Les élus hostiles à la 5G en quête de leviers d'action

Les enchères 5G sont annoncées pour le 29 septembre 2020 et l'attribution des fréquences aux quatre opérateurs mobiles devrait être finalisée cet automne. Pour autant, le déploiement effectif de la 5G s'annonce d'ores et déjà compliqué. Cet été les demandes de moratoire voire d'abandon de la 5G se sont multipliées, dépassant le cercle des élus écologistes. Au-delà de la posture, les moyens d'action des maires s'avèrent cependant très limités pour stopper un déploiement déjà en cours.

Le 29 septembre, l'Arcep devrait organiser les enchères des fréquences restantes de la 5G et permettre aux quatre opérateurs mobiles de lancer les services commerciaux de la téléphonie de dernière génération début 2021.  Le déploiement à grande échelle de la 5G s'annonce cependant compliqué, car le mouvement "anti-5G" prend de l'ampleur. Il dépasse les clivages partisans et s'ancre localement. Lancée fin 2019 par des associations non gouvernementales, la demande de moratoire a été reprise par de nombreux candidats aux élections municipales comme par des députés Les républicains en mai 2020 . Elle figure surtout dans les 150 propositions de la Convention citoyenne pour le Climat de juin dernier. Celle-ci demandait un moratoire, le temps "d'évaluer les avantages et les inconvénients de la 5G par rapport à la fibre, avant et non après avoir accordé les licences pour son développement".

Les élus écologistes rejoints par la Corse

Relayé au plus haut niveau de l'Etat par deux ministres du gouvernement (notre article), le moratoire fait de plus en plus d'émules chez les élus locaux. L'assemblée de Corse a ainsi adopté fin juillet une motion portée par son président Jean-Guy Talamoni demandant "la suspension du déploiement de la 5G en attendant de disposer d’études d’impact environnementales et sanitaires, impartiales, objectives et indépendantes des intérêts industriels". Les élus corses mettent aussi en avant le déficit de 4G sur l'ile de beauté, faisant de l'achèvement de la couverture 4G un préalable à la 5G. Du côté des maires écologistes, on s'inquiète d'une technologie qui cible en premier lieu les métropoles. Pierre Hurmic, à Bordeaux, Anne Vignot à Besançon, Eric Piolle à Grenoble ou Emmanuel Denis à Tours (ce dernier est passé par l'association Robin des toits) se sont ainsi prononcés pour un moratoire. Johanna Rolland (PS), maire de Nantes y est également favorable.

L'impact environnemental dans le viseur

La 5G figurait également en bonne place au programme des universités d'été de la France Insoumise ou d'Europe écologie les verts, où les principaux arguments des anti 5g ont été rappelés. Aux incertitudes sanitaires liées à l'augmentation de l'exposition du public aux ondes électromagnétiques s'ajoutent des considérations environnementales et économiques. Delphine Jamet, adjointe au maire de Bordeaux, qui s'exprimait dans le cadre de l'université EELV a déploré "une autoroute qui va conduire à une augmentation de la circulation des données et donc des consommations énergétiques". La 5G va aussi impliquer un renouvellement des terminaux, entraînant des dépenses supplémentaires pour les ménages et une nouvelle ponction des ressources en terres rares qui interviennent dans la fabrication des smartphones. Dans leurs revendications, les opposants à la 5G demandent, a minima, d'attendre le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Un état des lieux des connaissances scientifiques annoncé pour la mi-2021 qui devra résoudre la difficile équation d'analyser l'impact sanitaire d'une technologie qui n'est pas déployée… Les élus souhaitent aussi l'organisation d'un débat démocratique sur la 5G. La ville de Bordeaux en lancera un cet automne localement et entend aussi mettre un terme aux expérimentations 5G auxquelles la métropole de la précédente majorité participait. 

L'impossible plan d'occupation des toits 

Au-delà de ces mesures, avant tout symboliques, les nouveaux maires vont rapidement se heurter aux limites de leurs prérogatives en matière de déploiement des antennes. En octobre 2011, le Conseil d'Etat a en effet annulé des arrêtés municipaux réglementant l'implantation des antennes de téléphonie mobile au titre de leurs pouvoirs de police en jugeant que "seules les autorités de l’Etat désignées par la loi (ministre, Arcep, ANFR) sont compétentes pour réglementer de façon générale l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile". De même, tous les arrêtés municipaux anti-antennes invoquant "le principe de précaution", inscrit dans la Constitution à travers la Charte de l'environnement, ont été cassés par le Conseil d'Etat. Celui-ci a jugé en 2012 que l'"exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes-relais" ne présentait pas de "risque" pour le public. Face à cette impasse réglementaire, les élus écologistes entendent agir au niveau européen, notamment pour abaisser les seuils d'exposition réglementaires aux ondes électromagnétiques. Ils souhaitent aussi créer une association fédérant tous les élus hostiles à la 5G pour proposer notamment des modèles de délibération.

500 antennes 5G déjà déployées

En attendant, le déploiement de pylônes 5G se poursuit, soit pour mener des expérimentations, soit pour permettre aux opérateurs d'anticiper sur le lancement commercial de la 5G en 2021. L'ANFR dénombrait ainsi 500 stations 5G autorisées en France début août  l'immense majorité n'est pas activée. "Une réserve de pylônes" qui pose question explique l'AMF à Localtis car si les dossiers d'information remis aux maires mentionnent bien la 5G – comme ici à Brest  – rien ne dit qu'ils seront informés de leur activation. Quant aux mesures d'exposition que peuvent demander les maires dans le cadre de la loi Abeille lors de l'installation d'un pylône, les opérateurs pourraient faire valoir qu'elles sont hors délais… Des incertitudes qui conduisent l'AMF à souhaiter une clarification de l'application de la loi Abeille et des engagements écrits de la part de la fédération des opérateurs télécoms (FFT). Il est vrai que du côté de l'Etat, c'est le silence… radio, le site radiofrequences.gouv.fr, dédié à la problématique ondes, santé et information du public, ne dit en effet rien de la 5G.