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Quatorze collectivités et des ONG assignent le groupe Total en justice pour "inaction" climatique

C'est le premier contentieux de ce type contre une entreprise française : un collectif de plusieurs villes et ONG a annoncé ce 28 janvier avoir assigné Total en justice pour "inaction" climatique.

Quatorze collectivités territoriales*, aux côtés des associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, ZEA, les Eco Maires et France Nature Environnement, ont annoncé ce 28 janvier avoir assigné Total en justice pour lui demander de "prendre les mesures nécessaires pour réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre". Cette action judiciaire au civil devant le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), qui s'annonce d'ores et déjà longue, s'appuie notamment sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance. Celle-ci contraint les entreprises françaises employant plus de 5.000 salariés à publier un plan pour prévenir les risques en matière d'environnement.

Première interpellation en 2018

En octobre 2018, le collectif avait déjà interpellé le groupe pétrolier, classé parmi les 20 plus gros émetteurs de CO2 au monde. Il lui reprochait l’absence de référence au changement climatique dans son premier plan de vigilance (lire notre article). "Ni la publication d’un second plan de vigilance en mars 2019, ni les échanges avec la direction de Total, y compris une rencontre avec son président-directeur général, Patrick Pouyanné, n’ont abouti à une évolution substantielle des engagements climatiques  de Total, pointe le collectif dans un communiqué. Les ambitions climatiques de Total sont clairement en inadéquation avec la trajectoire 1,5°C, la seule réellement cohérente avec les objectifs de l’accord de Paris."
Les signataires de cet accord, conclu en 2015, sont des Etats et non des entreprises, mais les porteurs du recours estiment que la justice française peut prendre en compte les objectifs du pacte climatique pour examiner les engagements et les actions de Total.
Dans son plan de vigilance, le géant pétrolier et gazier reconnaît le "risque global pour la planète" du changement climatique, détaille les émissions de gaz à effet de serre liées à ses activités et indique les actions qu'il met en oeuvre. Total développe notamment ses activités dans l'efficacité énergétique, le gaz naturel ou encore les énergies renouvelables.

Demande d'analyse intégrale du plan de prévention

Mais pour les ONG et les collectivités territoriales, cela n'est pas suffisant et le groupe doit rehausser ses ambitions climatiques. "Nous demandons au juge de rentrer dans l'analyse intégrale, point par point, du plan de prévention de Total. Est-il adapté ? Est-il à la hauteur des enjeux ?", a indiqué lors d'une conférence de presse Me Sébastien Mabile, avocat du collectif, précisant avoir opté pour une assignation au fond et non en référé (procédure d'urgence, plus rapide). Plusieurs élus locaux dont les maires de Nanterre (Hauts-de-Seine) et Arcueil (Val-de-Marne) ont aussi pris la parole pour "demander des comptes à Total", estimant être "en première ligne" dans le combat contre le réchauffement climatique. "Nous leur demandons des comptes mais aussi des actions positives et concrètes pour nos populations et nos territoires", a insisté Patrick Jarry, maire de Nanterre. "A Grenoble, les conséquences du changement climatique sont déjà visibles : d'ici 2050, les Grenoblois subiront trois mois de canicule par an, et la neige va continuer à disparaître l'hiver. Les glaciers fondent, les montagnes s'effritent", a dénoncé le maire de la ville, Eric Piolle. Plusieurs représentants des ONG à l'origine du recours, dont Sherpa ou France Nature Environnement, se sont joints aux critiques des maires, rappelant que Total était "légalement tenu d'évaluer les risques et prendre des mesures qui s'imposent". Dès juin 2019, ils avaient mis Total "en demeure de prendre des mesures nécessaires pour prévenir les risques majeurs liés au changement climatique".

Les regrets de Total

De son côté, le groupe Total affirme "regretter" la démarche engagée par les collectivités et les associations "alors que des solutions pour répondre à la fois au besoin d'une énergie accessible à tous et aux enjeux du changement climatique nécessitent une coopération entre les différents acteurs". Outre le développement d'énergies moins polluantes, le groupe met en avant ses investissements dans des puits naturels de carbone (forêts...) et dans le CCUS (captage, stockage et valorisation du CO2) ou encore ses efforts pour limiter ses fuites de méthane, un gaz très nocif pour le climat.
Aux Etats-Unis, des villes, des comtés et des Etats ont déjà porté plainte contre des groupes pétroliers pour réclamer le paiement des dégâts ou des travaux rendus nécessaires par le réchauffement climatique. Le géant ExxonMobil a notamment été poursuivi par l'Etat de New York, qui l'accusait d'avoir trompé les investisseurs sur l'impact financier du changement climatique. Mais le juge a débouté l'Etat en décembre, estimant qu'il n'avait pas réuni suffisamment de preuves.

*Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Champneuville, région Centre-Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François

 

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