Mélanie Thomin, nouvelle présidente de l'ANPP : "Ceux qui nous gouvernent devraient s'inspirer de ce qui marche dans les territoires"
Mélanie Thomin a été élue le 24 septembre 2025 présidente de l'Association ANPP-Territoires de projet. Députée socialiste du Finistère, elle est membre de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, et particulièrement mobilisée sur les questions de développement local et d'accès aux services publics, notamment l'accès aux soins. Parmi ses priorités : réaffirmer la légitimité des projets de territoire pour mener des politiques de long terme, et défendre le principe de "solidarité territoriale" pour éviter la construction d'une France à deux vitesses.

© Romain GAILLARD-REA/ Mélanie Thomin
Localtis : Vous entamez votre présidence dans un contexte politique particulier.
Mélanie Thomin : Oui, j'entame ma présidence dans un contexte très particulier de crise profonde institutionnelle que les acteurs locaux et représentants d'associations d'élus locaux, dont l'ANPP, ont dénoncée cette semaine. Il y a un contexte de défiance et d'incertitude politique, économique, écologique et sociale et tout cela n'est pas sans déteindre sur le terrain. A l'ANPP, nous avons eu l'occasion de rappeler notre consternation par rapport à la crise. La France se trouve précipitée dans l'incertitude, avec un blocage institutionnel et un contexte de conflits en Europe et dans le monde. Nous faisons partie des acteurs qui affirment qu'un chemin de solutions est possible dans une logique de dépassement. Celles et ceux qui nous gouvernent devraient pouvoir s'inspirer de ce qui marche dans nos territoires. Nous avons un cadre qui permet le dépassement des clivages politiques pour bâtir du commun. L'échelle des territoires peut être très stratégique quand on cherche un chemin pour le pays !
Quelles sont les inquiétudes fortes sur le terrain ?
Au-delà des citoyens, qui sont préoccupés, désespérés, voire en colère, on a aussi des élus locaux qui sont inquiets. Nous les avons appelés à un sursaut pour que toutes les forces politiques puissent reprendre le chemin de la responsabilité. Mon entrée en fonction s'inscrit dans cette dynamique et dans la réaffirmation de la notion de projet de territoire. C'est important de redire la pleine légitimité de cette notion de projet de territoire à un moment où a été nommé un ministre comme Eric Woerth qui, dans un rapport, préconisait de ne pas forcément construire l'avenir des politiques locales avec cet échelon des pays [voir notre article du 30 mai 2024]. Nous avons la capacité de nous projeter sur 20 ou 30 ans, de travailler en transversal et de construire des politiques stratégiques en matière de santé, transport, alimentation, gestion des déchets…
Il y a aujourd'hui une forme de crise d'identité dans un certain nombre de territoires, notamment dans les territoires ruraux et périurbains et nous avons un message de fierté et d'ambition à porter. Il s'agit de redonner confiance et de mobiliser les énergies. Nous voulons aussi développer le principe de "solidarité territoriale". Il ne faudrait pas qu'on se retrouve avec une France à deux vitesses. Nous devons donc aider les pays à favoriser cet équilibre territorial.
Vous venez de publier le panorama 2025 des pays. Qu'en retenez-vous ?
Le panorama montre que le réseau reste stable et actif. Nous sommes particulièrement attachés à deux revendications : celle de la contractualisation, qui est un de nos principaux combats - avec un cadre participatif, une évaluation des actions, une mesure de l'impact social des politiques publiques, et une éco-conditionnalité des financements -, et celle de travailler à un échelon supra-communautaire, qui est une condition importante pour mener des politiques publiques dans une vision d'ensemble. Une des grandes revendications de l'ANPP est aussi le développement de l'ingénierie. Nous demandons la sanctuarisation du 1% ingénierie dans chaque enveloppe d'investissement*. Il faut que les territoires puissent évoluer avec leur temps autour, par exemple, de la question des déserts médicaux ou des enjeux actuels de mobilités, qu'ils puissent créer des mutualisations et développer des dispositifs qui s'adaptent aux besoins du moment.
* Lancée en 2021, l'idée consiste à consacrer 1% des volumes financiers dédiés aux politiques d'investissement au financement de l'ingénierie du développement local et des transitions.
Près de la moitié de la population couverte par un Territoire de projetLa France compte 268 Territoires de projet (Pays, Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux). Ils couvrent 62% du territoire métropolitain et concernent 47% de la population française, selon le panorama 2025 publié par l’Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP). En moyenne, ces territoires couvrent une population de 90.000 habitants mais avec des écarts allant de 19.500 habitants pour le Pays Val de Creuse-Val d’Anglin, dans l’Indre, à 440.000 pour le Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Grand Clermont. Un territoire de projet réunit 3,5 intercommunalités en moyenne, et est porté par une équipe de 9 personnes qui apportent une "ingénierie d’animation et de coordination" au profit des collectivités. La transition écologique est présente dans plus de 64% des actions portées par les territoires de projets, devant la planification spatiale (51%), la mobilité (45%), la politique énergétique (44,8%), l’alimentation (44,16), le tourisme, la santé ou l’agriculture... M.T. |