Conclus entre les régions et l’État, des "pactes formation" plus stricts sur les publics ciblés

Nouvelle version des pactes régionaux d’investissement dans les compétences, les "pactes formation" négociés entre l’État et les régions sont en cours d’adoption. La baisse des financements prévue s’accompagne d’un ciblage beaucoup plus strict des publics prioritaires : bénéficiaires du RSA, demandeurs d’emploi et jeunes peu qualifiés, seniors, travailleurs handicapés. 

Après des mois d’attente, les discussions autour des nouveaux "pactes formation", prenant le relais des Pric (plans régionaux d’investissement dans les compétences) se concrétisent enfin. Après la région Grand Est, première à avoir officiellement signé son "pacte formation" avec la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, les assemblées régionales adoptent les unes après les autres leurs plans régionaux ouvrant la voie à la signature définitive avec l’État. C’est chose faite en Bourgogne-Franche-Comté depuis le 9 février dernier mais aussi en Nouvelle-Aquitaine, qui a voté en séance plénière le 11 mars 2024. Comme lors du précédent cycle, la région Sud reste en retrait de cette contractualisation avec l’État. En revanche, le 13 mars dernier, l’Auvergne-Rhône-Alpes réservait encore sa réponse.

En 2024, ces différents pactes régionaux se traduiront par la formation de plusieurs dizaines de milliers de demandeurs d’emploi : 50.000 en Nouvelle-Aquitaine, 20.000 dans le Grand Est, 14.000 en Bourgogne-Franche Comté.

Un engagement de l’État dégressif

En septembre 2023, le gouvernement avait annoncé un abondement aux régions de 3,9 milliards d’euros en faveur de la formation des demandeurs d’emploi pour la période 2024-2027. Une somme en nette baisse par rapport au précédent cycle. Les régions réduisent elles aussi leur montant "socle" : en Grand Est, il passe de 674 millions d’euros (2019-2022) à 480 millions d’euros sur 2024-2027 et en Bourgogne Franche Comté de 780 millions d’euros (2019-2023) à 278 millions d’euros (2024-2027).

Dans chaque région, la participation de l’État sera dégressive au fil des ans : en Normandie, elle passera de 65 millions d’euros en 2024 et 2025 à 53 millions d’euros en 2026, puis 47 millions d’euros en 2027. La région va délibérer sur la semaine prochaine sur son pacte. "Le niveau d’engagement de l’État reste significatif, compte tenu de la baisse du chômage. Pas mal de bassins sont proches du plein emploi", commente le vice-président de la région Normandie en charge de l'emploi, la formation et de l'orientation, David Margueritte. "Toute personne qui voudra entrer en formation sur le territoire devrait trouver une opportunité de stage car on a énormément de places disponibles", assure également Valérie Debord, son homologue au Grand Est.

Les formations préqualifiantes privilégiées

Pour autant, la diminution des financements ne sera pas répercutée de manière uniforme. "On va continuer à cibler les publics prioritaires et on préserve les formations préqualifiantes par rapport au qualifiant", poursuit David Margueritte. Toutes les formations aux métiers en tension ne pourront être financées puisque c’est l’ensemble du monde du travail qui connaît aujourd’hui des difficultés de recrutement. "Au vu de l’enveloppe, on financera des formations pour les métiers qui ont un sens particulier dans notre territoire", ajoute l’élu, précisant que la liste des secteurs ciblés sera revue chaque année dans les conventions financières.

Malgré l’ouverture par le gouvernement des financements aux jeunes n’ayant pas obtenu de bac+2, la Bourgogne-Franche-Comté mettra en œuvre un "recentrage sur les premiers niveaux de qualification", souligne sa vice-présidente Isabelle Liron, en charge de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi, des mutations économiques et du dialogue social territorial.

Des cibles chiffrées mais pas de gros "bonus malus"

Les accords conclus avec les régions prévoient des objectifs précis en termes de publics ciblés. 80% des entrées en formation doivent concerner des profils prioritaires : bénéficiaires du RSA, actifs en situation de handicap, jeunes sans emploi, demandeurs d’emploi de 26 à 54 n’ayant pas le bac, seniors… Un pilotage par les chiffres qui fait écho aux recommandations du comité scientifique d’évaluation du plan d’investissement dans les compétences, qui critiquait l’absence d’objectifs suffisamment précis concernant l’accès à la formation des personnes les plus en difficulté (voir notre article du 15 janvier 2024) dans les précédents pactes régionaux.

Si l’État renforce le reporting, les régions sont parvenues à trouver une solution d’équilibre dans la contractualisation : l’ajustement à la baisse du montant additionnel apporté par l’État ne pourra excéder 2% dans le cas où les objectifs de publics ciblés ne seraient pas atteints. "On arrive à un mécanisme à la marge qui n’est pas le bonus-malus initial prévu", souligne David Margueritte, à la région Normandie

Le défi de la formation des bénéficiaires du RSA et des seniors

Calés sur les résultats, les objectifs fixés dans les pactes régionaux en termes de publics cibles apparaissent plutôt atteignables. Même si certaines catégories à intégrer dans les programmes de formation apparaissent plus exigeantes que d’autres. "La nouveauté, c’est que l’on va se mobiliser sur les seniors", reconnaît Valérie Debord. 19% des entrées en formations devront aussi concerner les bénéficiaires du RSA, une autre catégorie qui n’accédait que très peu aux programmes régionaux. "C’est un vrai objectif que nous allons atteindre avec l’appui des départements. Ils recevront des propositions d’informations sur nos forums d’orientation dont ils ne disposaient pas auparavant", ajoute la vice-présidente. Pour progresser sur les publics en difficulté, le Grand Est parie aussi sur le renforcement des formations destinées aux demandeurs d’emploi en structure d’insertion par l’activité économique. Cette formule "fonctionne bien pour les personnes très éloignées de l’emploi", indique la responsable politique.

"Nous allons faire attention aux seniors", souligne de son côté Isabelle Liron, de la Bourgogne Franche-Comté, plutôt avancée sur les bénéficiaires du RSA. La région a par ailleurs pu reconduire certaines innovations issues du pacte précédent. Les formations linguistiques, par exemple, ont été intensifiées de manière à permettre la rémunération des stagiaires. Une mesure qui a permis d’augmenter l’attractivité de ces sessions auprès du publics, moins tentés de les abandonner en cours de route pour privilégier un emploi ou d’y renoncer d’entrée de jeu.