Développement durable - Lutte contre les inégalités sociales et environnementales : le Cese propose de développer les actions préventives
Comment remédier aux nouvelles formes d'inégalités sociales et environnementales ? Autrement dit, comment évoluer vers un modèle de développement compatible avec une nouvelle approche écologique assurant la sauvegarde des systèmes naturels, le respect des droits fondamentaux et la satisfaction des besoins essentiels ? Dans un avis adopté ce 14 janvier à la quasi-unanimité (160 votes pour, 0 contre et 9 abstentions), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) formule des pistes d'actions pour répondre à ces questions, en mettant en avant la prévention. Il propose en particuler toute une série de mesures visant à mieux identifier et à réduire "les inégalités environnementales d'exposition et d'accès aux aménités" qui impliquent les collectivités.
Mieux connaître les interactions entre inégalités sociales et environnementales
Il considère d'abord que "la connaissance et le traitement des inégalités environnementales de santé doivent constituer une priorité". Pour cela, il faut commencer par disposer de données adéquates. "Nous nous sommes rendus compte lors de nos travaux que les éléments statistiques disponibles étaient intéressants mais très techniques et minoraient les particularismes sociaux", a commenté Pierrette Crosemarie, rapporteure de l'avis. Le Cese juge donc nécessaire d'"engager au niveau national un travail visant à structurer, rationaliser et optimiser les réseaux de production, de collecte, d'intégration, d'analyse, de partage et de diffusion des données environnementales et sanitaires". Il préconise aussi la création d'un "observatoire intégré des inégalités environnementales" regroupant des acteurs publics et privés cosignataires d'une convention partenariale, à l'instar de l'Observatoire de la précarité énergétique.
Réduire les nuisances à la source
Le Cese formule aussi plusieurs mesures visant à réduire les expositions et sources d'exposition. A ce titre il estime "indispensable de poursuivre la politique de réduction des nuisances sonores et [de] s'efforcer de lier points noirs de l'air et du bruit en points noirs environnementaux en se fondant sur des 'études de zones'" afin notamment d'"aider à identifier les secteurs les plus impactés par les pollutions et nuisances environnementales" et de "traiter les problèmes de façon transversale pour optimiser techniquement et financièrement les projets et les interventions". Concernant la qualité de l'air, il suggère la réalisation d'un bilan anticipé des plans de protection de l'atmosphère (PPA), avec la "rédaction d'un guide sur les retours d'expérience et des bonnes pratiques" qui "permettrait de capitaliser sur la base des actions conduites dans les différentes collectivités et d'améliorer la méthodologie". Il appelle aussi à "l'élaboration et la publication d'un bilan d'application des trente-cinq mesures du plan d'urgence du comité interministériel 'qualité de l'air' qui dépend pour beaucoup de l'implication des collectivités locales". Le Cese insiste également sur la nécessité d'"assurer un environnement domestique sain" et pour cela "exhorte les pouvoirs publics à renforcer la politique de mise en œuvre du droit au logement opposable pour permettre à chaque ménage d'occuper un logement digne, c'est-à-dire n'exposant pas ses occupants à des risques pour leur santé physique (…), et psychique ou leur sécurité (…)". "Les dispositifs existants devraient accorder au moins autant d'attention à l'humain qu'au bâti, ce à quoi pourrait aider une meilleure coordination entre les politiques et acteurs locaux des différents champs concernés (social, médical, logement…), laquelle permettrait un gain d'efficacité à moyens constants", insiste-t-il. Cette action en faveur d'un habitat décent "doit aller de pair avec la résorption de la précarité énergétique, question éminente de santé publique", ajoute-t-il. Il faut en outre "se donner les moyens d'infléchir les politiques publiques en matière de santé". Il préconise ainsi d'"inscrire systématiquement des objectifs de réduction des inégalités environnementales de santé dans les plans régionaux de santé environnement" et estime par ailleurs "indispensable de repenser les politiques d'aménagement et d'urbanisme" qui devraient "intégrer le paramètre d'exposition aux risques et nuisances".
Lutter contre les inégalités dans les territoires ruraux
Le Cese pointe aussi la nécessité de "réduire les inégalités dans les territoires ruraux en améliorant la qualité de vie". Les attentes de leurs habitants "doivent être prises en considération en ce qui concerne en premier lieu l'accès aux services publics et au public (scolaire, périscolaire, santé, transports…) qui doivent être maintenus et si nécessaire développés dans le cadre des 'schémas locaux de services publics' dans une démarche de développement durable", souligne-t-il. En outre, il juge souhaitable que "l'engagement gouvernemental d'équipement en fibre optique de l'ensemble des territoires en dix ans (à compter de 2012) soit considéré comme une priorité dans les zones rurales qui ont des difficultés d'accès au haut débit". Il appelle aussi à "tenir compte de la spécificité du monde rural dans la conception et la mise en œuvre des projets d'intérêt local" qui nécessitent "une capacité d'ingénierie, d'études, de concertations préalables que les petites collectivités ne sont pas toujours en capacité d'assumer seules". "Elles doivent pouvoir faire appel, au-delà de la mutualisation de leurs moyens, à une capacité d'ingénierie dont elles ne disposent pas, contrairement aux centres urbains", insiste-t-il.
Réintroduire la nature en ville
Autre proposition intéressant les collectivités : "améliorer l'accès aux aménités environnementales en milieu urbain". "La priorité doit être de préserver et réintroduire la nature en ville avec un souci de solidarité territoriale et de mixité sociale", a expliqué Pierrette Crosemarie. Une option encore plus prégnante lors de la réalisation des éco-quartiers. Selon la rapporteure, les élus devraient aussi s'appuyer davantage à l'avenir sur le droit de préemption pour requalifier des friches urbaines ou des "dents creuses" et faire valoir le double enjeu environnemental et social. Le Cese recommande aussi d'"augmenter sensiblement les surfaces de toits végétalisés, au moins dans les constructions neuves" en s'inspirant de l'exemple allemand, d'impulser la création de nouveaux jardins familiaux et de développer les "jardins thérapeutiques" dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux.
Spécificités de l'outre mer
Concernant l'outre-mer, le Cese recommande notamment d'intégrer l'impact du changement climatique dans les études de réalisation d'ouvrages publics en zone côtière, en particulier les conséquences de l'élévation du niveau de la mer – 850 km de routes sont aujourd'hui exposées à ce risque. Il appelle ces territoires à s'inscrire dans des programmes d'adaptation dans le cadre de coopérations régionales, par grandes zones géographiques – Pacifique, Océan indien, Atlantique. Par ailleurs, le Cese insiste sur la nécessité de poursuivre et d'amplifier les actions des plans chlordécone aux Antilles, d'assurer l'effectivité du droit à l'eau et de réduire les inégalités d'exposition aux risques et aux nuisances des déchets ménagers.