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Sécurité - Police municipale : les petites villes ont compensé le désengagement de l'Etat

Ayant fait les frais des 13.700 postes supprimés de polices et de gendarmeries ces dernières années dans le cadre de la RGPP (puis des priorités données aux zones de sécurité prioritaires), les maires de petites villes ont comblé le désengagement de l'Etat par la création de postes de policiers municipaux. C'est en tout cas ce que conclut l'Association des petites villes de France (APVF), qui publie ce 23 février une enquête sur "Les politiques en matière de sécurité dans les petites villes".
Sur 152 communes interrogées lors de cette enquête, 85% sont dotées d'une police municipale et 33% disposent d'agents de surveillance de la voie publique (ASVP). Seule une commune sur dix n'a recourt à aucun des deux services. La taille de la commune et le fait de disposer de quartiers sensibles n'entrent pas en ligne de compte dans le choix des élus.
Si les élus ont massivement recours aux polices municipales, ils semblent plutôt réfractaires à l'idée de les armer. Les polices des petites villes sont ainsi moins souvent armées que la moyenne (40% contre les deux tiers au niveau national). Un point important au moment où le débat vient d'être relancé dans la foulée des attentats de janvier 2015 avec la volonté du gouvernement de cofinancer l'achat de revolvers pour les maires qui souhaitent équiper leur police. 7% des maires envisagent d'armer leur police "dans un court ou moyen terme". A l'inverse, 53% ne le souhaitent pas. Pour l'APVF, "deux grandes visions (…) coexistent dans les petites villes", celle des polices dont la doctrine d'emploi privilégie "la prévention, le dialogue avec les habitants et la préservation de la tranquillité publique" et celle dont la doctrine "comprend des prérogatives sécuritaires plus élargies".

Craintes sur l'intercommunalisation

Mais les élus sont en même temps demandeurs d'une clarification des rôles avec l'Etat. Ainsi, 30% d'entre eux constatent une "judiciarisation" de leur police, c'est-à-dire un rapprochement ou une confusion entre les missions exercées par leurs policiers et celles des forces de l'ordre. 20% ne préfèrent pas se prononcer ! "Pour lutter contre ce phénomène de judiciarisation, la conclusion de conventions de coordination constitue un outil largement plébiscité par les maires", souligne l'enquête : 78% des élus se déclarent satisfaits par leur convention. "L'enjeu consiste maintenant à donner tous les moyens pratiques nécessaires aux communes qui le souhaitent de pouvoir rédiger leur propre convention de coordination", souligne l'APVF. Selon le rapport Blazy du 22 octobre dernier, les nouvelles conventions-type datant de 2012 n'ont pas permis de résoudre les difficultés rencontrées par les élus sur le terrain. Mais l'APVF se félicite d'une des préconisations de la proposition de loi visant à créer des polices territoriales des sénateurs Pillet et Vandierendonck (votée par le Sénat mais toujours pas inscrite à l'Assemblée), abaissant de 5 à 4 le nombre de policiers au sein du service de police municipale rendant obligatoire la signature d'une telle convention. Autre préconisation des deux sénateurs : favoriser le passage à une intercommunalisation de la police. Or, pour les trois-quarts des maires de petites villes, le passage à l'intercommunalisation est le gage d'une "plus grande cohérence des stratégies de lutte contre l'insécurité". Toutefois, ils sont presque aussi nombreux (68%) à craindre un affaiblissement de leur pouvoir de décision ou un émiettement de la présence policière. Le défi pour le législateur, juge l'APVF, consistera à "permettre une meilleure sécurisation des territoires sans pour autant remettre en cause la physionomie et le mode de pilotage de la police municipale".

Vidéosurveillance

Au-delà de la police municipale, l'enquête a permis de montrer le niveau d'équipement en vidéosurveillance ou le recours à d'autres dispositifs de prévention. Ainsi, 35% des maires disposent de caméras de vidéosurveillance et 22% l'envisagent. Ce qui fait qu'à brève échéance, 57% des petites villes seront équipées. Cette appétence a été facilitée par les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance qui, en 2014 encore, consacrait 19 millions d'euros à l'équipement en caméras. Ce fonds subit une réorientation depuis 2013 vers les autres dispositifs de prévention, sachant que 81% des maires se disent impliqués dans ce domaine. Seulement, malgré l'appropriation de la loi du 5 mars 2007 (qui a fait du maire le pivot de la prévention sur son territoire), il reste encore beaucoup à faire : seulement 53% des petites villes possèdent un conseil local (ou intercommunal) de sécurité et de prévention de la délinquance, "ce qui témoigne d'un relatif déficit de stratégie en matière de politique locale de prévention". Et les trois quarts des maires affirment qu'il n'existe pas de dispositif d'accompagnement des victimes dans leur commune. "Les politiques d'accompagnement demeurent le parent pauvre des politiques locales de prévention", juge l'APVF qui y voit un "impensé" dans la stratégie de lutte contre l'insécurité.