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Le département tenu de prendre en charge l'hébergement des mères isolées, même dans une structure non habilitée

Dans une décision du 1er juillet, le Conseil d'État précise et élargit les obligations des départements en matière d'hébergement et de prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées. Cette décision s'inscrit dans le prolongement d'autres jugements du même type encadrant les obligations des départements, tout particulièrement en matière d'aide sociale à l'enfance.

En l'espèce, l'Aidaphi (Association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées) avait obtenu du tribunal administratif d'Orléans, par un jugement de juin 2017, la condamnation du département du Loiret à lui verser une somme de 980.752 euros, majorée des intérêts légaux et de leur capitalisation, "en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du refus de ce département de prendre en charge financièrement l'accueil des femmes enceintes et des mères isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans au sein de quatre centres d'hébergement et de réinsertion sociale au titre des années 2009 à 2011". En septembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le département contre ce jugement.

Dans sa décision du 1er juillet 2020, le Conseil d'État, saisi par le département, confirme à son tour cette position. Le Conseil rappelle en effet que l'article L.312-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit que les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) font partie des établissements et services sociaux et médicosociaux au sens de ce code. Leur création, transformation ou extension est délivrée par l'autorité compétente de l'État, conjointement avec le président du conseil général lorsque les prestations qu'ils dispensent sont susceptibles d'être prises en charge pour partie par l'aide sociale départementale ou lorsque leurs interventions relèvent d'une compétence dévolue par la loi au département.

De même, l'article L.313-6 du CASF précise que l'autorisation et son renouvellement "valent, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et, lorsque l'autorisation est accordée par le représentant de l'État, seul ou conjointement avec le président du conseil général, autorisation de dispenser des prestations prises en charge par l'État ou les organismes de sécurité sociale".

Même en cas d'accueil à la demande de l'État, la prise en charge par le département s'impose

En l'espèce et pour les années considérées, il est vrai que les CHRS concernés n'ont été autorisés que par le seul préfet et le président du conseil départemental n'a fixé aucun tarif les concernant. Mais le Conseil d'État considère que "s'il résulte des dispositions citées [...] que sont en principe à la charge de l'État les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des personnes qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, ainsi que l'hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, il résulte des dispositions citées [...] que la prise en charge, qui inclut l'hébergement, le cas échéant en urgence, des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, incombe au département".

Or l'État (via le service intégré d'accueil et d'orientation) ne pouvait légalement refuser aux femmes mentionnées ci-dessus un hébergement d'urgence "au seul motif qu'il incombe en principe au département d'assurer leur prise en charge, l'intervention de l'État ne [revêtant] qu'un caractère supplétif, dans l'hypothèse où le département n'aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent".

Dans ces conditions, "l'accueil à ce titre de ces personnes par les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, titulaires d'une autorisation du représentant de l'État et participant au dispositif de veille sociale, ne saurait être subordonné à l'habilitation par le président du conseil général [aujourd'hui, conseil départemental, ndlr] de ces établissements. Par ailleurs, la circonstance que les personnes mentionnées ci-dessus soient accueillies par des centres d'hébergement et de réinsertion sociale à la demande de l'État, suppléant la carence du département, est sans incidence sur la responsabilité de ce dernier pour la prise en charge du coût résultant de l'accueil par ces centres des personnes qui relèvent de l'aide sociale à l'enfance".

Références : Conseil d'État, 1e et 4e chambres réunies, décision n°425528 du 1er juillet 2020, département du Loiret (mentionné aux tables du recueil Lebon).
 

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