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Le Sénat ne veut pas des points d'accueil pour soins immédiats (Pasi) pour soulager les urgences

La proposition de loi de l'UDI visant à créer une structure intermédiaire entre la médecine de ville et les établissements de soins - adoptée en première lecture à l'Assemblée et à laquelle le gouvernement avait donné un avis favorable - a été rejetée en séance au Sénat. À l'heure du lancement du Ségur de la santé, la majorité des sénateurs ont considéré qu'il fallait privilégier une réponse plus globale aux enjeux liés à l'engorgement des urgences et à l'articulation ville-hôpital.

Le 4 juin, le Sénat a rejeté en première lecture (228 voix contre, 95 pour) la proposition de loi "visant à répondre à la demande des patients par la création de points d'accueil pour soins immédiats" (Pasi). Celle-ci, déposée du groupe Modem, avait été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en novembre dernier (voir notre article du 29 novembre 2019). En créant cette structure intermédiaire entre la médecine de ville et les établissements de soins, il s'agissait alors de répondre à la demande croissante de diagnostics et de soins rapides, tout en soulageant les services d'urgence des hôpitaux.

Des structures à mi-chemin de l'hôpital et de la médecine de ville

Structures mixtes, les Pasi devaient s'appuyer sur des structures hospitalières existantes (hôpitaux de proximité, cliniques, centre de santé...), "disposant d'un plateau technique permettant d'assurer des soins simples types sutures et pose de plâtre", mais leur fonctionnement devait reposer sur des médecins généralistes venant y exercer, tout en "pouvant s'appuyer sur des avis de spécialistes, présents dans la structure ou par télémédecine, qui sont rémunérés à l'acte conventionné".

En pratique, les Pasi devaient à la fois faire assurer les soins non programmés relevant de la médecine générale lorsque le pronostic vital du patient n'est pas engagé ; éventuellement, caractériser l'état du patient par un avis obtenu auprès d'un médecin spécialiste (le cas échéant en recourant à la télémédecine) ; si nécessaire, orienter le patient vers un service d'urgence ou un service spécialisé pouvant délivrer les soins appropriés à son état.

Le rejet de la proposition de loi peut surprendre, dans la mesure où celle-ci avait été adoptée, le 27 mai, par la commission des affaires sociales du Sénat. La commission avait même introduit plusieurs améliorations dans le texte, par exemple en renforçant la place des personnels infirmiers dans les Pasi ou en mettant l'accent sur la nécessaire complémentarité des Pasi avec l'offre de soins déjà présente sur un territoire, afin d'éviter tout effet de concurrence entre les acteurs de santé. Le gouvernement s'était également montré favorable au texte lors de son examen à l'Assemblée et a réaffirmé sa position au Sénat.

Des interrogations qui finissent par l'emporter

La rapporteure de la proposition de loi – Élisabeth Doineau, sénatrice (Union centriste) de la Mayenne – a toutefois reconnu que "la proposition de loi soulève des interrogations, voire des réserves, qui sont importantes à prendre en compte pour assurer la réussite de l'initiative et l'adhésion des acteurs". Celles-ci concernent le "risque de véhiculer une approche consumériste du soin" et celui "de déstabiliser l'organisation de la prise en charge des soins non programmés mise en place par les acteurs de santé du territoire, en premier lieu les médecins généralistes, en allant en outre à rebours du parcours de soins coordonné". Autre crainte avancée : le risque de "créer une structure supplémentaire, une nouvelle tranche du millefeuille, déconnectée des autres acteurs".

Ces craintes ont resurgi en séance publique, conduisant la majorité des groupes à se prononcer contre le texte, tout en reconnaissant la nécessité de traiter rapidement la question des urgences et de l'articulation ville-hôpital. Pour le PS, Bernard Jomier, sénateur de Paris (et médecin), s'est ainsi demandé : "Comment pouvons-nous porter une réponse aussi faible au regard des besoins ? L'heure est aux décisions structurantes. Le Ségur de la santé a été convoqué : il est prématuré d'adopter cette proposition de loi très partielle avant ses conclusions." Pour sa part, Véronique Guillotin, sénatrice (RDSE) de Meurthe-et-Moselle (et médecin aussi), a indiqué avoir consulté ses confrères. Conclusion : "Si les objectifs sont partagés, le texte ne semble pas apporter de plus-value." Pour Laurence Cohen, sénatrice (CRCE – Communiste) du Val-de-Marne, "cette proposition de loi ne peut convenir alors qu'il faut une réponse globale. On ne peut se contenter d'un sparadrap sur une jambe de bois". Au final, seuls les groupes Union centriste, LREM, Les Indépendants-République et Territoires et une partie du groupe RDSE ont voté pour ce texte.

En attendant le retour devant l'Assemblée nationale, le sort de ce texte semble désormais largement subordonné aux résultats du Ségur de la santé.

Références : proposition de loi proposition visant à répondre à la demande des patients par la création de points d'accueil pour soins immédiats (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 28 novembre 2019, rejeté par le Sénat le 4 juin 2020).

 

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