Le retour en grâce de la gare et de son quartier

Un webinaire organisé ce 7 décembre par l’Observatoire national de la gestion de centre-ville a mis en lumière le retour en grâce des gares et de leurs quartiers.  Naguère délaissés, ils sont aujourd’hui portés par la relance du ferroviaire tout en voyant leurs fonctionnalités dépasser désormais le seul cadre de la mobilité. À l’heure de la lutte contre l’étalement urbain, ils disposent en outre de solides atouts, pour peu qu’ils puissent être valorisés.

Délaissée, quand elle n’était tout simplement pas fermée, victime "de la chute du trafic ferroviaire et de la désindustrialisation des villes" – diagnostique Guillemette Pincent, experte territoriale Action Cœur de ville à la Banque des Territoires –, la gare a souvent entraîné dans sa chute tout un quartier, souvent "monofonctionnel". Le webinaire organisé ce 7 décembre par l’Observatoire national de la gestion de centre-ville laisse toutefois penser que leur descente aux enfers commune semble en passe d’être enrayée.

La gare, d’un "non-lieu" à un lieu de vie

La volonté de relancer le transport ferroviaire (voir notre article du 24 février) redonne évidemment à la gare son utilité première : plus de voyageurs dans les trains, c’est mécaniquement d’abord plus de monde dans les quelque 3.000 gares que compte la France. Pour Adrien Lavayssière, directeur du développement de SNCF Retail & connexions, l’inverse devrait également se vérifier : "Il faut donner envie de gare pour donner envie de train", scande-t-il. La transformation à l’œuvre des gares "d’un ‘non-lieu’, d’un simple lieu de transit, en un lieu de vie et de culture" observée par Christophe Rioux, enseignant à Sciences Po, devrait y contribuer. C’est en tout cas l’objectif poursuivi par le dispositif "Place de la gare" (ex. 1001 gares) porté par SNCF Gares & connexions, qui vise à lutter contre la vacance des locaux. "Plus de 60 projets ont été ouverts dans ce cadre l’an passé", se félicite Adrien Lavayssière. Ils vont d’un pôle de soins à Soissons (Aisne) à une librairie à Rezé (Loire-Atlantique), en passant par un café-guinguette à Quiberon (Morbihan) ou la transformation du buffet de la gare de Chagny (Côte-d’Or) en un espace de coworking et un tiers-lieu d’inclusion numérique. Relève également de cette logique la signature, le 13 novembre dernier, d’une convention avec Loxamed pour déployer des espaces de télémédecine et des services de soins dans près de 300 gares d’ici à 2028 dans les zones "caractérisées par une offre de soins insuffisante". "100% des centres disposeront d’un infirmier qui accompagnera les patients", tient à rassurer Adrien Lavayssière. Il insiste d’ailleurs plus généralement sur "la nécessité d’avoir un vendeur", quelle que soit l’activité déployée, "pour humaniser la gare". Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes à l’heure des "points d’arrêts non gérés", c'est-à-dire des haltes ferroviaires dépourvues de guichets (voir notre article du 1er juillet 2021).

Une "vitrine" à soigner

S’il faut rendre la gare attractive pour que les locaux l’investissent (et, donc, s’en échappent via le train), Christian Béraud, maire d’Arpajon et président de l’Observatoire national du commerce et de l’artisanat, rappelle que "la gare constitue aussi souvent le premier équipement d’une ville que l’on voit". D’où l’importance de soigner "cette porte d’entrée, cette vitrine de la ville, qui est aussi un point d’accès au bassin de vie", insiste Guillemette Pincent. La gare elle-même, mais aussi évidemment son environnement immédiat, à commencer par le parvis, "trait d’union, véritable sas entre la gare et la ville", relève Christophe Rioux. Ce qui suppose souvent de "requalifier ces quartiers, en développant la mixité fonctionnelle, et de mieux les intégrer au reste du tissu urbain, en retissant des liens avec le centre-ville, en gérant la question des franchissements…", explique Guillemette Pincent.  Dans cette logique, on ne sera donc pas surpris que ces quartiers de gare aient été érigés au rang de "nouvelle priorité" de l’acte II du programme Action cœur de ville (voir notre article du 15 février 2022), comme le rappelle Dominique Consille, directrice des programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). 

Des atouts à valoriser

Si nombre de ces quartiers ont été progressivement abandonnés et restent encore souvent mal-perçus (voir notre article du 1er juin), ils ne manquent toutefois pas d’atouts à l’heure de la lutte contre l’étalement urbain – pour peu qu’on puisse leur redonner du lustre. "Les gares disposent souvent d’un foncier important et d’un patrimoine immobilier sous-utilisé", souligne ainsi Dominique Consille. Pour favoriser leur renaissance, elle relève que l’ANCT, Villes de France et le groupe SNCF ont décidé de joindre leurs forces, signant lors du dernier salon des maires "une charte qui prévoit notamment que les villes lauréates du programme Action cœur de ville pourront bénéficier d’un interlocuteur ressource" pour les accompagner dans la conduite de leurs projets. À en croire le témoignage de Gilles Dupin, maire de Balbigny (Loire), faisant part des "très grandes difficultés" qu’il rencontre pour "récupérer des délaissés de la SNCF" – "c’est très très très long", déplore-t-il, observant que "le sous-préfet ne voit pas beaucoup de solution non plus" –, l’aide ne sera pas superflue.

Ces mêmes "villes ACV" peuvent également recourir au dispositif "Site-pilote quartier de gare" qu’est en train de déployer la Banque des Territoires (la première convention a été signée avec Libourne, ville qui pourrait être prochainement imitée par Bastia, Bourgoin-Jallieu, Carpentras, Colmar, Creil, Grasse, Lisieux, Périgueux, Poitiers, Saint-Brieuc ou encore Saint-Omer). "C’est un dispositif qui vise à accompagner des projets complexes", avertit Guillemette Pincent. L’experte ajoute que la Banque des Territoires est également en train de conclure "une convention de partenariat avec SNCF Immobilier pour faciliter la requalification des emprises foncières et bâties mutables et non utilisées par SNCF Immobilier pour débloquer les projets, en cofinançant des études en amont – jusqu’à 200.000 euros par site". De multiples dispositifs qui montrent à quel point la gare est revenue au centre de l’attention : "On a sous-estimé pendant de trop nombreuses années leur rôle", conclut Christian Béraud.