Quel contrôle en cas de refus de communication en ligne d'un document administratif en raison d'une impossibilité technique de l'administration ?

Constat : Par principe, la communication des documents administratifs s’exerce, sur demande et au choix du demandeur, selon les modalités énumérées aux 1° à 4° de l’article L 311-9 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), notamment par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L. 311-6 du CRPA.

Toutefois, le libre choix par le demandeur des formes dans lesquelles s'effectue la communication des documents administratifs connaît un tempérament : « la limite des possibilités techniques de l'administration ».

Réponse : La doctrine traditionnelle de la CADA et la jurisprudence récente du Conseil d’Etat permettent d’apporter un éclairage bienvenu sur cette dérogation et les difficultés auxquelles sont confrontées les administrations.

La CADA estime que, d'une façon générale, qu’il « appartient aux administrations […] dont l'objet est de garantir le droit de toute personne à l'information, de réaliser ou de demander la réalisation de documents dans des conditions techniques qui permettent leur communication soit dans leur intégralité soit après occultation de certaines mentions […] ». Elle précise à cet égard que « la possibilité ou l'impossibilité d'occulter ou de disjoindre des mentions non communicables ne saurait légalement être la conséquence du choix délibéré d'un dispositif technique de lecture autorisant ou excluant cette faculté. ».

En ce sens, le premier alinéa de l’article L.311-9 du CRPA impose uniquement à l’administration de donner accès aux documents administratifs, sur demande écrite, en ayant recours, le cas échéant, aux outils informatiques dont elle dispose à la date à laquelle elle se prononce et en utilisant les fonctionnalités dont ceux-ci sont dotés.

Dans une affaire récente, le Conseil d'Etat considère qu'eu égard aux fonctionnalités de l’application « Actes budgétaires » dans laquelle les fichiers demandés sont stockés, la demande de mise en ligne de l’intégralité de ces derniers excède les possibilités techniques de l’administration au sens de l'article L.311-9 du CRPA.

Le juge relève que :

  • L’anonymisation manuelle des documents sollicités ferait peser une charge disproportionnée sur l’administration saisie au regard des moyens dont elle dispose ;
  • L’administration ne dispose pas d’un outil informatique permettant de procéder de façon satisfaisante à l’anonymisation des données personnelles de manière automatisée.

A noter : il revient au juge de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l'intérêt qui s'attache à la communication des documents pour le demandeur ainsi que pour le public, le cas échéant.

Dans cette affaire, « si l’association requérante fait valoir que l’anonymisation des documents pourrait être réalisée à l’aide d’un logiciel libre qu’elle a proposé au ministère d’utiliser, lequel permettrait de supprimer l’ensemble des champs susceptibles de contenir normalement des données à caractère personnel, le premier alinéa de l’article L.311-9 du CRPA ne fait pas obligation aux services du ministère d’y recourir, non plus qu’il ne lui impose de développer un outil informatique pour satisfaire la demande dont il est saisi, alors même qu’il disposerait des ressources financières et humaines permettant de réaliser ce développement. ».

Dans ces conditions, le juge conclut qu’eu égard « aux fonctionnalités de l’application « Actes budgétaires » dans laquelle les fichiers demandés sont stockés, la demande de mise en ligne de l’intégralité de ces derniers excède les possibilités techniques de l’administration au sens de cet article » et valide la décision de refus de l’administration de publier toutes les délibérations budgétaires.

Le juge met ainsi en balance les contraintes matérielles et techniques de l’administration avec tous les moyens dont elle dispose pour justifier son refus de communication des documents administratifs sollicités.

A retenir : l’administration n’est pas tenue de recourir à un logiciel qui serait mis à sa disposition par le demandeur, ni de développer un nouvel outil informatique, ni de développer de nouvelles fonctionnalités sur les outils dont elle dispose.

En définitive, il convient d’apprécier, à chaque demande, les possibilités techniques de l’administration de mise en ligne des documents administratifs au regard des moyens informatiques dont elle dispose à la date de sa décision et non de ceux qu’elle serait susceptible de développer ou qui pourraient être mis à sa disposition.

Références :

Articles L. 311-6, L311-9 et L312-1-2 du CRPA ; avis CADA n°20211779 Séance du 15/04/2021 ; Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 17/03/2022, 449620 ; Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 20/12/2023, 467161, Publié au recueil Lebon

 

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