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Aménagement du territoire - Montagne : des sénateurs veulent réconcilier patrimoine et développement

Deux sénateurs ont présenté le 4 mars un rapport d'information sur le patrimoine naturel de la montagne qui prend pour fil rouge l'adaptation au changement climatique. Eau, accessibilité, biodiversité, forêt, agriculture, tourisme : en tenant compte des spécificités des communes montagnardes et des problèmes qu'elles rencontrent, le rapport présente une cinquantaine de propositions.


Le rapport sur le patrimoine naturel de la montagne remis le 4 mars par la sénatrice UMP des Alpes-Maritimes Hélène Masson-Maret et le sénateur socialiste de Savoie André Vairetto s'appuie sur de précédents travaux menés par l'ex-sénateur de Lozère Jacques Blanc, qui a planché à deux reprises sur le sujet, en 2002 (bilan de la loi Montagne) et 2011. "Ce rapport d'information ne prétend pas à l'exhaustivité mais donne des 'coups de projecteurs' sur des aspects particulièrement dignes d'intérêt. Pour les préparer, une soixantaine d'auditions ont été menées", explique André Vairetto. "Nos préconisations pourront trouver un écho dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui sera débattue en avril au Sénat. Deux amendements ont été déposés", ajoute Hélène Masson-Maret.

Risques : pour une stratégie de prévention adaptée

Partant du constat qu'"il existe des risques liés au changement climatique spécifiques à la montagne", notamment du fait de son climat et de son relief (crues torrentielles, glissements de terrain), ce rapport fustige l'érosion des crédits alloués à l'Office national des forêts (ONF) pour restaurer les terrains et plaide pour leur maintien à niveau. Il ne passe pas non plus sous silence les crispations entre collectivités et Etat dans la définition des plans de prévention des risques naturels (PPRN), qui couvrent insuffisamment les zones de montagne, où l'enjeu semble pourtant évident. En ce sens, il appelle de ses vœux à "l'émergence de nouvelles stratégies territoriales de prévention des risques", qui devront inclure une approche plus intercommunale du périmètre à risques, un rapprochement entre PPRN et plans communaux de sauvegarde (PCS) et plus de connaissance scientifique et d'effort mêlant observation et action préventive.

Réserves de biodiversité

Autre problème : alors que les "zones de montagne semblent un élément essentiel de la trame verte et bleue" (TVB), la logique de continuité et de corridors écologiques qu'elle impose "n'est pas vraiment adaptée à ces zones" mais plus à la plaine. Les sénateurs proposent qu'au sein de la TVB, les territoires de montagne puissent comporter des "zones mixtes, considérées à la fois comme réservoirs de biodiversité et comme corridors de circulation". Par ailleurs, le levier que représente la dynamique intercommunale les intéresse aussi en vue de réaliser plus d'atlas de la biodiversité, un outil qu'ils jugent à forte valeur pédagogique. L'enjeu est aussi, dans les nombreux terrains Natura 2000 que la montagne accueille, de placer le curseur sur plus de "péréquation financière et fiscale au bénéfice des communes ayant des territoires à haute valeur environnementale". Hormis les cœurs de parc national, d'autres espaces protégés dont ceux du réseau Natura 2000 devraient, à leurs yeux, bénéficier d'une dotation générale de fonctionnement (DGF) majorée. Ils pointent aussi du doigt, dans les périmètres des parcs nationaux situés en montagne, la dérive du "système des mesures compensatoires qui peut conduire à des exigences aberrantes et est mal ressenti". Le long chemin qui mène à l'adoption des chartes de parc est aussi pointé. Tout comme le problème de recrutement des gardes de parcs qui s'appuie sur un concours national ayant, selon eux, accéléré la rupture de confiance entre agents et habitants, qu'il convient de rétablir en reconnaissant mieux l'expérience de terrain des nouvelles recrues. Au sujet des parcs naturels régionaux (PNR), ils estiment cohérents qu'ils soient reconnus "comme des réserves de biodiversité" dans l'élaboration de la TVB mais aussi des nouveaux schémas régionaux de cohérence écologique".

Label "Produit de montagne"

Côté agricole, les sénateurs préconisent de relever ou a contrario de supprimer les plafonds des aides pour la modernisation des bâtiments d'élevage en montagne, un dispositif inadapté ou "contre-productif". Quant au projet d'un label européen "produit de montagne", proposé par la Commission européenne, il pose problème à la France car les critères sur lesquels il s'appuierait défavoriseraient le pays. Le fil rouge du changement climatique se retrouve dans les observations faites sur les activités pastorales, un domaine d'autant plus sensible à ses impacts que les "phases hivernale et estivale (en alpage) y sont étroitement imbriquées". La recherche dans le domaine devrait être plus poussée. Les grands prédateurs posant également problème, ce rapport préconise la création de zones de protection renforcée contre le loup (proposition de loi déjà adoptée au Sénat en janvier dernier), et leur "régulation" par des "prélèvements suffisants".

Valeur ajoutée du bois

Compte tenu de la large place qu'occupe la forêt dans l'espace montagnard, de la sensibilité de ses massifs au changement climatique et de contraintes inhérentes rendant son exploitation difficile, la politique menée dans ce domaine doit être dynamisée, selon les sénateurs. Ils proposent notamment un "maintien à un niveau suffisant" des crédits budgétaires de l'ONF, la mise en place d'un dispositif d'aide à l'installation des jeunes forestiers et de plans d'approvisionnement territoriaux forestiers de massif, "à l'échelle de chaque vallée", et de "favoriser les démarches de labellisation du type bois des Alpes ou bois de Chartreuse, afin de valoriser les qualités spécifiques du bois récolté en montagne".

"Châteaux d'eau du pays"

Les sénateurs qualifient de "châteaux d'eau du pays" les zones de montagne où l'eau, en apparence abondante, risque de subir les effets du changement climatique et la raréfaction. "La gestion de ce risque ne doit pas être oubliée", soulignent-ils. Leur rapport propose d'améliorer la connaissance des étiages et des usages par une "généralisation des observatoires locaux de la ressource en eau". Et "d'utiliser les outils existants, du type schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), pour assurer la cohérence des usages de l'eau, notamment au regard de la neige de culture". Solliciter des cours d'eau pour la fabriquer - quand il ne s'agit pas d'un prélèvement dans le réseau d'eau potable, ce qui est une "absurdité économique" déplorent les sénateurs - pose en effet des problèmes d'usage.

Des classes de neige aux lits froids

Les problématiques de l'immobilier et du tourisme s'invitent aussi dans ce rapport. Enjeu économique fondamental, le tourisme est en effet "un mode privilégié de mise en valeur de l'environnement montagnard". La baisse de la fréquentation inquiète autant les professionnels que les élus. Les sénateurs proposent une batterie de mesures, comme la relance des classes de découverte ou classes de neige. Parc immobilier vieillissant, fuite en avant immobilière (phénomène des lits froids) : pour inverser la tendance, ils suggèrent des mesures fiscales ("ouvrir aux communes la possibilité de moduler la taxe foncière en fonction du taux d'occupation, sur la saison, de chaque logement touristique"), d'observation ("créer des observatoires départementaux sur le nombre et les caractéristiques des lits existants ou autorisés") et financières ("mobiliser l'épargne locale de sociétés foncières pour la réhabilitation de l'immobilier de loisir").

 

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