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Protection de l'enfance : le recours à l'hébergement hôtelier ne peut être exclu "par principe"

Deux décisions de tribunal administratif apportent un éclairage intéressant sur la question des hébergements en hôtels pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Révélées par le blog du cabinet Landot, spécialisé dans le droit des collectivités territoriales, deux décisions de tribunal administratif de Toulouse apportent un éclairage intéressant sur la question des hébergements en hôtel pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Car s'il est largement admis que ces hébergements dans des hôtels de qualité très moyenne, qui durent parfois plusieurs mois, ne sont pas adaptés à l'accueil durable et à la prise en charge des enfants et des familles, il est parfois difficile de s'en passer, faute de solutions alternatives suffisantes.

"Une politique volontariste de la protection de l'enfance"

L'affaire concerne le département de la Haute-Garonne. Par une délibération du 12 avril 2016, l'assemblée départementale décide, conformément à des orientations nationales largement partagées par les experts de la protection de l'enfance, "d'engager une politique volontariste de la protection de l'enfance d'ici 2020 garantissant une vision stratégique et globale" et d'en tirer un certain nombre de conclusions opérationnelles. Un arrêté du président du conseil départemental du 25 avril 2016 prévoit donc de supprimer, à compter du 2 mai, les prises en charge hôtelières pour les mineurs non accompagnés (MNA). Un second arrêté, daté du même jour, supprime les prises en charge hôtelières pour les femmes enceintes et pour les mères isolées avec un enfant de moins de trois ans. Dans le même temps, le département annonce la mise en place d'un "plan d'action visant à améliorer de manière significative le dispositif d'ASE sur son territoire, avec la création de 450 places à l'horizon 2020".

Mais les deux arrêtés sont attaqués par le Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés) et par l'association Avocats des jeunes-Toulouse (AJT), donnant ainsi lieu à la double décision du tribunal administratif de Toulouse.

L'hébergement hôtelier n'est ni prévu, ni obligatoire...

L'article L.222-5 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit que la prise en charge des mineurs, des femmes enceintes et des mères avec enfants rencontrant des difficultés relève bien du département. À cette fin, il appartient au président du conseil général de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement du service de l'ASE et d'organiser les moyens nécessaires à l'accueil et à l'hébergement de ces publics et de déterminer les conditions de leur prise en charge.

Le tribunal administratif reconnaît toutefois, comme le plaidait le département, que l'hébergement hôtelier n'est ni prévu, ni rendu obligatoire par les dispositions du CASF. Mais il juge qu'"une telle possibilité ne saurait néanmoins être exclue par principe, en l'absence d'un autre dispositif permettant au département de remplir les obligations qui lui incombent".

... mais il ne peut être supprimé sans solution alternative

Tout en ne contestant pas les affirmations du département sur les créations de places réalisées ou projetées, le tribunal administratif estime qu'"il ne ressort pas des pièces du dossier, alors qu'il n'est pas contesté que les dispositifs d'hébergement étaient déjà saturés à la date de l'arrêté attaqué, que ces créations de places, au demeurant postérieures à son entrée en vigueur, auraient été à elles seules, à supposer même qu'elles aient été effectivement créées en totalité, de nature à compenser, pour les personnes concernées, la suppression de tout hébergement hôtelier". Conclusion : "en décidant de supprimer tout accès à l'hébergement hôtelier [...], avant d'avoir mis en place d'autres structures permettant de compenser cette suppression et en se privant, ainsi, d'un moyen de remplir les obligations légales mises à la charge du département, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a commis une erreur de droit".

Même si le fond de l'affaire est différent, la décision du tribunal administrative se situe dans la logique du récent arrêt du Conseil d'État rappelant aux départements l'inconditionnalité de la prise en charge immédiate des MNA (voir notre article ci-dessous du 4 février 2019).

Références : tribunal administratif de Toulouse, décisions n°1602856 et n°1602857 du 12 mars 2019, Gisti et Avocats des jeunes-Toulouse.
 

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