Comment mettre le numérique au service de la transition énergétique et écologique dans les territoires ?

Parfois réduit à une galaxie d’outils gadget ou dépeint comme un sujet beaucoup trop technique, le numérique est surtout un outil puissant pour mesurer les activités humaines, piloter finement le territoire, anticiper l’impact des changements climatiques sur le patrimoine comme sur l’économie locale, ou encore modéliser de grands projets en tenant compte des paramètres environnementaux. Alors que les politiques et objectifs des collectivités intègrent de plus en plus les enjeux environnementaux, la Banque des Territoires soutient ces dernières dans l’adoption du numérique afin de créer une valeur ajoutée importante.

Les apports du numérique face à des enjeux vertigineux

Les solutions numériques permettent de prendre en compte les enjeux environnementaux et énergétiques dès la conception des bâtiments et autres infrastructures. Les questions d’urbanisme ou d’aménagement peuvent ainsi bénéficier d’une modélisation extrêmement fine qui permet de faire des simulations, par exemple sur la capacité d’un futur bâtiment à gérer les températures extrêmes ou sur le profil sismologique d’un quartier.

Pour Jeanne Carrez-Debock, Responsable du programme Innovation territoriale et smart city à la Banque des Territoires, « nous n’en sommes qu’aux débuts de ce que permettent les modélisations numériques, notamment pour tester et améliorer les questions de nature en ville et de résilience des territoires face aux enjeux climatiques ». Ainsi la ville du Havre a-t-elle effectué l’année dernière une modélisation de l’impact de la montée des eaux, tandis qu’à Nantes, une expérimentation avec une start-up a permis d’anticiper les îlots de chaleur sur un projet de construction d’un nouveau quartier. 

Ce type d’analyse permet de savoir, à l’avance, que telle cour d’école sera trop exposée à la chaleur, que telles avenues ont besoin d’être rafraîchies ou que dans telle zone, au contraire, il vaut mieux ne pas planter d’arbres car ils restitueraient la nuit la chaleur emmagasinée le jour ! La modélisation 3D permet aussi de projeter la consommation carbone d’un bâtiment lors de sa conception, ou les impacts d’un projet de surélévation d’un bâtiment.

Le numérique offre la connaissance, le pilotage en temps réel grâce à la mise en réseaux des infrastructures

Aymeric Buthion, Responsable Marketing & Animation territoriale au Département des investissements de la Banque des Territoires

Le numérique intervient tout au long du cycle de vie des quartiers, en apportant une vision en temps réel des usages et de leurs impacts. En connectant des capteurs entre eux, il est possible de mesurer et d’optimiser la consommation bien plus finement qu’à travers des relevés de compteurs peu réguliers. Une étude de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) montre ainsi que les économies réalisées par le pilotage intelligent de l’éclairage public peuvent être comprises entre 50 et 75 %. « Le numérique offre la connaissance, le pilotage en temps réel grâce à la mise en réseaux des infrastructures », résume Aymeric Buthion, Responsable Marketing & Animation territoriale au Département des investissements de la Banque des Territoires.

Un sujet en plein essor dans les territoires

Les collectivités s’approprient les enjeux numériques autour de la transition énergétique et environnementale de manière progressive. Ce sont surtout les plus grandes villes que l’on trouve en pointe sur ces actions, mais il s’agit le plus souvent de quelques solutions numériques bien rodées, telles que le pilotage énergétique des bâtiments, cohabitant avec d’autres sujets encore en phase d’expérimentation. « La question des données est centrale », relève Aymeric Buthion : « souvent, les collectivités connaissent leurs données, mais l’enjeu est de les croiser entre elles pour en extraire de la valeur et qu’elles deviennent un outil d’aide à la décision ». Peu de collectivités, en effet, se sont emparées de leurs données auprès des délégataires en charge du transport en commun ou des réseaux de chaleur par exemple, dont l’exploitation offrirait retour sur investissements très rapide. La Banque des Territoires les accompagne sur ces enjeux de réappropriation de données dans un format exploitable.

