Les formations longues augmentent les chances d’embauche dans les métiers en tension

Les travaux menés par les membres du comité scientifique d’évaluation du plan d’investissement dans les compétences tendent à révéler l’effet positif des formations longues aux métiers en tension sur les chances de retour à l’emploi, mais dans certaines conditions seulement. 

Faut-il former plus de demandeurs d’emploi aux métiers en tension ? Dans son ultime bilan, le comité scientifique d’évaluation du plan d’investissement dans les compétences (PIC) observait qu’en 2023, seules 22,5% des formations qualifiantes visaient les métiers les plus en tension. Cette piste produirait pourtant des effets positifs sur le retour à l’emploi, selon plusieurs des chercheurs de ce comité réunis en colloque, mardi 1er juillet, pour tirer le bilan des politiques menées depuis 2019. 

Avantage aux profils bien formés 

"Le ciblage [des formations] semble amener plus de gens vers les métiers les plus en tension", explique l’enseignante-chercheuse Isabelle Terraz, de l’Université de Strasbourg. 16% des personnes ayant suivi des formations pouvant mener à ces emplois finissent par y accéder deux ans après, contre 2% en moyenne dans les formations ne ciblant pas spécifiquement ces métiers. Autrement dit, même un employeur qui peine à recruter privilégiera des candidats bien formés.

"L’impact de la formation professionnelle est beaucoup plus important dans les départements où les tensions de recrutement sont élevées", souligne aussi le professeur d’Economie à l’Ensae, Roland Rathelot. Une conclusion issue de sa campagne de testing, qui a consisté à envoyer 6.500 candidatures de profils différents, plus ou moins formés, en réponse à 1.700 offres d’emploi dans six professions en tension (employé de restauration, coiffeuse, aide-soignante, boulanger, carrossier, plombier). 

"Zéro impact" des formations courtes

Sans surprise, le taux de réponse des employeurs est le plus élevé pour les candidats ayant déjà les diplômes exigés. Par ailleurs, l’étude révèle que les candidats en reconversion affichent eux aussi de bons taux de réponse à des candidatures, mais à condition qu’ils aient suivi une formation longue de 7 à 12 mois. En revanche, les CV de profils en reconversion affichant des stages de quelques jours en lien avec le métier, censés envoyer un bon signal aux employeurs, ne les convainquent pas. "Les formations courtes ont zéro impact", a souligné Roland Rathelot. L’employé de restauration est le seul métier pour lequel la formation initiale comme professionnelle n’apporte "aucun impact".

Les entreprises de plomberie se montrent également réceptives aux formations sur-mesure dans le BTP dispensées en Bourgogne-Franche-Comté dans le cadre du plan régional d’investissement des compétences comme l’a montré le testing mené par Pascale Petit, de l’Université Gustave Eiffel. Cependant, ce constat ne s’est pas vérifié dans le cas des postes de maçon, un résultat a priori "surprenant", selon l’économiste, qui pourrait renvoyer à une culture professionnelle valorisant moins les diplômes que l’expérience, ou des employeurs moins formés. 

Des besoins de recrutement à identifier

Cibler les formations vers les métiers en tension se heurte toutefois à plusieurs limites, déjà mentionnées par le comité scientifique. Il faut distinguer les métiers "présentant un déficit d’attractivité" en raison de bas salaires ou de mauvaises conditions de travail, sujets à un fort turn-over entretenant le besoin en formation. Et pour les autres métiers en forte tension plus qualifiés, comme les cadres de bâtiment et des travaux publics, ingénieurs de l’informatique ou cadres de l’industrie, la marche peut être trop haute pour les chômeurs dont leur niveau de formation initiale est faible. 

Se pose aussi la question de l’identification fine des besoins de recrutement sur un territoire, afin de cibler les bonnes formations. Des projets ont été menés en ce sens dans plusieurs régions, mais le développement de ces démarches s’est révélé "coûteux et chronophage", selon le rapport final du comité scientifique. 

 

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