Qualité de l’air et des eaux, marché de l’électricité… rentrée chargée pour le Parlement européen

Les députés européens ont adopté leur position – offensive – en vue des négociations avec le Conseil sur les propositions de textes visant à renforcer la lutte contre la pollution de l’air d’une part, des eaux d’autre part ou à réformer le marché de l’électricité. Ils ont également définitivement adopté la révision de la directive sur les énergies renouvelables. 

La dernière session plénière du Parlement qui s’est déroulée cette semaine a été particulièrement riche, plusieurs textes intéressant singulièrement les collectivités, en particulier ceux proposés dans le cadre du plan d’action "zéro pollution" proposé en 2021 (voir notre article du 21 mai 2021).

Renforcement de la lutte contre la pollution de l’air…

Le Parlement a adopté sa position sur la proposition de refonte des directives relatives à la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (voir notre article du 26 octobre 2022), dans un seul texte. Les parlementaires entendent renforcer le dispositif, en proposant des limites plus strictes pour plusieurs polluants (dont les particules fines PM2,5 et PME 10, le dioxyde d’azote, le dioxyde de soufre et l’ozone) à l’horizon 2035 (repoussant ainsi de 5 ans l’échéance votée par la commission ENVI). Les normes moins contraignantes initialement proposées par la Commission constitueraient un objectif intermédiaire, à atteindre "le plus tôt possible", et au plus tard en 2030. Ils ont également introduit le principe de non-régression lors de la révision des normes.

Ils plaident par ailleurs pour augmenter le nombre de points de contrôle de la qualité de l’air, avec au moins un "supersite de surveillance" pour deux millions d’habitants (contre dix dans le texte initial). Ils proposent de même d’harmoniser les indices de qualité de l’air dans l’Union européenne, qui devront être comparables, clairs et accessibles au public, avec des mises à jour "toutes les heures". Alors que le texte initial plaidait pour des mesures favorisant une coopération accrue en la matière entre les seuls États membres, "les autorités régionales et locales, à l’échelle nationale et transfrontalières" ont été incluses.

Ils demandent l’introduction de nouvelles informations devant figurer dans les plans relatifs à la qualité de l’air, et notamment, parmi celles envisagées aux niveaux local, régional ou national pour atteindre les objectifs de qualité de l’air, des mesures destinées à limiter les émissions dues au transports, concernant au minimum : le choix des matériaux routiers, des tarifs de stationnement différenciés pour les véhicules polluants et à émission nulle, la mise en place de quartiers à faible circulation, de super-îlots et de quartiers sans voiture, la création de rues sans voiture, la mise en place de limitations de vitesse "sévères", des modalités de livraison à émissions nulles sur le "dernier kilomètre" ou encore la création de pôles multimodaux.

Ils ont également facilité la demande d’indemnisation des personnes dont la santé aurait été altérée par la violation des normes en matière de qualité de l’air par les autorités compétentes, en disposant que le lien de causalité entre la violation et la survenance du dommage est présumé lorsque la demande est étayée par des éléments de preuves, y compris des données scientifiques pertinentes (données statistiques épidémiologiques notamment), permettant de présumer que ladite violation a entraîné la survenance du dommage subi ou a contribué à cette dernière. Un dispositif qui n’est pas sans rappeler le mécanisme français d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires. 

Ils proposent encore que tous les États membres établissent des feuilles de route sur la qualité de l’air qui définissent, à court et long terme, des mesures permettant de respecter les nouvelles valeurs limites. 
Le débat a vu le Parlement se diviser sur ce texte (363 pour, 226 contre, 43 abstentions lors du vote établissant les valeurs limites), les partis de droite et d’extrême-droite jugeant les baisses de valeur proposées irréalistes - elles exigeraient pour être atteintes des réductions drastiques d’activités économiques essentielles, selon eux - ou refusant que la preuve de l’absence de lien de causalité entre la violation des normes et le dommage incombe à l’autorité publique compétente.

… et de l’eau

Les députés ont aussi adopté leur position sur la proposition de directive "polluants des eaux de surface et des eaux souterraines" révisant la directive-cadre sur l’eau ainsi que ses deux directives "filles", qui portent respectivement sur les eaux souterraines et sur les normes de qualité environnementale (voir notre article du 26 octobre 2022). Le débat fut plus consensuel (495 pour le rapport, 12 contre, 124 abstentions). Les députés entendent que les listes de surveillance de l’UE soient régulièrement mises à jour, avec un suivi accru des PFAS en général, et de certains en particulier (les polluants éternels).

Ils proposent des normes plus strictes pour plusieurs pesticides, dont le glyphosate, et les produits pharmaceutiques. Ils demandent également à la Commission une analyse d’impact relative à l’introduction d'un mécanisme de responsabilité élargie des producteurs pour les metteurs sur le marché de produits contenant des substances chimiques polluantes afin de contribuer au financement des programmes de surveillance. Ils proposent en outre de renforcer le nombre de stations de surveillance ou encore un traitement spécifique des zones à haute valeur écologique, à grande vulnérabilité ou à pollution élevée. Ils entendent par ailleurs renforcer l’information du public et faciliter les recours contentieux contre une mauvaise application de la directive.

Réforme du marché de l’électricité

Le Parlement a par ailleurs donné son feu vert pour entamer des négociations avec le Conseil sur la réforme du marché de l’électricité de l’UE, telle que proposée par la Commission européenne (voir notre article du 20 mars). Les parlementaires entendent renforcer les mesures contre la volatilité des prix et avoir l’assurance que les consommateurs pourront bénéficier de contrats à prix fixe ou à prix dynamique. Ils veulent aussi interdire aux fournisseurs de couper l’approvisionnement des clients vulnérables ou de les contraindre à utiliser des dispositifs de prépaiement, y compris en cas de litiges.

Énergies renouvelables, coopération transfrontalière…

Les parlementaires ont encore adopté leur position sur le texte relatif aux matières premières critiques (515 pour, 34 contre, 28 abstentions), se prononçant notamment pour réduire la bureaucratie pour les entreprises, singulièrement pour les PME. Ils ont définitivement approuvé deux textes du paquet Fitfor55 : la mise à jour de la directive sur les énergies renouvelables (470 pour, 120 contre, 40 abstentions – voir notre article du 13 septembre) et le règlement ReFuelEU Aviation qui vise à accroitre l’utilisation de carburants durables dans le secteur aérien (518 pour, 97 contre, 8 abstentions). Ils se sont par ailleurs prononcés en faveur d’un nouveau mécanisme transfrontalier, BridgeEU, pour éliminer les obstacles juridiques et administratifs "qui affectent la vie de plus de 150 millions de citoyens européens" selon le rapporteur du texte, Sandro Gozi (Renew, FR) et qui coûteraient quelque "400 milliards d’euros et 4 millions d’emplois chaque année". Les députés ont encore approuvé la décision du Conseil de porter de 705 à 720 le nombre de députés pour la prochaine législature. La France comptera deux sièges supplémentaires (81 au total).