Le numérique est abordé dans un deuxième temps, et d’abord à travers des sujets très concrets

Jeanne Carrez-Debock, Responsable du programme Innovation territoriale et smart city à la Banque des Territoires

Jeanne Carrez-Debock, quant à elle, estime qu’il existe une courbe d’apprentissage dont on ne peut s’affranchir. La plupart des territoires ont déjà pris des initiatives quick wins, c’est-à-dire assez simples à mettre en œuvre et permettant des impacts visibles à court terme. « De nombreux maires ont déjà des réflexes très constructifs et très efficaces, tels que des plans climat ou des sociétés foncières ad hoc, bien que pas forcément reliés au numérique. Ce dernier est abordé dans un deuxième temps et d’abord à travers des sujets très concrets de type éclairage par LED, pilotage du chauffage, arrosage automatique, etc. Seulement après, on peut passer à des sujets plus techniques, ou plus complets comme le territoire zéro carbone ». 

Parmi les sujets émergents du moment, celui des jumeaux numériques, outils fascinants qui permettent de voir et de montrer aux habitants un territoire existant ou en projet, avec une profusion de détails. Ces répliques numériques permettent ainsi de visualiser la voirie, le sous-sol, le bâti, les piétons et véhicules…, et donc de projeter des besoins de maintenance ou des événements climatiques. De plus en plus sollicitée sur cette innovation, la Banque des Territoires a publié un guide dédié qui se veut très pragmatique sur la faisabilité, mais aussi la question du coût, notamment pour des villes moyennes. Alors que l’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) s’apprête à publier un certain nombre de données cartographiques très pointues en open data, le coût de mise en place de jumeaux numériques devrait sensiblement diminuer. Reste la question de la compétence, qu’il faut recruter et déployer en interne.

La Banque des Territoires aux avant-postes pour accompagner les collectivités

« Nous abordons la transition énergétique et écologique avec une vision globale, et mobilisons de nombreuses équipes pluridisciplinaires autour de ce sujet transverse », précise Jeanne Carrez-Debock. L’accompagnement ne se limite donc pas au prisme numérique : il englobe aussi bien le financement massif de la rénovation énergétique des bâtiments publics et logements sociaux  que le soutien à l’élaboration de feuilles de route sur des sujets plus émergents tels que la nature en ville (dispositif SGREEN destiné aux villes du programme Action Cœur de Ville). 

Récemment, la Banque des Territoires a émis un appel à manifestation d’intérêt pour accompagner six collectivités du programme « Action Cœur de Ville » dans le développement de cas d’usage de solutions numériques au service de la transition écologique. Cet accompagnement centré sur la place du numérique dans les enjeux et besoins territoriaux constitue une première brique vers la création d’une offre pertinente et plus large.

L’action de la Banque des Territoires se manifeste également à travers des investissements au sein de start-ups proposant des solutions numériques en lien avec les enjeux énergétiques et environnementaux. Par exemple : 

  • Synox qui pose des capteurs et aide à piloter les infrastructures ou les bâtiments, 
  • Vizcab qui permet de mesurer et de diminuer l'impact carbone des projets de construction,
  • Intent dont la plateforme permet de piloter l’ensemble de l’écosystème autour des bâtiments et de leur data, 
  • Qarnot qui fournit du calcul informatique haute-performance et dont la chaleur dégagée par les serveurs est valorisée pour chauffer écologiquement des bâtiments,
  • Cycle’Up, une marketplace pour les matériaux de chantier, qui permet de réemployer les déchets de déconstruction.

« Parfois, nous créons aussi des joint-ventures afin de répondre à un besoin qui n’est pas couvert ou par trop peu d’acteurs », indique Aymeric Buthion. 

Autant d’initiatives au service des collectivités, afin d’apporter des réponses toujours pertinentes et précises à leurs enjeux numériques.
 

Jeanne Carrez-Debock

Responsable du programme Innovation territoriale et smart city à la Banque des Territoires

Diplômée de l’EM Lyon et d’un troisième cycle en développement territorial à la Sorbonne, Jeanne Carrez-Debock rejoint en 2005 le cabinet EY en tant que consultante en développement économique. Entrée en 2011 à la Caisse des Dépôts, elle est désormais responsable du programme Innovation territoriale et smart city.

Aymeric Buthion

Responsable Marketing & Animation territoriale au Département des investissements de la Banque des Territoires 

Après une formation d’aménageur-urbanisme, Aymeric Buthion s’est spécialisé dans la transformation numérique des territoires au sein de la Direction Générale de la modernisation de l’État, puis de la DATAR. Il a également participé au développement des filières industrielles en santé numérique et en internet des objets, au travers de l’initiative French Tech portée par le ministère de l’Économie.

Depuis 3 ans, il a rejoint la Banque des Territoires au sein du Département de la transition numérique de la Direction de l’investissement.