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Très haut débit mobile - Les opérateurs 4G invités à donner la priorité à l'aménagement numérique du territoire

Le très haut débit mobile représentera sans soute un substitut à la fibre pour beaucoup de zones mal desservies et constitue donc un enjeu fort en termes d'aménagement numérique du territoire. Le cahier des charges fixé par l'Arcep pour les candidats à l'attribution des fréquences 4G est d'ailleurs très favorable aux territoires ruraux.

Le dépôt des candidatures pour l'attribution des fréquences dans la bande 800 MHz pour le très haut débit mobile, dont la date limite était fixée au 15 décembre, a vu sans surprise la participation des quatre grands opérateurs : Bouygues télécom, Free fréquences, Orange France et SFR. Mais cette bande de fréquence revêt aussi un intérêt particulier lié très directement à l'impératif d'aménagement numérique du territoire comme le prévoit la loi Pintat du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.

Un pouvoir de couverture trois fois supérieur aux fréquences habituelles

Comme le rappelait, il y a quelques semaines encore, le sénateur de la Vendée Bruno Retailleau (UMP), qui préside la commission du dividende numérique, "l'enjeu de cette attribution est considérable. La 4G, qui est l'infrastructure très haut débit mobile, représentera un substitut à la fibre pour beaucoup de territoires. Il ne faudra pas rater le virage. Ces fréquences basses ont un pouvoir de couverture du territoire trois fois supérieur aux fréquences habituelles". De fait, une fois opérationnelle sur le territoire, la 4G autorisera des débits maximum répartis, allant de 60 à 100 Mbits/s pour les téléphones mobiles et pour les tablettes numériques, ce qui laissera une marge plus confortable pour le trafic data, notamment en milieu rural.
S'il est vital pour les opérateurs d'obtenir des licences afin de désengorger leurs réseaux 3G à des coûts de développement d'infrastructure réduits (moins de "points hauts" pour couvrir un territoire donné), il est tout aussi vital pour les territoires de disposer de réseaux susceptibles d'améliorer la qualité de couverture dans les zones les moins bien desservies et qui risquent de le rester pour une longue période.

Déploiement simultané des réseaux à la ville comme à la campagne

Les performances physiques de propagation de la bande de fréquence des 800 MHz ont permis à l'autorité de régulation, l'Arcep, de fixer des contraintes très favorables aux territoires ruraux dans le cahier des charges des opérateurs :
- 99,6% de la population devront être couverts par l'ensemble des opérateurs dans un délai de quinze ans.
- Cette obligation de couverture, plus contraignante, s'appliquera au niveau de chaque département : la population devra être couverte à 90% dans un délai de douze ans.
- Enfin, les opérateurs 4G auront l'obligation de déployer leurs réseaux simultanément dans les villes et dans les campagnes. La zone de couverture prioritaire définie représente 18% de la population et 60% des territoires les plus ruraux.
Outre ces règles de déploiement, la présence de quatre opérateurs, sous réserve que leur candidature soit recevable, facilitera le jeu de la concurrence. Quelques garde-fous supplémentaires vont même la renforcer : la quantité de fréquences acquise par un même opérateur sera limitée et les procédures comportent un dispositif de nature à inciter les candidats à ouvrir leur réseaux aux opérateurs virtuels (MVNO).

Le brouillage affecterait 500.000 foyers sur la période de déploiement

L'Etat a fixé un montant-plancher des enchères à 1,8 milliard d'euros pour des licences ayant une durée de vingt ans. Cette attribution comporte toutefois une part d'incertitude dans la mesure ou certains canaux pourraient générer des brouillages de réception de la TNT. Les opérateurs Orange, SFR et Bouygues, qui ont été autorisés à expérimenter la téléphonie mobile 4G (LTE), ont pu constater que la technologie provoquait des interférences avec la télévision numérique (TNT), allant jusqu’à priver certains habitants de réception.
Des téléviseurs et des décodeurs TNT parfois trop sensibles seraient la source probable du brouillage. Le directeur général de l'Agence française des fréquences (ANFR), Gilles Bréguant, auditionné dans le cadre des travaux de préparation sur le projet de loi de finances 2012, estime que le risque se concentre surtout sur les canaux hauts (supérieurs à 55) et sur les habitations collectives dotées d'antennes de réception avec amplification, plus que sur les antennes individuelles. L'expérience menée il y a quelques mois à Laval a mis en évidence un taux de brouillage de l’ordre de 2%, ce qui affecterait tout de même 500.000 foyers sur la période de déploiement. Or ce taux dépasserait très largement les capacités de gestion des réclamations des téléspectateurs par l'ANFR, qui traite en moyenne 2.000 réclamations par an. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de finances 2012 prévoit (article 47) la prise en charge financière, par les opérateurs titulaires, des coûts de gestion liés à la recrudescence des réclamations relatives aux brouillages causés à la réception de la TNT, ce qui ne les rassure pas précisément au moment où ils doivent se disputer les fréquences aux enchères. L'Arcep va désormais examiner la recevabilité des dossiers : elle publiera dans les prochaines semaines le montant que les opérateurs ont mis sur la table et l'attribution des lots.

Vigilance sur le déploiement et priorité aux applications mobiles

Les règles d'attribution fortement axées sur l'aménagement numérique du territoire esquissent peu à peu une stratégie de rééquilibrage. Du point de vue des performances, la 4G n'est pas comparable au très haut débit filaire, mais elle devrait fournir de nouvelles capacités aux zones à faible densité sur des terminaux mobiles de plus en plus plébiscités. Le déploiement de la 4G pourrait déplacer les lignes du débat politique. La vigilance sur le respect des règles de déploiement du très haut débit mobile sera sans doute un nouveau point de fixation pour les collectivités territoriales. Et pour profiter pleinement de la 4G, le soutien au développement de nouveaux services sur mobiles devra également être mieux organisé, d'autant que la France accuse un retard sur ce marché devenu en quelques années un créneau stratégique au niveau mondial.