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Education - Mixité à l'école : une conférence, un réseau, un état des lieux franco-français et une comparaison internationale

La mixité scolaire fait parler d'elle. A l'occasion d'une conférence internationale sur le sujet, qui se tiendra à Paris les 4 et 5 juin, le Cnesco publie deux études : un état des lieux sur la ségrégation dans les collèges et les lycées français, ainsi qu'un rapport international sur les politiques de lutte contre la ségrégation scolaire dans le monde. Par ailleurs, un "réseau de décideurs parties prenantes des politiques de mixité sociale", où sont attendues les collectivités, se mettrait en place.

Le Cnesco (Conseil national d'évaluation du système scolaire) s'associe au Conseil supérieur de l'éducation du Québec (CSE) ainsi qu'au Centre international d'études pédagogiques (Ciep) pour organiser la première conférence de comparaisons internationales sur les politiques servant les mixités sociale, scolaire et ethnoculturelle dans la classe et l'établissement scolaire, autour de la question "quelles politiques pour la réussite de tous les élèves ?". La conférence aura lieu les 4 et 5 juin 2015 à Paris, au lycée Jacques-Decour, et les organisateurs affichent complet.
Les refoulés les plus motivés pourront se rattraper en intégrant le "réseau de décideurs parties prenantes des politiques de mixité sociale" qui devrait se créer à l'occasion de la conférence. Y seront accueillis : "des décideurs d'univers différents qui, tous au quotidien, construisent ces politiques de mixités sociales à l'école : Parlement, Education nationale, collectivités territoriales, acteurs de la politique de la ville, associations d'éducation populaire…. Dès lors que votre activité professionnelle touche à la fabrication de politiques visant la mixité sociale à l'école".
Le Cnesco a publié, à l'occasion de cette conférence, deux études : l'une dressant l'état des lieux de la mixité sociale dans les collèges et les lycées français ; l'autre allant chercher "que font les autres pays pour la mixité sociale à l'école ?"

En zone urbaine, les collèges reflètent davantage la ségrégation résidentielle

L'état des lieux franco-français confirme que la ségrégation sociale est "en grande partie le reflet de la ségrégation résidentielle, au collège comme au lycée". Il calcule une variation importante - allant de 1 à 10 - entre les départements où la ségrégation est la plus forte et ceux où elle est moins marquée (voir carte : plus un département est violet foncé, plus la ségrégation sociale entre les collèges est forte), les collèges des départements présentant la plus forte ségrégation sociale étant essentiellement situés dans les départements urbains. "Les départements à faible densité de population recrutent sur un rayon plus large, favorisant la mixité sociale des élèves. A l'inverse, en zone urbaine, les collèges sont en concurrence (collèges 'souhaités' et collèges 'évités') et reflètent la ségrégation résidentielle", explique le Cnesco.
Il note également que "la ségrégation se concentre dans un nombre limité d'établissements". Seuls 10% des élèves fréquentent un établissement qui accueille au moins 63% d'élèves issus de milieux socialement très défavorisés (ouvriers, chômeurs ou inactifs).
L'étude s'est également penchée sur la question de la ségrégation dans l'établissement, montrant des pratiques de "ségrégation active". 25% des collèges pratiqueraient, en classe de 3e, une ségrégation sociale, et 45% une ségrégation scolaire. Pour le Cnesco, pas de doute possible : il y a bien "l'existence de classes de niveau dans les collèges français, davantage fondées sur le niveau scolaire que sur l'origine sociale".

Comment font les autres ? Ils expérimentent sous pilotage des collectivités locales...

Du petit tour du monde réalisé par le Cnesco et le CSE du Québec, pour étudier les politiques en faveur de la mixité sociale à l'école, il ressort que certes, il est possible de réduire la ségrégation des établissements, "mais qu'on ne peut pas obtenir cette réduction facilement à l'aide de politiques publiques idéales qui peuvent être implantées dans tous les contextes nationaux. Au contraire, chaque système d'éducation s'inscrit dans une histoire, une culture et une structure bien distinctes qui font en sorte que toute mesure doit être adaptée et arrimée à l'environnement local". Les exemples mis en valeur par le Cnesco font presque tous apparaître une politique menée par une collectivité...
Par exemple, le gouvernement municipal de Milwaukee (Wisconsin, USA) organise une sorte de une loterie pour faire entrer (et financer) les élèves défavorisés en école privée. Ecoles privées qui n'ont pas la liberté de sélectionner leurs futurs élèves sur la base de leur origine ethnique ou sociale.

En l'absence de carte scolaire, le "choix contrôlé"

Toujours aux Etats-Unis, dans le district de Cambridge (Massachusetts), la carte scolaire n'existe pas. Lors de l'inscription de leurs enfants, les parents doivent indiquer un ordre de préférence parmi plusieurs écoles et "l'autorité locale en charge de l'éducation s'efforce de respecter leur choix tout en assurant une certaine mesure de diversité sociale dans les établissements". Avec une règle : "Aucune école ne doit dépasser de plus de 15% la moyenne du district sur le taux d'élèves défavorisés parmi sa population." La fuite annoncée des parents vers des communes limitrophes ou vers l'enseignement privé n'aurait pas eu lieu et le taux d'enfants scolarisés dans les écoles publiques aurait augmenté par rapport à celui des écoles privées.
Aux Pays-Bas, où la sectorisation n'a jamais existé, deux municipalités, celle de Deventer et celle de Nimegen, ont expérimenté un "système de choix contrôlé". Les parents doivent là aussi choisir entre trois et six écoles et indiquer un ordre de préférence. Des "règles de priorité" permettent ensuite de déterminer quel élève pourra s'inscrire à telle école. Priorité n°1 : les frères et sœurs des élèves de l'école, afin que tous les membres d'une famille fréquentent le même établissement. Priorité n°2 : les enfants qui vivent dans le voisinage de l'école. Priorité n°3 : les élèves dont l'admission contribue à l'atteinte d'une proportion de 30% d'élèves défavorisés au sein de l'établissement. D'après un premier bilan, "la ségrégation scolaire n'est pas réduite de manière substantielle dans les quartiers où la ségrégation résidentielle est importante". De plus, "pour que ce type de mesure soit socialement acceptable pour les familles de la classe moyenne, la qualité des établissements ne doit pas varier de manière trop importante".

Le busing serait définitivement la fausse bonne idée

L'étude du Cnesco et du CSE du Québec ne pouvait pas faire l'impasse sur les politiques de "busing" (ou "transport forcé"). Initiées dans les années 70 par des municipalités américaines, elles consistent à "transférer un élève qui aurait normalement fréquenté une école très ségréguée dans un autre établissement situé dans un quartier plus mixte sur le plan racial". Fadela Amara s'en était inspirée en 2008, dans le cadre de son plan Espoir Banlieue, sans grand succès (voir notre article ci-contre du 2 septembre 2008). Même aux Etats-Unis, "cette pratique a donné des résultats mitigés", reconnaît le Cnesco et le CSE du Québec, notamment parce qu'elle "n'a jamais réussi à s'appuyer sur un ferme soutien politique et populaire". Déjà en 1970, un sondage Gallup montrait que seulement 4% des Blancs et 9% des Noirs étaient d'accord avec la pratique du "busing". "Les élèves avaient parfois à parcourir de longues distances, dans certains cas presque toute une ville, pour se rendre dans l'école désignée. La réussite des élèves contraints au "busing" reste à prouver et "la plupart des collectivités ont abandonné ces pratiques au fil des années", rapporte l'étude de 2015.

 

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