Economie locale - Les sénateurs votent la protection des marchés d'intérêt national
Le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services a été adopté le 10 juin 2010 par le Sénat. Au-delà de la réforme des chambres consulaires, le texte comprend une partie dédiée à la transposition en droit français de la directive européenne Services. Et parmi les points abordés par les sénateurs : le cas des MIN, les marchés d'intérêt national, à travers l'article 11. Ces MIN représentent 17 marchés de gros, dont le plus célèbre est celui de Rungis, qui dégage à lui seul près de huit milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec plus de 5.500 grossistes qui emploient 12.000 salariés. Ces marchés regroupent des producteurs et des grossistes à proximité des grandes villes, pour l'approvisionnement des commerces urbains. En question dans le projet de loi : leur périmètre dit "de référence", qui empêche tout grossiste d'un marché concurrent d'un MIN de s'installer, sauf dérogation préfectorale exceptionnelle. Lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, en avril 2010, la députée UMP de Reims et rapporteur du projet, Catherine Vautrin, avait fait voter un amendement supprimant ce périmètre de référence, qui protège les MIN de l'implantation proche d'un concurrent, dans l'objectif d'une véritable attente d'ouverture des marchés, demandée par la directive Services. L'amendement, que certains parlementaires, à droite et à gauche, jugent inspiré par le grossiste Metro, rival des MIN, a provoqué une nouvelle polémique lors des débats du projet de loi au Sénat. "Les MIN ne constituent pas une entrave à la concurrence ; bien au contraire, ils la favorisent, a ainsi affirmé Bariza Khiari, sénatrice de Paris, tous les grossistes d'un même produit sont les uns à côté des autres, et cela permet la réunion de toutes les conditions pour une saine concurrence ; à l'inverse, si l'on décloisonne les MIN, on va voir se multiplier des petits grossistes en divers points des agglomérations ; ils contrôleront un marché local qui leur sera soumis et pourront y pratiquer les prix qu'ils souhaitent." La vocation publique des MIN, dont les élus locaux sont parties prenantes dans leur création et leur modernisation, a également été évoquée. "Avec leurs périmètres de référence, les MIN sont de puissants outils d'aménagement du territoire, a insisté Serge Lagauche sénateur du Val-de-Marne, ils constituent un réservoir d'emplois qu'il faut protéger et représentent, pour nombre de nos agriculteurs, un outil essentiel de mise en marché des produits jusque sur les étalages des commerçants forains et sédentaires de nos centres-ville." La Fédération française des marchés d'intérêt national (FFMIN) a pesé de tout son poids auprès des parlementaires. "Cet amendement démolissait l'équilibre du texte, négocié depuis six mois avec le gouvernement et Bruxelles, et tout ce que nous faisons depuis quarante ans : un peu comme si on décidait, au nom de la liberté individuelle, de supprimer les limites de vitesse routière", explique à Localtis Michel Escoffier, secrétaire général de la fédération. Finalement, le Sénat s'est rangé du côté de la FFMIN, modifiant l'amendement Vautrin, avec l'accord du gouvernement. Dans le nouvel article 11, seuls les grossistes d'une surface de vente inférieure à 1.000 mètres carrés peuvent s'installer dans le périmètre de référence des MIN. Au-delà, l'implantation n'est autorisée qu'après évaluation par l'autorité administrative compétente et en fonction des effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de sécurité sanitaire. Une décision qui s'accorde avec les dispositions concernant l'urbanisme commercial de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, qui prévoit de ne pas soumettre à autorisation les implantations d'une surface inférieure au seuil de 1.000 mètres carrés. "Les sénateurs ont fait preuve de sagesse", estime Michel Escoffier. Le projet de loi doit maintenant repartir en seconde lecture, devant les députés en juin, et les sénateurs en juillet.
Emilie Zapalski
Référence : projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.