences du retrait-gonflement des argiles) et une "branche météo" couvrant tous les autres aléas climatiques - tempêtes, orages, grêle, incendies non domestiques, neige ou cyclones, inondations de tout type (submersion marine, remontées de nappe, ruissellement, débordement de cours d’eau) – ainsi que les autres risques naturels, non liés au changement climatique, mais qui devront être pris en charge après disparition du régime Cat Nat (séismes ou éruptions volcaniques).
Par rapport à la situation actuelle, le surcoût du premier scénario s'élève à deux milliards d'euros et celui des deux autres, à cinq milliards d'euros chacun. Ce rapport permet de "poser la question de l'adaptation du système et du bon curseur entre privé et public", a résumé le Haut-commissaire Clément Beaune.
Propositions communes aux trois scénarios
Parmi les propositions du rapport, certaines sont communes aux trois scénarios. Le document recommande ainsi la mise en place d’une "cartographie précise, évolutive, commune et publique des risques climatiques sur le territoire (aléa, exposition, vulnérabilité, couverture assurantielle, retrait des assureurs, primes, etc.), avec obligation aux acteurs du secteur de remonter leurs données" et la création d’une "instance de concertation réunissant tous les acteurs de la mutualisation des risques, y compris les pouvoirs publics, les représentants des collectivités locales et les acteurs du marché au niveau national et/ou territorial dont les rôles seraient dépendants des scénarios". Il préconise aussi un calendrier de révision des plans de prévention des risques (PPR), "cohérent avec la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Traccc) et avec les projections climatiques", et l’instauration d’un "rythme de révision régulier, en s’assurant de la bonne concordance avec les autres documents de planification existants". Autre proposition : "réallouer de l’espace habitable en dehors des zones à risque élevé", grâce au "maintien de la procédure Barnier, intégrée au système, pour acquérir à l’amiable les habitations détruites à plus de 50% par un évènement climatique", à l’anticipation du besoin de relogement en cas de catastrophe naturelle, à la suppression des aides et à la taxation de la construction neuve dans les zones à risques où elle n’est pas interdite, "en modulant le cas échéant le montant de taxation en fonction de critères de résilience des constructions". Le rapport préconise aussi de "transférer les compétences de financement du Fonds vert sur la prévention des risques climatiques vers le fonds Barnier afin de privilégier le recours à un seul fonds" et de "renforcer la communication individuelle et collective sur les risques climatiques, afin de développer une ‘culture du risque’ dans les territoires concernés".
Nouveaux mécanismes de financement
Dans le deuxième scénario, le financement du système pourrait passer par "une contribution pour la prévention collective des risques climatiques, adossée à la taxe foncière, en justification du financement de la prévention collective et de l’adaptation de la commune", indique le rapport qui ajoute qu’une "contribution additionnelle pour les résidences secondaires et les logements vacants pourra être investiguée".
À noter, dans le troisième scénario, l'allocation d'une "subvention de prévention collective aux communes selon la cartographie (fixe) et selon leur niveau de sinistralité (variable)" et l'affiliation automatique de l’ensemble des ménages à ce système (propriétaires occupants, propriétaires bailleurs, propriétaires de résidences secondaires, locataires). Le rapport préconise d’asseoir le financement de ce système sur des ressources propres et affectées (cotisations climatiques), sur base cadastrale. Des "cotisations" dépendraient ainsi du statut d’occupation (locataire, propriétaire occupant, propriétaire bailleur), de la valeur du bien (tranches), suivant la même logique que la taxe d’habitation et la taxe foncière. Le système pourrait en outre être alimenté par un mécanisme supplémentaire de surcotisation pour les propriétaires de résidences secondaires et sur les logements vacants (avec une progressivité selon la durée de vacance) pour renforcer la redistribution via les recettes.
En cas de gestion publique, le document préconise de mettre en place une gouvernance locale, "par exemple des caisses départementales ou délégations locales, voire via l’Agence nationale de l’habitat (Anah), pour distribuer les indemnisations, recueillir les demandes d’indemnisation, servir de guichet unique pour la prévention et la réparation, organiser l’expertise à la suite d’un sinistre, l’accompagnement, le contrôle des réparations et des constructions nouvelles ou l’appui technique à la réparation et à la prévention".