Pour la FHF, "le modèle des Ehpad publics est en train de vaciller"

La Fédération hospitalière de France alerte sur l’ampleur des difficultés financières que connaissent les Ehpad publics hospitaliers : 2 milliards de déficit cumulé entre 2022 et 2024 et aucune perspective d’amélioration du fait du poids des charges alourdi par la hausse annuelle des cotisations CNRACL jusqu’en 2028. La FHF appelle à un sursaut pour sauver les Ehpad publics et plus largement l’offre médicosociale publique, rappelant que nombre de personnes âgées dépendantes n’ont accès – pour raisons financières et géographiques - à aucune autre solution de soins et d’accompagnement.    

"Les Ehpad publics constituent un maillage de solidarité que nous nous devons de protéger. Or aujourd’hui ce modèle est en train de vaciller." Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF), a eu des mots forts ce 13 mai 2025, lors d’une conférence de presse, pour caractériser "la crise profonde, souvent silencieuse mais désormais systémique" que traversent les Ehpad publics. La FHF dévoilait les résultats d’une nouvelle enquête menée auprès de ses adhérents, à laquelle plus de 800 "Ehpad hospitaliers" (rattachés à un hôpital ou autonomes, dont le personnel relève de la fonction publique hospitalière, FPH) ont répondu. 

Troisième année d’un déficit massif, malgré la baisse de l’inflation et les aides exceptionnelles 

Publié en septembre 2024, un rapport sénatorial alertait déjà sur la "situation particulièrement alarmante" des 3.306 Ehpad publics en 2022 (1.288 autonomes, 823 gérés par un centre communal d’action sociale et 1.195 rattachés à un établissement public de santé) : 65% de ces derniers étaient en déficit à cette date (voir notre article). 

En 2024, selon l’enquête de la FHF, 70% des Ehpad publics hospitaliers étaient en déficit. C’est certes moins qu’en 2023 (80% en déficit) mais, pour la FHF, la situation s’aggrave pour deux raisons : le cumul du déficit (estimé à 2 milliards d’euros sur 2022-2024 pour l’ensemble des Ehpad de la FPH) et l’absence de perspective d’amélioration. "C’est la troisième année consécutive de déficit massif dans un secteur historiquement à l’équilibre et qui l’était encore en 2019, avant la crise sanitaire", alerte Zaynab Riet. Pour 2024, le déficit cumulé s’élèverait à plus de 500 millions d’euros malgré les aides exceptionnelles - "si on prenait les tarifs purs, on serait bien au-delà", pour Marc Bourquin, conseiller à la FHF.

Pendant la crise inflationniste, les Ehpad commerciaux avaient pu ajuster leurs tarifs, contrairement aux Ehpad agréés à l’aide sociale à l’hébergement (ASH) – qui sont publics et également privés non-lucratifs. Avec la baisse de l’inflation, les tarifs de ces Ehpad agréés à l’ASH sont redevenus supérieurs d’environ un point à l’inflation "mais cela ne compense absolument pas les déficits accumulés", selon Marc Bourquin. Ce dernier met en outre l’accent sur des "distorsions sociofiscales qui pénalisent les établissements sociaux et médicosociaux publics", ces derniers ne bénéficiant pas en particulier, comme les structures privées depuis 2019, de l’abattement de charges sociales. 

Les Ehpad publics ne pourront pas faire face à la hausse des cotisations CNRACL 

À cette "double peine" s’ajoute selon le conseiller une "cerise empoisonnée sur le gâteau" : la hausse à venir des cotisations CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, +3% par an entre 2025 et 2028), qui ne sera compensée par l’État que sur la part relative au forfait "soins" - soit un niveau de compensation estimé à 40% de cette augmentation. "45% des départements n’augmenteront pas leur tarif dépendance", indique Marc Bourquin, tout en mentionnant que les départements sont eux-mêmes confrontés à cette hausse des cotisations.   

Déjà en grande difficulté, les Ehpad publics ne pourront pas absorber cette charge supplémentaire, selon la FHF. "Nous pourrions avoir d’ici 2028 100% des établissements publics en déficit", avertit la déléguée générale. Elle ajoute : "Quand toutes les structures peuvent passer dans le rouge, ce n’est plus un accident isolé, c’est le signe que le système ne tient plus." Les conséquences à court terme sont déjà lourdes : difficultés de trésorerie et report du paiement de certaines charges (fournisseurs, cotisations sociales…), impossibilité de recruter, renoncement à des projets d’investissement et d’adaptation de l’offre… 

Cette offre médicosociale, parfois la seule disponible, "risque de disparaître"

À plus long terme, "si nous ne faisons rien", cette offre médicosociale dédiée aux personnes âgées en perte d’autonomie et accessible au plus grand nombre "risque de disparaître", ajoute Zaynab Riet, cela "dans un contexte où les besoins ne cessent d’augmenter". Actuellement, 300.000 places en Ehpad sont publiques (soit la moitié du total) mais Marc Bourquin rappelle que, "dans certains territoires et notamment des territoires ruraux, c’est parfois la seule offre disponible". L’Ehpad étant souvent un élément structurant du paysage médicosocial local, en portant par exemple un centre de ressources territoriales, "c’est aussi toutes les autres possibilités d’accueil que l’on menace" lorsqu’on le délaisse, pointe la déléguée générale de la FHF. 

La FHF souligne que la fusion des sections soins et dépendance des Ehpad est une "excellente mesure", mais qu’elle ne réglera pas le problème d’endettement des établissements. Et considère que les Ehpad se saisissent, pour beaucoup, de la possibilité d’établir des "tarifs différenciés" (voir notre article) mais, pour Marc Bourquin, l’impact sera léger puisque la mesure est plafonnée (à 10-15% dans la majorité des cas) et ne s’applique qu’aux nouveaux arrivants. 

La Fédération formule donc cinq propositions prioritaires qui s’adressent à l’État : compensation intégrale des hausses de cotisations CNRACL, objectivation des écarts sociofiscaux qui pénalisent les Ehpad publics, sanctuarisation de l’offre publique avec "une ressource pérenne dédiée à la branche autonomie", "restitution de la réserve prudentielle de la branche autonomie" (240 millions d’euros) et lancement des travaux sur la loi de programmation sur le grand âge. 

 

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